(New York) Assis à la table de la défense, Donald Trump a passé une bonne partie de la journée de lundi les yeux fermés, comme s’il tentait d’ignorer le témoignage qui pourrait lui valoir d’être déclaré coupable par le jury de son procès à New York et traité d’ignoble par sa femme Melania.

À la barre, Michael Cohen a juré que son ancien patron était au courant de tout, y compris les paiements en échange du silence de deux femmes avant l’élection présidentielle de 2016 et le remboursement des 130 000 $ qu’il a lui-même versés à l’une d’entre elles.

Selon le témoignage de l’ancien avocat personnel de Donald Trump, ce dernier a également participé à une rencontre cruciale dans son bureau de la Trump Tower, le 17 janvier 2017. Rencontre au cours de laquelle le directeur financier de son entreprise, Allen Weisselberg, a présenté un plan pour faire passer le paiement à l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels pour des frais juridiques. Ce plan est au cœur des 34 chefs d’accusation retenus contre le candidat présidentiel du Parti républicain.

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Donald Trump (au centre) au palais de justice, lundi

Après avoir approuvé ce plan et offert à Michael Cohen le rôle d’avocat personnel du président, Donald Trump a déclaré, selon le témoin : « Ça va être une sacrée aventure à [Washington] ! »

Réputé pour ses manières de pit-bull, Michael Cohen a vite surmonté sa nervosité initiale et s’est avéré un témoin calme, poli et direct. En s’adressant à la procureure qui l’interrogeait, il a ponctué ses réponses de « oui, Madame ».

Mais son témoignage a été percutant, notamment lorsqu’il a évoqué la réaction de Donald Trump à la menace formulée par Stormy Daniels de rendre publiques ses allégations dans la foulée de la diffusion de la vidéo d’Access Hollywood, celle où la star de l’émission The Apprentice se vantait de pouvoir empoigner le sexe des femmes.

« C’est un désastre. Un désastre total. Les femmes vont me haïr. Les gars vont peut-être trouver ça cool, mais ça sera un désastre pour la campagne », a déclaré Donald Trump selon le témoignage de Michael Cohen.

« Il ne pensait pas à Melania »

Le témoin a ajouté que son « boss » s’était cependant montré indifférent à la mention de l’effet que cette histoire pourrait avoir sur Melania si elle était rendue publique.

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L’ex-première dame des États-Unis Melania Trump, en décembre 2020

« Ne t’en fais pas. Combien de temps penses-tu que je serai sur le marché ? Pas longtemps », a déclaré Donald Trump, selon Michael Cohen.

Autrement dit, Donald Trump pensait déjà à son troisième divorce, à en croire son ancien « fixer ».

Michael Cohen a ajouté ces deux phrases qui ont forcé Donald Trump à ouvrir les yeux et à hocher la tête en signe de désaccord : « Il ne pensait pas à Melania. Il ne pensait qu’à sa campagne. »

Le nom de Melania a été mentionné dans un autre contexte. Selon Michael Cohen, Donald Trump lui a confié que l’idée de qualifier de « propos de vestiaire » ses commentaires misogynes et sexistes de la vidéo d’Access Hollywood était celle de sa femme.

Les jurés ont par ailleurs entendu pour la deuxième fois l’enregistrement d’une conversation téléphonique réalisé par Michael Cohen à l’insu de Donald Trump en 2016. Dans cet enregistrement, on entend l’avocat parler à son client du paiement de 150 000 $ à l’ex-playmate du magazine Playboy Karen McDougal. Michael Cohen a affirmé qu’il s’agissait de l’unique fois où il a enregistré son client. Il a expliqué qu’il voulait faire entendre cette conversation à David Pecker, patron du National Enquirer, qui s’impatientait de ne pas avoir été remboursé pour l’argent qu’il avait lui-même versé à Karen McDougal.

« Je voulais lui faire entendre que M. Trump avait l’intention de le rembourser. Je voulais m’assurer qu’il reste loyal », a déclaré Michael Cohen.

En août 2015, selon son propre témoignage, David Pecker s’était entendu avec Donald Trump et Michael Cohen pour enterrer les histoires susceptibles de nuire à la campagne du candidat présidentiel du Parti républicain, un ami de longue date.

L’heure est au contre-interrogatoire

Michael Cohen poursuivra son témoignage ce mardi. Après les questions de la procureure Susan Hoffinger, il devra affronter celles de Todd Blanche, qui devrait se charger du contre-interrogatoire. L’avocat de la défense ne manquera pas de s’attaquer à la crédibilité du témoin.

En prévision de cet affrontement, Susan Hoffinger a tenté d’aller au-devant des coups en faisant dire à Michael Cohen que son travail pour Donald Trump l’avait poussé à pratiquer le mensonge et l’intimidation de façon coutumière. Elle l’a aussi invité à expliquer pourquoi il n’existait aucun courriel de Donald Trump susceptible d’étayer ses dires.

M. Trump n’utilisait jamais le courrier électronique parce qu’il avait vu trop de gens être condamnés à cause [de tels documents].

L’avocat Michael Cohen

La procureure a aussi invité Michael Cohen à reconnaître qu’il avait été déçu de ne pas avoir été mentionné comme candidat pour le poste de chef de cabinet de la Maison-Blanche.

« C’était plus pour mon ego », a-t-il déclaré après avoir admis qu’il n’avait pas les qualifications pour occuper cette fonction.

Mais il voulait bel et bien le titre d’avocat personnel du président. Titre qu’il avait l’intention de « monétiser », a-t-il avoué. Titre dont Donald Trump l’a privé au bout du compte.

Mais le plus grand affront que son ancien patron lui a infligé est survenu fin décembre 2016, quand il s’est aperçu que son boni de fin d’année avait été réduit de deux tiers.

Michael Cohen se souvient d’avoir dit à David Pecker : « Peux-tu croire qu’après tout cela et après avoir déboursé 130 000 $ pour le protéger, c’est le mieux que j’obtienne ? »

« Je n’arrivais pas à y croire », a-t-il ajouté. « Ce n’était pas tant le chiffre que le manque de respect qui l’accompagnait. Je me suis senti personnellement insulté. »

Un sourire s’est dessiné sur les lèvres de Donald Trump en entendant cette partie du témoignage de Michael Cohen.

Des supporters dans la salle

Après le retour de la pause du matin, l’ancien président a rouvert les yeux et passé un certain temps à lire la revue de presse qu’une de ses adjointes lui prépare quotidiennement. Il a sûrement dû lire le compte rendu du New York Times sur un sondage le plaçant devant Joe Biden dans cinq des six États clés de l’élection présidentielle de 2024.

Donald Trump a également reçu l’appui d’élus républicains dans la salle d’audience où se déroule son procès. S’y trouvaient lundi matin la représentante de New York Nicole Maliotakis et les sénateurs Tommy Tuberville (Alabama) et J.D. Vance (Ohio).

« Ce type est un criminel condamné qui a admis dans son témoignage qu’il avait enregistré secrètement son ancien employeur, qu’il ne l’avait fait qu’une seule fois prétendument, et que cela était censé aider Donald Trump », a déclaré le sénateur Vance aux journalistes à l’extérieur du tribunal. « Est-ce qu’une personne raisonnable, sensée, croit tout ce que Michael Cohen dit ? »

En 2016, J.D. Vance a utilisé les mots « idiot », « nocif » et « répréhensible » pour qualifier Donald Trump. Il fait aujourd’hui partie de ses colistiers potentiels.