(Scranton) Joe Biden se réclame souvent de Scranton, la cité industrielle du Nord-Est américain où il est né, pour rallier la classe ouvrière. Mais ici aussi, à la veille de la fête nationale du 4 juillet son débat désastreux face à Donald Trump a laissé des traces et l’on envisage qu’il soit remplacé par sa vice-présidente Kamala Harris.

« Je pense qu’il n’aurait jamais dû faire ce débat », tranche Dennis Frison, retraité de la restauration de 70 ans, en fumant une cigarette à l’extérieur du Whiskey Dick’s, un bar très animé de la ville de 75 000 habitants connue pour son usine centenaire d’obus.

Comme beaucoup, y compris dans les rangs démocrates, il s’interroge sur la capacité du président américain de 81 ans à enchaîner un second mandat, après sa prestation calamiteuse la semaine dernière sur CNN, où il est apparu parfois absent, le visage hagard, cherchant ses mots ou bafouillant.  

« Je pense qu’il peut encore remplir son rôle en tant que président, mais il n’est plus aussi alerte qu’avant », pense Dennis Frison. À l’instar d’autres habitants, il ne voit en tout cas personne d’autre que sa vice-présidente Kamala Harris pour remplacer « Scranton Joe ». Même s’il se méfie d’elle, en raison de propos qu’elle a eus par le passé selon lesquels elle ne chercherait pas à faire adopter des lois pour aider les Afro-Américains.

Près d’un centre commercial de l’ancienne capitale du charbon où Joe Biden a vu le jour en 1942, Silvera Kosarev, 21 ans, fait s’inscrire des électeurs pour qu’ils votent le 5 novembre. « Kamala, ça m’ira bien si elle se lance, je suis absolument anti-Trump », assure Silvera.

Et d’ajouter avec franchise : « bien sûr, Biden ne me fait pas une grande impression… il n’est qu’une sorte de candidat de substitution pour passer le cap (de l’élection) et permettre à quelqu’un d’autre d’accéder au pouvoir s’il veut se retirer ».  

« Gêne »

Dans les pages du journal local, The Times Tribune, l’appel lancé la veille par un premier parlementaire démocrate, Lloyd Dogget, pour que Joe Biden se retire, figure en bonne place mercredi. Mais la Maison-Blanche l’assure, il n’en est pas question.

Joe Biden revient souvent à Scranton exalter ses origines dans cette ancienne cité ouvrière, pour se démarquer de son adversaire républicain et milliardaire new-yorkais Donald Trump. Dans le comté où se situe la ville, le démocrate a récolté 54 % des voix en 2020. Mais dans cet État clé et disputé de Pennsylvanie, le soutien pour son adversaire est visible.  

« Pour moi, c’est comme si (Joe Biden) était atteint de démence (ou) d’Alzheimer, avec sa façon de parler. Ce n’est pas bon du tout », déclare Sheryl Krauter, 33 ans, une ancienne habitante de New York qui a déménagé à Scranton.

« Quand M. Trump était président, tout était un peu en place, et personne ne nous embêtait. (Maintenant) tout part dans tous les sens », dit-elle, pendant que des commerçants installent leurs étals pour les célébrations de la fête de l’Indépendance.  

Derrière une pelouse soigneusement entretenue se tient la maison en bois de trois étages où a grandi Joseph Robinette Biden Jr. La bâtisse se situe qu’à quelques minutes en voiture des kiosques de caramels et de riz au lait.

Une affichette invite les visiteurs à prendre des photos depuis la rue. Parmi les maisons voisines, aucune n’arbore de pancarte de campagne Biden-Harris.  

À quelques pas de là, Jamie Hayes, 73 ans, se déclare « gênée » pour Joe Biden.

« J’ai senti qu’il ne se sentait pas bien, il n’aurait probablement pas dû » y aller, dit cette grand-mère avec son petit-fils. Mais « s’il n’était pas monté sur le podium, je suis sûre qu’on aurait eu l’impression qu’il se défilait », poursuit-elle.  

« J’ai davantage entendu parler de Kamala Harris et je la soutiendrai », ajoute la septuagénaire.