(Dearborn) Devenu en 2022 le premier maire musulman de Dearborn, ville industrielle du Michigan, Abdullah Hammoud s’est fait connaître ces derniers mois pour avoir ouvertement critiqué le soutien inconditionnel du président américain Joe Biden à Israël dans sa guerre à Gaza.

« Je serai le premier à dire que nous ne voulons pas voir Trump réélu à la Maison-Blanche », clarifie d’emblée le responsable dans un entretien avec l’AFP. A 34 ans, il est le maire de cette banlieue de Detroit où 55 % de la population se dit originaire du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord.

« Mais les gens veulent que quelqu’un les motive pour se mobiliser », estime le démocrate, qui appelle à un cessez-le-feu immédiat permettant un échange de prisonniers contre des otages, ainsi qu’à cesser d’envoyer des armes à Israël et à accentuer la pression pour l’entrée de l’aide humanitaire dans le territoire palestinien assiégé.

Le jeune maire s’est retrouvé sous les feux des projecteurs après avoir refusé en janvier de rencontrer des responsables de campagne de Joe Biden qui cherchaient à consolider le soutien des électeurs arabo-musulmans à l’approche du scrutin présidentiel de novembre.

Depuis, il s’est lui-même engagé dans une campagne qui a conduit 100 000 électeurs du Michigan à voter « blanc » aux primaires démocrates pour faire pression sur le président démocrate, qu’ils accusent de soutenir un « génocide » à Gaza.

« Soutien populaire »

Depuis le début de la guerre le 7 octobre, la question divise la gauche américaine, les jeunes et les progressistes soutenant largement la cause palestinienne face à l’occupation israélienne.

À l’approche de l’élection présidentielle de novembre, le sujet menace de faire basculer le vote dans le Michigan, État clé du nord du pays, remporté il y a quatre ans par Joe Biden.

En 2020, les habitants de Dearborn, connu pour être le lieu de naissance d’Henry Ford, avaient massivement soutenu le démocrate.

Avant le début de la guerre, déclenché par l’attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre, Abdullah Hammoud considérait Joe Biden comme un président ayant impulsé des changements profonds.

Mais aujourd’hui, « le génocide pèse plus lourd que l’impact de cette politique intérieure », considère-t-il, disant ne pas savoir pour qui il votera en novembre.

« Aucun candidat à la présidentielle n’a gagné mon vote », dit le trentenaire, père de deux enfants.

La candidate des verts, Jill Stein, lui a demandé de devenir son colistier dans sa course à la Maison-Blanche, mais il a dû refuser cette proposition, n’ayant pas l’âge requis de 35 ans.

PHOTO KIM RAFF, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Jill Stein

L’élu espère toutefois, à travers son action, pousser l’ensemble des partis à questionner le soutien indéfectible des États-Unis à son allié israélien.

« Les sujets que nous avons défendus, pour lesquels nous nous sommes battus […] bénéficient d’un soutien populaire », affirme-t-il, citant des sondages d’opinion.

« Que fera Biden ? »

Fils d’immigrés libanais, Abdullah Hammoud a grandi dans une famille ouvrière et pauvre dans cette région des Grands Lacs. Lui qui rêvait de devenir médecin, travaillait comme cadre dans le secteur de la santé avant de se lancer en politique, après le décès soudain de son frère aîné.

Élu en 2016 à la chambre des représentants de l’État du Michigan, il est arrivé en 2022 à la tête de Dearborn, dont la municipalité était jusqu’alors entachée d’accusations de racisme.

Fustigeant les républicains qui ont selon lui l’habitude de « diaboliser les Arabo-Américains, les Américains musulmans et les autres personnes de couleur », Abdullah Hammoud s’est engagé au sein du Parti démocrate en raison de son soutien aux travailleurs.

Abdullah Hammoud a conscience des conséquences d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche : l’ancien président avait notamment interdit l’entrée aux États-Unis aux ressortissants de certains pays musulmans et transféré l’ambassade américaine en Israël à Jérusalem. Mais le maire de Dearborn élude la question du vote pour Biden en novembre.

Pour lui, il est trop tard pour certains électeurs qui ont perdu des dizaines de membres de leur famille dans la bande de Gaza sous les bombes israéliennes, en grande partie fournies par les États-Unis.

Quant aux critiques de certains démocrates, Abdullah Hammoud retourne la question en rejetant la responsabilité sur Joe Biden : « Que fera-t-il pour empêcher la réélection de Trump en novembre prochain ? »