(Washington) Après des révélations du New York Times (aussitôt démenties) sur le fait que Joe Biden songerait à abandonner la course à la Maison-Blanche, quelles options s’offrent à lui ? La Presse en a discuté avec un expert.

« C’est comme un tremblement de terre. On ne mesure pas encore l’ampleur que ça peut prendre », lance Charles-Philippe David, président de l’Observatoire sur les États-Unis et professeur à l’Université du Québec à Montréal.

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Ce « tremblement de terre » est venu en plusieurs ondes de choc successives. D’abord un débat présidentiel catastrophique, où le président sortant est apparu diminué mentalement. Puis un sondage, réalisé par le New York Times et le Siena College, qui a montré que l’écart au lendemain du débat s’était creusé entre Joe Biden et Donald Trump.

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Le candidat républicain Donald Trump lors du débat l’opposant à Joe Biden à Atlanta, le 27 juin

Et enfin, un article du New York Times révélant que le président aurait confié à des proches réfléchir à abandonner la course à la Maison-Blanche s’il ne parvenait pas, dans les prochains jours, à convaincre les électeurs qu’il est apte à rester en fonction.

Des démentis, mais un soutien qui s’étiole

La Maison-Blanche a rapidement démenti les affirmations du New York Times. Le président de 81 ans n’envisage « absolument pas » de jeter l’éponge, a affirmé sa porte-parole Karine Jean-Pierre. « Il est faux de suggérer qu’il y a la moindre réflexion pour mettre fin à la campagne », a ajouté un autre porte-parole, Andrew Bates.

Pour Charles-Philippe David, impossible de savoir si Joe Biden va prendre ou non la décision de se retirer. « On ne peut pas vraiment prévoir ou extrapoler, on entend une chose et son contraire. Mais c’est possible qu’il annonce son retrait », avance-t-il prudemment. Il est cependant peu probable qu’il le fasse dans les 24 prochaines heures. « Il est très entêté, c’est une décision difficile à prendre », ajoute-t-il.

Si la vaste majorité des démocrates lui demeure favorable, les soutiens du président s’érodent néanmoins.

Le représentant démocrate du Texas, Lloyd Doggett, a pris la parole publiquement mardi pour lui conseiller de se retirer. D’autres ont affirmé qu’il perdrait les élections de novembre ou ont émis des doutes à ce sujet.

Jim Clyburn, représentant démocrate de la Caroline du Sud, mais aussi un ami et confident de longue date de Joe Biden, a soutenu qu’il n’avait pas personnellement vu le président agir comme il l’avait fait sur la scène du débat la semaine dernière et a qualifié cela de « préoccupant ». Le média CNN a aussi rapporté que le Parti démocrate travaillerait sur un « plan de succession » au cas où le président se retirerait.

Biden s’accroche

De son côté, le principal intéressé a admis s’être « planté » lors du débat, dans une entrevue donnée mercredi à la radio locale du Wisconsin, qui devrait être diffusée jeudi dans son intégralité.

Il a néanmoins insisté sur le fait qu’il ne se retirerait pas. « Je serai dans la course jusqu’au bout et nous allons gagner », a-t-il assuré lors d’une conférence téléphonique destinée à remotiver ses équipes de campagne, selon une source proche.

Mercredi soir, il a rassemblé presque tous les gouverneurs du Parti démocrate à la Maison-Blanche, en personne ou à distance, pour une réunion de crise.

Quelles options pour le président ?

Selon Charles-Philippe David, plusieurs choix s’offrent au président. « La meilleure option serait qu’il démissionne de son poste de président et qu’il laisse la place à Kamala Harris, dont la légitimité serait alors totale », explique l’expert. « Mais ce n’est sans doute pas celle qu’il va retenir », lance-t-il.

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La vice-présidente Kamala Harris

Il reste également possible pour le Parti démocrate de choisir un successeur à Joe Biden durant la convention nationale du parti, qui aura lieu du 19 au 22 août à Chicago. Jim Clyburn a d’ailleurs affirmé qu’il soutiendrait une « mini-primaire » à l’approche de cette convention, si le président quittait la course.

« Mais à leur place, je voudrais à tout prix éviter ce chaos. Ce serait terrible, parce que ça montrerait un Parti démocrate qui déchire sa chemise en public pendant cette convention », lâche Charles-Philippe David.

Pour ce qui est d’une victoire éventuelle des démocrates aux élections américaines le 5 novembre prochain, « tout reste possible », affirme l’expert en politique américaine. Il souligne que les deux candidats présumés, Donald Trump et Joe Biden, restent au coude-à-coude dans les principaux États pivots, qui peuvent basculer d’un bord ou de l’autre.

Et bien que la confiance des électeurs puisse avoir vacillé, comme l’indiquent les sondages, « quatre mois, c’est encore très long, surtout dans la vie politique américaine. On en a déjà vu d’autres », ajoute Charles-Philippe David.

Avec des informations de l’Agence France-Presse et du New York Times