Monsieur Legault, je vous exhorte à ne pas accepter d’entente qui mènerait à un plus grand nombre de victimes du tabac

J’ai 80 ans et je suis veuf depuis 19 ans. Je suis père de deux enfants et grand-père de six petits-enfants ayant entre 14 et 24 ans. Heureusement, tous sont non-fumeurs et en bonne santé.

Ma femme est morte en 2005, le jour de notre 40e anniversaire de mariage. Le 14 décembre 2004, le jour de sa fête, Monique a reçu un diagnostic de cancer au poumon gauche qui s’est répandu dans son système digestif. Elle a suivi des traitements débilitants de chimiothérapie dans l’espoir de s’en sortir, mais il était trop tard. Le cancer a causé sa mort.

Le tabac a tué l’amour de ma vie après des mois de souffrances inimaginables.

Le décès de Monique fut une grosse perte pour moi et pour toute la famille, car elle incarnait la joie de vivre – jusqu’à son diagnostic, le jour de sa fête.

Deux ans plus tard, j’ai fait la connaissance d’une dame sans enfant qui avait déjà fumé, mais qui avait arrêté depuis dix ans. Nous avons décidé de vivre ensemble. Après deux années de cohabitation, le petit Jésus m’a réservé une autre épreuve. Un soir, après qu’elle a eu beaucoup toussé, je suis allé avec elle aux urgences de l’hôpital Pierre-Le Gardeur. Le lendemain, les médecins ont diagnostiqué un cancer aux deux poumons. Elle est morte cinq mois plus tard.

La cause du décès : encore le tabac.

L’industrie de la mort

Vous comprendrez donc que je sois outré et impatient. Comment se fait-il que l’industrie du tabac puisse continuer de vendre des cigarettes, comme si de rien n’était, et de faire d’autres victimes ?

PHOTO FOURNIE PAR L’AUTEUR

L’auteur et sa femme à leur 25e anniversaire de mariage

Je fais partie des personnes inscrites à l’action collective contre l’industrie du tabac en tant qu’héritier d’une des victimes. Ça fait neuf ans maintenant que le tribunal a donné raison aux victimes québécoises, ordonnant aux fabricants de tabac de leur verser plus de 13 milliards de dollars. Non seulement nous n’avons pas reçu un sou, mais absolument rien n’a changé ! Les cigarettes de ces mêmes fabricants se vendent partout à travers la province et aux quatre coins du pays.

Je ne suis pas intéressé par l’argent, mais je veux la justice. Je veux que cette industrie cesse d’exister. Même après 19 ans, mes enfants, mes petits-enfants et moi-même pleurons encore la perte de cette perle qui nous était si chère.

Après tout ce que l’on a appris sur les comportements de cette industrie à travers le procès, comment se fait-il qu’elle puisse continuer de vendre du tabac, de faire plus de victimes et de causer plus de souffrance ?

J’ai entendu aux nouvelles que depuis cinq ans, à la demande des cigarettiers, les gouvernements provinciaux et les avocats des victimes négocient une entente pour partager l’argent disponible. Les provinces veulent aussi recouvrer l’argent des soins de santé qu’elles ont payés pendant plus de 60 ans pour traiter les maladies causées par le tabagisme. Ce qui est compréhensible… mais pas à n’importe quel prix.

Cinq ans de négociations ? C’est trop long pour ceux qui ont perdu des proches, comme moi et ma famille. C’est trop long pour les rares victimes qui sont encore en vie malgré un diagnostic de cancer du poumon, de la gorge ou de la trachée, ou d’emphysème.

Mais le pire, c’est que les provinces aient accepté de négocier dans un processus voué à assurer la viabilité de l’industrie! Comme si, pour indemniser les victimes du passé, il fallait permettre aux compagnies de vendre encore plus de leurs produits mortels.

Je ne crois pas être le seul à penser que ce litige aurait dû depuis longtemps forcer l’industrie à payer les victimes et à fermer ses portes. Les pénalités sont censées punir les coupables pour qu’ils cessent de faire du mal à d’autres !

Je trouverais ça absolument immoral si l’argent n’était pas accompagné par l’éradication de cette industrie de la mort. La vente de produits qui tuent n’aurait jamais dû être une entreprise qui fait des profits. L’État peut trouver une autre façon d’approvisionner les fumeurs sans enrichir une industrie sans scrupules.

Je me tourne donc vers mon premier ministre, monsieur Legault : c’est votre devoir de rendre justice aux victimes québécoises et de protéger les générations futures contre ces entreprises meurtrières et prédatrices. Je vous exhorte, au nom de toutes les victimes et de tous les citoyens et citoyennes du Québec, À NE PAS ACCEPTER d’entente qui mènerait à un plus grand nombre de victimes de cette industrie meurtrière.

1. Lisez « Recours collectifs : l’industrie du tabac ne doit pas être maintenue en vie » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue