Depuis les élections européennes du début juin, où le Rassemblement national (RN) a remporté 31,5 % des voix, la situation politique en France est devenue particulièrement tendue. À cela se sont ajoutés les débats enflammés entourant les élections législatives déclenchées depuis en France.

De nombreux citoyens craignent une montée des extrêmes au pouvoir, une perspective plausible à la lumière des résultats du premier tour, où le RN est arrivé largement en tête.

Comme cabinet spécialisé en droit de l’immigration au Canada, nous recevons, depuis le résultat des élections européennes, un nombre plus élevé de demandes de renseignements de la part de citoyens français qui envisagent une nouvelle vie à l’étranger.

L’attrait des Français pour le Canada n’est pas nouveau. Selon le recensement de 2021⁠1, 7,6 % des résidents non permanents (principalement des titulaires de permis de travail ou d’études) venaient de la France (au troisième rang derrière l’Inde et la Chine). Au Québec, la France occupe le premier rang, avec 20,4 % des résidents non permanents nés dans ce pays.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Des Français établis au Québec votent au premier tour des élections législatives françaises, le 29 juin.

Auparavant, en revanche, et j’en suis un exemple, le Canada, en particulier le Québec, était attractif pour vivre une expérience en Amérique du Nord. C’était un plus dans une carrière. Le Québec depuis 2008 avait amélioré les conditions de reconnaissance mutuelle des qualifications pour plusieurs professions. On y allait avec la volonté de rentrer dans son pays natal après y avoir acquis quelques années d’expérience. Certains, comme ce fut mon cas, ont décidé de s’y installer définitivement, du fait d’opportunités professionnelles ou d’enfants qui s’enracinaient. Il n’y avait pas, pour les expatriés français des années 2000-2010, de rejet de la France.

Aujourd’hui, malheureusement, nous y sommes. Nos clients nous disent vouloir fuir un climat social pesant et chercher à s’établir dans un pays offrant davantage de perspectives d’avenir. Les reproches faits à la France y sont nombreux : insécurité, manque de perspectives professionnelles, baisse du niveau scolaire, immigration non contrôlée pour certains, racisme systémique pour d’autres. À leurs yeux, le Canada fait figure de pays refuge, car il offre une stabilité politique et économique qui tranche avec le ressenti qu’ils ont de la France.

Maîtrise du français

Ils savent que la maîtrise du français sera un atout. Hors du Québec, elle peut faciliter l’obtention d’un permis de travail ou offrir de précieux points supplémentaires pour accéder à la résidence permanente. Au Québec, des programmes pour attirer les repreneurs d’entreprise, les entrepreneurs ou les travailleurs autonomes sont également ouverts aux francophones.

La difficulté pour nous est toutefois de les confronter à la réalité des politiques migratoires canadiennes et à la nécessité de remplir le reste des critères, pour que ces Français en rupture avec les valeurs de leur patrie ne se voient pas refuser les voies de l’immigration au Canada.

Le Canada a lui-même ses propres enjeux vis-à-vis de l’accueil des immigrants. À l’heure où le pays multiplie les annonces visant à réduire leur nombre et s’oppose sur la question avec le Québec, la situation en France devrait être une mise en garde pour nous, Canadiens. Les mesures prises pour réguler l’immigration sont légitimes et font partie intégrante de nos politiques publiques. Elles ne doivent en revanche pas devenir le terreau d’un immigrant bashing.

Il est donc crucial de réfléchir à la manière dont nous pouvons contribuer à un climat politique plus apaisé et inclusif, qui n’oppose pas ses immigrants à la population locale, afin que le Canada continue d’être perçu comme une terre d’accueil pour ceux qui cherchent à échapper aux turbulences politiques et à bâtir une nouvelle vie loin de leur terre natale.

1. Lisez Résidents non permanents au Canada : un portrait d’une population croissante à partir du Recensement de 2021, de Statistique Canada Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue