Nous voilà à la fin du mois de juin, ce moment de l’année scolaire où règne une fébrilité dans les corridors de l’école, où ça sent l’eau savonneuse en entrant dans les classes, où on enjambe un bac de recyclage plein à craquer ou un sac d’école oublié, où on aligne les chaises et les pupitres le long du tableau.

J’ai vécu ces dernières journées bien différemment des 24 dernières années. Je n’ai pas reçu de câlins, ni consolé de gros chagrins, ni lu de beaux messages de remerciements ou de bonnes vacances venant des élèves et des parents. « Est-ce que ça te fait quelque chose de revenir dans ta classe ? » me demande une collègue, l’éducatrice qui partageait mon local, mes états d’âme, mes joies, mes peines depuis plusieurs années. « Non, pas vraiment, je suis ailleurs. »

Je me pensais bien au-dessus de tout ça quand un tsunami m’a complètement chamboulée hier, alors que je me croyais en contrôle après avoir vidé mes classeurs, mes armoires et laissé ma vie de prof dans des sacs transparents de recyclage.

Cela a commencé pendant que je lisais le message touchant de bonnes vacances de ma bonne amie et collègue de niveau. Ce que je me suis sentie mal de la laisser tomber au début de l’été pour filer vers d’autres horizons. Cette personne est une véritable amie, jamais elle ne me l’a reproché.

Puis, c’est remonté pendant la série d’accolades entre mes anciennes collègues, un « bonne retraite » à gauche, un « bon été » à droite, tout cela m’a frappée de plein fouet alors que j’assistais à une scène, telle une spectatrice. Je ne suis plus une enseignante. Je n’aurai plus de liste officielle d’élèves associée à mon nom, de classe où j’enseignerai tous les jours. J’ai pourtant vécu cette première année à l’extérieur des murs de MON école avec un certain détachement. Je vivais une expérience, je relevais un défi, j’étais constamment en apprentissage de ma nouvelle posture en tant que conseillère pédagogique, en moments fréquents de surcharge cognitive comme si je retournais sur les bancs de l’université. Je me suis sentie longtemps en escale entre deux destinations. Entre mon école et mon nouveau lieu de travail. Une grosse année de transition.

Le moment du bilan

La fin des classes, c’est un moment significatif où on fait un bilan, une introspection de notre année. On se remémore de bons et de moins bons souvenirs. Une année scolaire, c’est vraiment particulier. C’est différent chaque année, c’est avoir à sa charge des petits humains qui deviennent un peu nos enfants pendant quelques mois. On apprend à les connaître, à les aimer, on reçoit beaucoup d’amour de ces petits êtres qui ont (enfin presque) les yeux constamment sur nous. Être prof, c’est être un modèle, un guide, un capitaine, un confident, une deuxième maman… On s’attache tellement à ces p’tits amours !

Cette année, je n’ai pas demandé conseil pour mieux intervenir auprès d’un élève au comportement difficile, je n’ai pas échangé avec mes collègues enseignants à propos d’un point à une réunion qui nécessitait une prise de position, je n’ai pas réservé d’autobus pour une sortie scolaire, je n’ai pas gonflé de ballon pour souligner l’anniversaire d’un enfant, pas tenu de petite main en marchant vers la cour d’école, je n’ai pas posé d’autocollant de licorne sur une feuille de dictée. Je n’ai pas corrigé, pas évalué, pas fait de bulletin. M’éloigner de cette routine m’a fait du bien.

Je me revois, au mois d’août, la boule dans l’estomac à l’idée de rencontrer plusieurs nouvelles personnes. J’entrais dans la grande tour avec ma carte d’accès.

C’était bien différent de l’accueil chaleureux et personnalisé de la fabuleuse secrétaire chaque matin. Petit à petit, je me suis créé un nouveau réseau. De nouvelles amitiés ont vu le jour. Tranquillement, un lien de confiance s’est établi. On a commencé à échanger, à s’ouvrir l’une à l’autre pour réaliser rapidement qu’on vivait toutes cette insécurité de p’tite nouvelle. De fabuleuses collègues expérimentées m’ont accompagnée tout au long de l’année. J’ai rencontré de nouvelles personnes formidables. Pour moi, un milieu de travail agréable, c’est surtout ça : les échanges avec les autres.

Je pars en vacances l’esprit léger, le cœur en paix. Je suis bien dans ma nouvelle vie. C’est vraiment grâce à ces belles amitiés solides qui persistent ou qui sont en devenir dans ma nouvelle profession. Merci à vous toutes, chères collègues en éducation, d’avoir pris soin de moi cette année. Vous avez été mon ancrage significatif pour m’aider à avoir confiance que j’ai bien fait de m’être mise en danger, d’avoir fait un saut dans le vide dans l’inconnu. Je me sens revivre, à nouveau heureuse, dans cette facette de ma vie qui m’avait amenée peu à peu à m’éloigner de la véritable Julie souriante que je suis. Je suis tellement reconnaissante de m’être retrouvée. Bon été !

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