Le 7 octobre est vif dans ma mémoire. Je me souviens des images de pick-ups remplis d’hommes masqués arborant des bandeaux verts caractéristiques du Hamas et portant des lance-grenades, et d’autres images de centaines de jeunes massacrés lors d’un festival musical pour la paix. Cette journée horrifiante était remplie de brutalité, de tortures et de viols.

Après le choc, j’ai signé un formulaire pour être bénévole en tant que médecin dans un hôpital israélien, en pensant : nos frères et sœurs vivent une guerre existentielle, je dois les soutenir.

Alors que les efforts de guerre à Gaza étaient à leur apogée et que de sérieuses menaces d’escalade planaient aux frontières du Nord, j’ai reçu l’appel. Avec l’augmentation du nombre de blessés, les anesthésiologistes locaux étaient appelés à intervenir dans les hélicoptères de secours.

Aussi difficile que cela ait été de quitter ma famille, j’ai ressenti le devoir d’aider Israël dans sa lutte pour sa survie.

Le premier jour, je rencontre Dana, une charmante anesthésiologiste israélienne spécialisée en recherche sur l’amélioration de la conscience chez les patients en état végétatif persistant. « Ahmed, un patient de Cisjordanie, a subi une grave lésion cérébrale traumatique. Après plusieurs semaines de traitement, un diagnostic d’état végétatif persistant est tombé. Il a cinq enfants. C’est mon devoir de trouver un traitement pour les patients pour qui la médecine n’a plus rien à offrir », explique Dana. Les yeux brillants d’excitation, elle me montre le travail qu’elle a fait avec ce patient, main dans la main avec sa famille. Elle fait jouer une vidéo où sa femme lui demande en arabe s’il veut qu’elle joue de la musique. Il cligne des yeux, et une musique arabe se fait entendre.

J’accompagne Dana pour rencontrer sa première patiente, une femme dans la quarantaine venue pour une résection de tumeur cérébrale. Le visage anxieux, sa fille se tient près d’elle. Dana prononce quelques mots en arabe avant de demander si elle parle hébreu. Dana s’assoit sur son lit, lui prend la main tout en la regardant dans les yeux et lui dit : « Je serai avec vous tout le long ; je prendrai soin de vous comme si vous étiez ma propre mère. »

Elle demande à la patiente de signer le consentement que je remarque écrit en arabe. À l’hôpital Rambam, les formulaires de consentement sont offerts dans la langue des patients : hébreu, arabe, russe, anglais et amharique.

Je rencontre l’infirmière de la salle d’opération, Amani, une femme musulmane de Haïfa, et la résidente en anesthésie, Sofia, dont les parents avaient immigré en Israël de Russie. L’équipe travaille en harmonie avec respect et compassion pour assurer les meilleurs soins à ses patients.

J’observe au passage que Dana avait amorcé la conversation avec la patiente en arabe, elle dit en souriant : « Bien sûr, j’essaie de communiquer avec les patients dans leur langue, c’est aussi leur maison. »

Jour du Souvenir

Le lendemain est le jour du Souvenir en Israël, la journée commémorant les personnes qui ont sacrifié leur vie pour défendre Israël ainsi que les victimes mortes dans des actes terroristes. Cette année fut particulièrement intense. J’ai été assignée à travailler avec un anesthésiologiste nommé Husam, un Arabe qui s’est fait recruter à l’hôpital Rambam après sa formation médicale spécialisée dans cet hôpital. Entre les cas, il me montre une oasis, à l’arrière de l’hôpital près de la mer, où le personnel, les patients et leurs proches peuvent se regrouper.

PHOTO FOURNIE PAR L’AUTEURE

L’autrice et Husam, l’anesthésiologiste avec qui elle a travaillé lors du jour du Souvenir

Soudain, la sirène du jour du Souvenir retentit. Nous restons silencieux à regarder la mer Méditerranée en direction du Liban, à quelques kilomètres à peine. Après la sirène, il est songeur : « Ça semble tellement ahurissant que les gens du monde se battent sans cesse pour les guerres qu’ils pensent que nous voulons alors que nous travaillons et vivons en harmonie ici. »

L’hôpital souterrain

Le lendemain, je rencontre Avi, médecin-chef de l’hôpital. À ce stade, je comprends que mon rôle est en partie lié à la menace d’une guerre à grande échelle dans le nord d’Israël avec le Hezbollah. « Le Hezbollah a la capacité de détruire Haïfa en quelques minutes », dit-il. Avi m’emmène visiter le stationnement transformé en hôpital souterrain. Les premiers niveaux servent de refuge anti-bombe et nucléaire. Le troisième niveau dispose de capacités de protection atomique et est déjà converti en hôpital. J’ai été témoin d’un degré de préparation à une situation de crise que je n’avais jamais vu auparavant. C’est aussi un témoignage de la peur constante de destruction massive potentielle que les Israéliens doivent affronter.

PHOTO JACK GUEZ, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le stationnement de l’hôpital Rambam a été transformé en hôpital souterrain.

Le dernier jour, je rencontre l’anesthésiologiste que j’avais remplacé pendant qu’il était en service militaire en tant que chef de la réanimation sur l’hélicoptère de secours. Il raconte son expérience du 7 octobre et des jours suivants, dont des missions de secours sans interruption pendant des heures, ne prenant que les moments nécessaires pour faire le plein d’essence et remplacer le matériel médical.

Je lui demande s’il a traité des terroristes. Il répond sans hésiter : « Bien sûr ; ce n’est pas à moi de juger. Mon travail est de soigner. »

Mon séjour à l’hôpital Rambam a été un exemple émouvant de travailleurs de la santé de tous les horizons remplissant véritablement leur serment d’Hippocrate en travaillant de manière cohésive pour offrir des soins compatissants à leurs patients, quelle que soit leur religion, la couleur de leur peau ou leur foi.

Je pense à la prière pour les médecins de Maïmonide, un médecin juif du XIIsiècle, en l’honneur de qui l’hôpital Rambam a été nommé. « Préserve la force de mon corps et de mon âme afin qu’ils soient toujours prêts à aider et à soutenir joyeusement le riche et le pauvre, le bon et le mauvais, l’ennemi comme l’ami. Que je ne voie dans celui qui souffre que l’être humain. »

Les travailleurs de la santé de l’hôpital Rambam ont honoré l’héritage de Maïmonide, en administrant des soins avec compassion et humanisme à tous les patients, sans exception.

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