Coupable ou non coupable ? L’issue du procès de Donald Trump demeure un mystère. Mais on peut prédire ce que l’ex-président fera quand le jury aura parlé, quel que soit le verdict.

Si le passé est garant de l’avenir, M. Trump criera vengeance et s’en prendra à tous ceux qu’il perçoit comme ayant eu un rôle dans sa mise en accusation par le procureur de Manhattan. En public, il poursuivra ses attaques lors de rassemblements et sur son réseau Truth Social. En privé, il encouragera ses alliés au Congrès à lancer des enquêtes sur ses ennemis démocrates.

C’est ce qu’il a fait dans le passé. Après avoir échappé deux fois à la destitution et survécu à l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les liens entre sa campagne de 2016 et la Russie, Donald Trump a basculé en mode vengeance. Se plaignant d’injustices à son égard, il a exhorté les élus républicains à enquêter sur les enquêteurs.

« Acquitté ou pas, le scénario est le même », prédit Alyssa Farah Griffin, qui fut nommée par M. Trump directrice des communications à la Maison-Blanche peu après son premier procès en destitution. Elle est depuis une critique acerbe de son ex-patron.

L’équipe de M. Trump est encore en train de peaufiner les actions qui suivront le verdict, selon un échéancier qui reste à la merci du jury.

Difficile de mesurer l’intérêt du public pour ce procès et l’accusation d’avoir falsifié des documents pour dissimuler ses paiements à l’actrice porno Stormy Daniels durant l’élection de 2016. L’équipe Trump a sondé le public tout au long du procès pour en mesurer l’impact, a dit une source au fait des données, qui ne révèlent aucune baisse notable de son soutien, même après les témoignages les plus accablants. Les sondages suggèrent également une course relativement stable.

Mais cela pourrait changer, selon le verdict. D’après les sondages, une condamnation pourrait détourner certains électeurs de M. Trump, mais même ses adversaires les plus acharnés en doutent. Toute autre issue pourrait l’aider, alors qu’il devance déjà le président Joe Biden dans la plupart des sondages réalisés dans les États clés.

« Un acquittement ou un non-lieu serait de l’or en barre pour Trump. Ça toucherait beaucoup de monde », dit Mme Griffin.

Trump a bien des raisons de craindre d’être condamné, mais à l’inverse, il sent qu’il peut transformer [un acquittement] en carburant politique.

Alyssa Farah Griffin, ex-directrice des communications de la Maison-Blanche

Selon d’ex-collaborateurs à ses côtés lors de ses péripéties judiciaires passées, M. Trump ne se réjouit pas après ce genre de victoire, il cherche à se venger.

Dès la publication du rapport Mueller, M. Trump a exigé un châtiment pour les enquêteurs. Son procureur général, William Barr, a chargé le procureur spécial John Durham d’enquêter sur les responsables du renseignement et de la justice à l’origine de l’enquête. Mais l’enquête de M. Durham s’est déroulée trop lentement pour Donald Trump ; il voulait des poursuites immédiates contre ses ennemis, selon d’anciens membres de son administration s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. Ce n’est pas arrivé.

Au début de 2020, M. Trump a échappé pour la première fois à la destitution (il avait pressé le président ukrainien Volodymyr Zelensky d’enquêter sur M. Biden et son fils Hunter). Après son acquittement, M. Trump était furieux et vindicatif, ce qui a surpris certains collaborateurs soulagés de passer à autre chose. Assis dans la salle à manger attenante au bureau Ovale, il regardait la télé l’air rageur en crachant des jurons, affirme une personne témoin de la scène.

Œil pour œil, dent pour dent

Donald Trump rumine longtemps ses vieilles blessures, dit Mme Griffin : « En général, il est totalement incapable d’accepter la victoire, même quand ça lui serait bénéfique. »

Le matin du 6 février 2020 – un jour après que le Sénat à majorité républicaine a refusé de destituer M. Trump – aurait dû être un moment de soulagement et de célébration. Au contraire, lors du petit déjeuner de prière national (une rencontre de gens d’affaires chrétiens), M. Trump semblait sorti tout droit de l’Ancien Testament, incarnant ce qu’il a déjà dit être son message favori de la Bible : « œil pour œil, dent pour dent ». Après avoir montré la une des journaux annonçant son acquittement, il s’en est pris aux démocrates qui l’avaient mis en accusation.

PHOTO ANNA MONEYMAKER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Au lendemain de son acquittement dans la procédure de destitution qui le visait, Donald Trump a montré la une des journaux avant de se lancer dans une diatribe violente contre ses rivaux politiques.

Par la suite, M. Trump a montré le même penchant pour la rancune et la vengeance : il s’en est pris publiquement et violemment aux dix républicains de la Chambre des représentants et aux sept sénateurs républicains qui avaient voté pour sa destitution.

Sa cible principale, Liz Cheney, et sept autres représentants favorables à sa destitution ne siègent plus au Congrès, défaits lors de primaires par des adversaires pro-Trump ou poussés à la retraite : « Deux défaits, plus que huit ! », a déclaré M. Trump, célébrant le départ à la retraite de l’un deux, Adam Kinzinger.

Les représailles pourraient être plus dures si M. Trump retourne à la Maison-Blanche en janvier 2025. Il dit tenir Joe Biden personnellement responsable de chacune des 88 accusations criminelles portées contre lui dans quatre procès. Et il a promis de nommer « un vrai procureur spécial pour poursuivre le président le plus corrompu de l’histoire des États-Unis d’Amérique, Joe Biden, et toute sa famille de criminels ».

PHOTO CHERISS MAY, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Le président Joe Biden

Le verdict du procès de l’affaire Stormy Daniels, en pleine campagne présidentielle, donnera une nouvelle dynamique surtout si M. Trump est acquitté, estime John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, féroce critique de son ancien patron.

M. Trump s’affichera comme la cible d’une cabale qui se sera terminée en queue de poisson, « ayant dû endurer tout ça alors qu’il n’y avait rien là », dit M. Bolton. Il s’en prendra à Joe Biden, peu importe le verdict, ajoute-t-il.

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