Quelques pistes pour mieux comprendre les conséquences du verdict pour l’ancien président qui aspire à retrouver les clés de la Maison-Blanche.

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Est-ce que ce verdict disqualifie Donald Trump de la course à l’investiture de son parti – ou même, de la présidence ?

Non. « Rien dans la Constitution n’empêche quelqu’un qui est condamné au niveau pénal de se présenter à la présidence », explique Karine Prémont, professeure à l’Université de Sherbrooke et spécialiste de la politique américaine.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Karine Prémont, spécialiste de la politique américaine

Et bien que Donald Trump ne soit pas encore le candidat officiel du Parti républicain, il y a peu de chances qu’il ne soit pas confirmé lors de la convention nationale de la formation, du 15 au 18 juillet prochains ; les militants d’une majorité d’États se sont déjà prononcés pour que leurs délégués l’appuient. « Si Trump a gagné dans leurs États, il devrait normalement être nommé candidat, rappelle Mme Prémont. Ce ne peut donc être que lui qui choisit de se retirer. »

Or, ce scénario serait surprenant.

Est-ce que les avocats de Trump feront appel ?

Oui. L’avocat principal de Donald Trump dans cette affaire, Todd Blanche, a déjà annoncé jeudi soir que son client ferait appel de la décision « dès que possible », sur les ondes de CNN. « À New York, la procédure dit : il y a le prononcé de la peine. Ensuite nous ferons appel », a ajouté M. Blanche.

Mais les délais juridiques avant d’être entendu sont habituellement longs. « Pour ce genre de cause, ça prend environ un an », précise au téléphone James Sample, professeur de droit à l’Université Hofstra, sur Long Island, dans l’État de New York.

Jusqu’ici, l’équipe de Donald Trump a utilisé toutes les techniques pour repousser les échéances, rappelle M. Sample. Mais ses avocats pourraient maintenant tenter d’accélérer les procédures, en raison du scrutin du 5 novembre.

Pour obtenir une nouvelle décision, les avocats de M. Trump devront démontrer que le juge Juan Merchan a commis des erreurs de droit.

Le professeur de droit Gregory Germain, du Syracuse University College of Law, s’étonne d’ailleurs de la stratégie de la défense, qui s’est concentrée sur les mensonges de l’ancien avocat Michael Cohen. « C’était risqué, souligne-t-il. Ils n’ont pas présenté de version différente pour expliquer les faits. »

Est-ce que le fait d’avoir été condamné lors d’un procès pénal pourrait empêcher Donald Trump d’exercer certaines fonctions inhérentes à la présidence ?

« Je ne vois aucun impact, à part peut-être de devoir planifier des rendez-vous avec un agent de probation », avance M. Germain.

Techniquement, un président pourrait diriger le pays d’une prison ; rien ne l’en empêche, rappelle M. Sample.

Mais dans le cas d’une première condamnation, pour un crime économique non violent, il est d’ailleurs rare qu’un condamné prenne le chemin de la prison, note M. Germain.

Est-ce que ce verdict pourrait avoir un effet sur le vote ?

Il est encore difficile d’évaluer les effets du verdict. « Quand on interroge les républicains, à peu près 20 à 25 % affirment qu’ils ne l’appuieront plus s’il est condamné, note Mme Prémont. Mais il ne faut pas sous-estimer la capacité de Trump à garder ses partisans. »

M. Germain croit d’ailleurs que le jugement risque de galvaniser ses supporteurs, qui verront en lui un homme injustement persécuté.

Si la Cour suprême reconnaissait une impunité aux présidents, le verdict serait-il annulé ?

« Non, car il n’était pas président lorsque ce crime a été commis », répond Mme Prémont.

La Cour suprême doit trancher sur les frontières de l’immunité présidentielle dans le cadre de l’assaut du Capitole en janvier 2021.

L’ancien président est toujours accusé dans trois autres affaires criminelles, mais aucune date n’a encore été fixée pour le début de ces procès.

Avec la collaboration de Vincent Larin, La Presse, et l’Agence France-Presse

Les quatre procès de Donald Trump

Donald Trump est au centre de quatre affaires criminelles en lien avec ses activités politiques et professionnelles. Alors qu’un premier procès s’est conclu avec un verdict de culpabilité pour l’ancien président jeudi, trois autres procédures l’attendent au cours des prochains mois.

Affaire de l’assaut du 6-Janvier

Donald Trump fait face à quatre chefs d’accusation relevant de la juridiction fédérale, en lien avec ses efforts pour conserver le pouvoir après la présidentielle de 2020 et l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021.

Le 1er août dernier, l’ancien président a été accusé de complot visant à violer des droits, de complot visant à escroquer le gouvernement américain, ainsi que d’entrave à des procédures officielles et de complot pour le faire. Le procureur Jack Smith mènera la poursuite dans ce procès dont la date n’est pas encore fixée.

Affaire de l’élections en Géorgie

Donald Trump et 18 de ses associés ont été inculpés en août dernier, en lien avec des efforts pour aller à l’encontre de la volonté des électeurs et invalider la défaite de Trump au scrutin présidentiel de 2020 en Géorgie. Ils font tous face à un total de 10 chefs d’accusation de complot, et quatre ont déjà plaidé coupable.

Fani T. Willis, la procureure de district de Fulton County, en Géorgie, mènera la poursuite.

Affaire des documents classifiés

Ce procès relevant de la juridiction fédérale concernera la manière dont Trump a traité des documents confidentiels qu’il a rapportés avec lui lorsqu’il a quitté la Maison-Blanche. Le 27 juin dernier, un grand jury fédéral de Floride a inculpé Donald Trump de 37 chefs d’accusation, notamment de rétention non autorisée de secrets de sécurité nationale. Trois autres chefs d’accusation se sont ajoutés contre Trump en juillet.

Les procédures devaient initialement débuter au mois de mai, mais elles ne risquent pas de commencer avant la fin de la période électorale. Le procureur, Jack Smith, a accusé Donald Trump d’essayer de repousser le plus possible la date du procès.

Affaire Stormy Daniels : coupable

Donald Trump a été visé par 34 chefs d’accusation en avril 2023, en lien avec des paiements pour dissimuler un scandale sexuel en marge de la campagne électorale de 2016. L’ancien président était accusé d’avoir falsifié des documents de la Trump Organization liés au remboursement de son avocat, Michael Cohen, pour acheter le silence de Stormy Daniels, une actrice de films pour adultes.

Le procès, mené par Alvin L. Bragg, le procureur du district de Manhattan, s’est conclu le 30 mai quand le jury a déclaré Donald Trump coupable sur toute la ligne.

Fannie Arcand, La Presse, avec le New York Times