Les déclarations de « carboneutralité » et de « net zéro » des entreprises se multiplient, mais la réduction significative des émissions de gaz à effet de serre (GES) se fait toujours attendre. Et alors que les promesses de verdir leurs activités s’additionnent, les grandes banques canadiennes demeurent parmi les plus grands bailleurs de fonds1 des énergies fossiles au monde.

Malgré ces contradictions, on observe un élan irrésistible pour aligner les flux financiers aux objectifs climatiques du Canada. Au Québec, l’élaboration d’une Feuille de route en finance durable2 pourrait rapidement confirmer Montréal comme plaque tournante mondiale de la finance verte. Mais encore faudra-t-il rompre avec les investissements fossiles auxquels de très nombreuses institutions financières canadiennes demeurent surexposées par rapport à leurs homologues américaines et européennes.

Un système financier canadien sous pression

Des experts internationaux ont récemment témoigné en faveur du projet de loi S-243 sur l’alignement de la finance aux objectifs climatiques canadiens et internationaux. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney y soulignait que le pays « traîne significativement derrière ses partenaires internationaux » en matière de divulgation des risques climatiques et que « nous risquons de manquer le bateau en matière de planification de la transition » vers une société carboneutre.

Ces experts ont également souligné l’immense occasion économique que représente la finance durable pour les nations les plus ambitieuses.

Encore plus récemment, les dirigeants des cinq grandes banques canadiennes ont été convoqués à la Chambre des communes et questionnés sur l’impact climatique et environnemental de leurs activités. Ils ont, pour la première fois, dû répondre à des questions incisives et inconfortables. Parions que leurs tourments se poursuivront jusqu’à ce que ces banques adoptent des pratiques en phase avec les objectifs climatiques que le Canada s’est fixés.

Et tout récemment encore, après une modification3 à la Loi sur la concurrence dans le but de lutter contre l’écoblanchiment, les sociétés pétrolières membres de la coalition Alliance Nouvelles voies ont choisi de retirer de leurs plateformes toutes leurs communications vantant leurs prétendus engagements en faveur de l’environnement.

Cette pression sur le système financier canadien et les entreprises fossiles qu’il soutient ne se relâchera pas de sitôt.

Une Feuille de route ambitieuse

Les choses bougent aussi beaucoup au Québec, alors que l’écosystème financier se structure pour devenir un pôle mondial en finance durable.

Montréal fait maintenant partie4 des 10 places financières mondiales en finance durable, propulsé par une volonté combinée du gouvernement du Québec et du milieu financier montréalais et québécois.

Cette volonté s’incarne à travers l’élaboration d’une Feuille de route dont l’objectif, selon le ministre des Finances, Eric Girard, nous « permettra d’atteindre notre objectif de faire du Québec un pôle d’excellence et d’innovation en finance durable en Amérique du Nord d’ici 2030 ».

Nous saluons cette vision tout en rappelant que, pour être qualifiée d’ambitieuse, la Feuille de route devrait opérer une coupure claire avec les énergies fossiles, premières sources de la catastrophe climatique en cours. On ne pourra pas prétendre à un leadership mondial en finance durable si on continue à financer le problème et à cautionner les institutions qui continuent de le faire.

Le Québec, précurseur

En matière de finance durable, le laxisme du Canada compromet, à terme, sa compétitivité et sa santé financière⁠5 par rapport aux autres territoires plus engagés vers la décarbonation de l’économie. Précurseur, plus agile et proactif, le Québec, avec sa Feuille de route, pourrait montrer la voie de l’avenir de la finance au pays.

Cette évolution apparaît d’autant plus normale que le Québec s’est engagé légalement à ne plus extraire de combustibles fossiles de son sol et qu’il copréside la coalition Beyond Oil & Gas Alliance (BOGA), pour une sortie progressive des énergies fossiles à l’échelle mondiale.

Bien conçue, la Feuille de route en finance durable est importante pour la crédibilité du Québec et pour notre positionnement. Elle renforcera le type de finance que nous voulons, et dont nous avons besoin. Elle pourra aussi montrer la voie au reste du pays.

1. Consultez le rapport Banking on Climate Chaos (en anglais) 2. Consultez la Feuille de route en finance durable du Québec 3. Lisez « Écoblanchiment : le secteur pétrolier et gazier joue un jeu risqué, disent des experts » 4. Consultez The Global Green Finance Index (en anglais) 5. Lisez « Stranded fossil-fuel assets translate to major losses for investors in advanced economies » (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue