Surprise et consternation au sein de la communauté artistique du Québec : la décision de la Cour supérieure, qui reconnaît que l’acte de fumer sur scène est protégé par la liberté d’expression artistique1, est portée en appel.

Dans cette décision, que nous avons chaleureusement saluée, la Cour supérieure affirmait que l’interdiction de fumer dans les lieux publics « doit comporter des exceptions dans les cas où l’acte de fumer est le fait de comédiens dans le contexte d’une pièce de théâtre ».

La liberté artistique est précieuse. Elle est au cœur même de la liberté d’expression et constitue un élément essentiel de la vie démocratique.

De tout temps, les artistes ont couru le risque de la censure et l’interdiction totale de fumer sur scène s’en approche dangereusement.

C’est d’ailleurs ce que reconnaissait la Cour supérieure : « Les conséquences [d’une interdiction totale de fumer sur scène] à l’égard d’un mode d’expression artistique représentent une atteinte grave [à la liberté d’expression]. Elle l’est d’autant plus que dans notre société qui se veut tolérante, le théâtre, en tant qu’art vivant, constitue l’une des plus importantes formes d’enrichissement et d’épanouissement personnels. »

Il n’est pas question ici d’affaiblir les règles visant à protéger la population contre les effets nocifs de la fumée secondaire, mais simplement d’assurer un équilibre entre le nécessaire respect de la liberté artistique des créatrices et créateurs associés aux arts vivants et la protection du public.

Un compromis sensé

Dans sa décision, la Cour supérieure proposait donc un compromis qui nous semblait plein de bon sens : elle suggérait au gouvernement du Québec de permettre aux artistes de fumer sur scène, à condition que les membres du public en soient avertis au préalable. Les spectateurs et spectatrices choisiraient ainsi d’assister à la représentation en toute connaissance de cause.

Cette solution on ne peut plus raisonnable présente le double mérite de ne pas censurer les artistes, d’une part, et d’autre part, de ne pas décider à la place du public.

Le compromis qui était proposé par la Cour supérieure est conforme à l’esprit de tolérance, d’ouverture et de liberté qui caractérise notre société. Il refuse à la fois la censure artistique et le paternalisme étatique, tout en exigeant que les théâtres informent le public qu’une cigarette sera fumée durant la représentation. Pourquoi porter cette décision en appel ? Il nous semble plutôt que le gouvernement devrait saisir l’occasion de modifier la Loi concernant la lutte contre le tabagisme dans le sens proposé par la Cour supérieure. Nous le pressons d’agir en ce sens.

* Consultez la liste complète des cosignataires 1. Lisez « Jugement sur l’acte de fumer sur scène : “Une victoire pour le théâtre et la liberté artistique” » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue