(Washington) Colistière très impliquée d’un Joe Biden fragilisé, mais aussi candidate potentielle si le démocrate de 81 ans venait à se retirer, la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris se livre depuis quelques jours à un exercice d’équilibrisme politique.

« La candidate démocrate en 2024 doit être Kamala Harris », écrit l’ancien élu démocrate de l’Ohio Tim Ryan, dans une contribution enthousiaste pour Newsweek.

Jim Clyburn, un autre élu à la Chambre des représentants, et l’une des voix de la communauté afro-américaine, a confié à MSNBC : « Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour la pousser – que ce soit en seconde place ou en tête » du bulletin de vote.

Sur les réseaux sociaux, certains mots-clés associés à Kamala Harris se diffusent à grande vitesse, par exemple #KHive (« hive » signifiant « ruche » en anglais), un terme désignant ses partisans les plus enthousiastes.

La principale intéressée n’a manifesté publiquement aucune velléité de se jeter dans la bataille présidentielle.

« Joe Biden est notre candidat, nous avons battu Donald Trump une fois et nous allons le battre à nouveau », a-t-elle affirmé mardi à la chaîne CBS News, en se disant « fière » de faire campagne aux côtés du président américain.

Après le débat désastreux de Joe Biden face à Donald Trump jeudi, la démocrate de 59 ans était immédiatement montée au front pour le défendre, disant que le président américain avait été « lent au démarrage », mais qu’il avait « fini en force ».

Battement de cœur

Elle va continuer à labourer le terrain en juillet, avec trois déplacements auprès de la communauté afro-américaine et particulièrement des femmes, en Louisiane, au Texas et en Indiana.

Première femme, mais aussi première personne noire et d’origine asiatique à accéder à la vice-présidence des États-Unis, son poste la place à un battement de cœur de la magistrature suprême, selon l’expression consacrée. La présidence lui reviendrait d’office en cas de mort ou d’incapacité du démocrate de 81 ans.

Mais cela ne lui garantit pas de le remplacer comme candidate à la Maison-Blanche, s’il venait à se retirer de la campagne, ce dont il n’a pas l’intention pour l’heure.

Mardi, un sondage diffusé par CNN la donne en meilleure posture que Joe Biden, mais pas gagnante, face à Donald Trump.

L’enquête d’opinion la dote de 45 % des intentions de vote contre 47 % pour l’ancien président républicain de 78 ans. Le président démocrate ne ferait lui que 43 % face à 49 % pour son prédécesseur.

La tendance est nouvelle.

« Il y [avait] depuis trois ans et demi un bruit de fond [au sein du Parti démocrate] selon lequel il faudrait une autre candidature que la vice-présidente » pour les futures élections présidentielles, rappelle Ange-Marie Hancock, professeure de sciences politiques de l’université de l’Ohio.

Elle juge en particulier possible qu’un « courant souterrain de sexisme et de racisme » ait joué contre Kamala Harris.

L’ancienne procureure de Californie a longtemps eu moins bonne presse que le gouverneur de Californie Gavin Newsom ou que la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer.

Sur le « radar » de Trump

Les journaux américains ont beaucoup écrit sur des erreurs commises en début de mandat, notamment sur le plan diplomatique et sur des tensions au sein de ses équipes.

Mais Kamala Harris a écumé les États les plus disputés de la carte électorale et gagné en visibilité avec sa défense fervente du droit à l’avortement.

Si jamais Joe Biden décidait malgré tout de se retirer, la vice-présidente, à cause de sa notoriété, de ses relais institutionnels, et de sa faculté à éventuellement capter les financements de campagne, aurait indéniablement un coup à jouer lors de la convention démocrate de Chicago, en août.

Dans ce scénario, pour l’heure complètement hypothétique, elle ne serait toutefois certainement pas seule à briguer l’investiture.

La vice-présidente est d’ores et déjà « tout à fait sur le radar » du parti républicain rassemblé autour de Donald Trump, selon Ange-Marie Hancock.

Le milliardaire de 78 ans a rediffusé un montage vidéo de chutes et de moments d’égarement de Joe Biden, remettant en cause sa capacité à passer « quatre ans de plus » à la Maison-Blanche. Elle se conclut avec la question : « Et vous savez qui attend derrière, n’est-ce pas ? » sur fond d’images de Kamala Harris éclatant de rire.