Le 28 mai, trois États européens ont reconnu l’État de Palestine ; l’Espagne, l’Irlande et la Norvège devenaient ainsi les 143e, 144e et 145e États parmi les 193 États membres de l’ONU à le faire. Bien qu’ils n’aient pas été les premiers pays européens à reconnaître la Palestine, ils se distinguent tout de même de la plupart des États d’Europe de l’Ouest.

Dans un discours explicatif, le président du gouvernement espagnol a indiqué qu’il voulait que son pays soit du bon côté de l’histoire. Nul doute que les exactions d’Israël contre le peuple palestinien ont exercé une influence sur ce choix.

Naturellement, le Canada n’a pas reconnu la Palestine et il semble peu probable qu’il le fasse dans un avenir proche.

À plus long terme, Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada, et futur premier ministre selon les sondages, a même affirmé dans une entrevue à Radio-Canada que la reconnaissance de la Palestine reviendrait à reconnaître le « Hamasistan ».

Cette politique est plus rigide que celle adoptée par le gouvernement actuel qui a toujours été prêt à reconnaître la Palestine, dans la mesure où il obtiendrait préalablement l’approbation d’Israël. Les responsables politiques canadiens ont toutefois annoncé il y a peu que le Canada est maintenant disposé à le faire sans cet agrément.

La reconnaissance d’un État signifie tout simplement que celui qui le reconnaît accepte la personnalité de l’autre avec tous les droits et devoirs déterminés par le droit international. La reconnaissance n’oblige par ailleurs pas les deux États à entretenir par la suite des relations économiques ou autres.

Il est toutefois clair que les relations politiques sont facilitées et qu’il devient plus aisé de faire des recommandations au gouvernement de cet État. Le Canada peut donc reconnaître dans la Palestine les caractéristiques d’un État, sans pour autant échanger par la suite des ambassadeurs.

Plaire à Israël

On peut se questionner sur la soumission du Canada à l’accord préalable d’Israël pour la reconnaissance de la Palestine. En effet, la reconnaissance est un des pouvoirs fondamentaux appartenant à un État souverain. La seule justification possible semble être une volonté de plaire à l’État hébreu et de n’exercer aucune influence sur ce dernier.

Tout au contraire, la position canadienne faisait reposer toute la pression sur la Palestine, qui devait plaire à Israël pour que le Canada la reconnaisse. Malheureusement, ce faisant, il semble que le Canada ait été prêt à accepter toutes les conditions qui seraient imposées par Israël.

Or, à la lumière des efforts déployés par Israël pour vider la bande de Gaza de sa population, il ne semble pas impossible que le gouvernement de ce pays envisage une forme de redéfinition des frontières. On est donc en droit de se demander si le Canada aurait accepté des frontières ne répondant pas aux exigences onusiennes. Si le Canada reconnaissait la Palestine maintenant, ce ne pourrait qu’être suivant les frontières définies par le droit international qui rejette toute conquête territoriale par la voie des armes.

Voyant le nombre de pays reconnaissant la Palestine augmenter, il est possible qu’Israël sente le besoin de mettre rapidement un terme à la guerre afin de mieux contrôler la solution « à deux États ».

La reconnaissance de la Palestine transfère donc la pression sur Israël. Il faut toutefois admettre que cette pression est minime et n’a que peu d’effet sur le gouvernement israélien. L’Espagne l’a bien constaté et elle veut maintenant intervenir dans la procédure intentée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice.

Des avantages

Il y aurait des avantages pour le Canada à reconnaître la Palestine. En premier lieu, il s’éloignerait de la position des États-Unis auxquels le Canada est généralement associé. Le Canada ne serait plus perçu comme un vassal de son puissant voisin du Sud. Il est important pour le Canada de recouvrer de la crédibilité au niveau international en démontrant l’indépendance de ses choix.

Rappelons qu’à deux occasions, le Canada n’a pas été élu par l’Assemblée générale de l’ONU pour devenir membre du Conseil de sécurité. Son soutien permanent à Israël lors des votes à l’Assemblée générale a certainement entraîné des conséquences à cet égard puisque ce faisant, le Canada n’agissait pas toujours pour la promotion de la paix et du droit international. Dernier point, et non le moindre, on peut espérer que ces reconnaissances puissent aider au retour de la paix.

Il ne reste que peu de temps au Canada pour s’intégrer dans le mouvement de reconnaissance de la Palestine.

Comme indiqué précédemment, le chef du Parti conservateur, et probablement le prochain premier ministre du Canada, confond les Palestiniens avec les membres d’un groupe terroriste et semble croire que le territoire de la Palestine se limite à la bande de Gaza. Lorsqu’il sera en poste, il y a tout lieu de penser que le Canada soumettra à nouveau sa prise de décision en ce domaine à l’imprimatur d’Israël.

De plus, si le prochain président américain est Donald Trump, le Canada devrait aussi résister aux pressions de son principal allié puisque le soutien de ce candidat à Israël est de notoriété publique.

Il faut toutefois être réaliste et accepter que l’opinion du Canada n’a que peu de poids sur la scène internationale et que la pression à laquelle il est fait référence demeure modeste. Toutefois, il est permis d’espérer que la reconnaissance canadienne de la Palestine puisse aider l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni dans leur choix.

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