Vous souvenez-vous de la comédie française Tanguy ? Bon, ce n’est pas à la hauteur du Dîner de cons, mais la prémisse était bien trouvée : un homme de 28 ans refuse de quitter la maison de ses parents, alors ceux-ci s’efforcent de lui pourrir la vie jusqu’à ce qu’il décide de partir par lui-même.

Maintenant, imaginons qu’une nouvelle loi vienne en renfort des parents et force tous les Tanguy du Québec à quitter la demeure familiale. Du jour au lendemain, des milliers d’individus qui n’étaient pas à la recherche d’un logement le deviennent. En tenant l’offre constante, estimez-vous que cela aurait un impact sur le prix des logements ?

Bien sûr que oui. Toutes choses étant égales par ailleurs, si la demande augmente, mais que l’offre demeure stable, nous assistons à une hausse des prix puisque plus d’individus se font compétition pour les mêmes biens. Ils sont alors prêts à payer plus cher que les autres afin de les obtenir, ce qui réduit du même coup l’accessibilité de ces biens. Dans notre petite expérience de pensée, ces Tanguy forcés d’entrer dans l’âge adulte à leur corps défendant ne sont toutefois pas bien coupables.

Expulsés de chez eux, ils doivent bien trouver une manière de se loger (le droit au logement étant d’ailleurs contenu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme)… Et s’ils accroissent une crise du logement dans ce cas de figure, ce n’est tout de même pas de leur faute !

Maintenant, varions un peu l’exemple. Désormais, nos Tanguy ne sont plus expulsés du foyer familial, où ils auraient pu rester, mais ils choisissent en toute indépendance de le quitter puisqu’ils ne peuvent plus supporter certains irritants. Disons qu’ils ont envie de pouvoir laver la vaisselle à l’heure qu’ils désirent, de mettre n’importe quel aliment dans le réfrigérateur ou de rentrer à toute heure du soir ou de la nuit sans avertir. Ils cherchent une vie meilleure, certes, mais celle qu’ils quittaient n’était pas misérable non plus.

L’effet de leur départ du foyer familial sur le marché du logement est toutefois le même que dans le premier cas de figure : le fait qu’il y ait davantage d’individus en compétition pour des logements rares implique une hausse des prix et une baisse concomitante de l’accessibilité.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

En quittant massivement la demeure familiale, les Tanguy participeraient à la hausse des prix des logements.

Or, contrairement aux Tanguy de nécessité du premier exemple, ces seconds Tanguy d’agrément ont sciemment choisi de quitter la maison familiale. Considérant qu’en règle générale, s’il y a choix raisonnable, il peut y avoir attribution de responsabilité, on peut considérer que ces seconds Tanguy sont, au moins en partie, responsables de la crise du logement d’une manière tout à fait différente des premiers. D’autant plus que ceux-là, étant prêts à partir depuis un petit bout de temps, ont des économies et seront des acteurs vraiment compétitifs sur le marché du logement (disons, sur le Plateau Mont-Royal).

Demandeurs d’asile et immigrants économiques

Évidemment, ces deux exemples ne recoupent pas parfaitement les cas des demandeurs d’asile et des immigrants économiques au Québec et au Canada. Les choses sont bien plus complexes et subtiles. Mais ces exemples un peu burlesques nous aident déjà à distinguer entre les catégories d’immigrants et leurs effets potentiels sur la crise du logement qui sévit ici.

Dans tous les cas, la loi de l’offre et de la demande règne : tant que l’on ne parviendra pas à bâtir de nouveaux logements, et surtout dans les régions désirées, tout ajout d’individus sur le marché du logement viendra accroître la crise.

Mais d’un point de vue moral comme politique, il faut rigoureusement les distinguer – ce que nos politiciens ne font pas très habilement.

D’un côté, nous avons un devoir humain d’accueillir ceux et celles qui ont été chassés de chez eux et n’ont pas d’autres endroits où aller. On ne peut pas leur en vouloir, et il est certainement un peu déplorable de chercher à faire des gains politiques sur leur dos.

D’un autre côté, dans un contexte de crise du logement et de pression généralisée sur les services de l’État, il est irresponsable de continuer à accueillir, à peu près sans limites, des individus qui ne sont poussés à venir par aucune nécessité existentielle. Curieusement, le gouvernement Legault, qui ne manque aucune occasion d’expliquer une crise qu’il prit bien du temps à reconnaître par « l’immigration », refuse systématiquement de jouer sur les leviers qu’il contrôle pourtant (l’immigration économique).

Concluons. L’immigration n’est pas – bien sûr – la seule variable qui explique et accélère la crise du logement, mais dans un contexte où nous ne sommes pas à même de bâtir suffisamment, dans un contexte de pénurie sévère, elle y contribue. Le principe de réalité nous intime de considérer cette variable avec intégrité. Le principe de responsabilité nous intime de le faire avec sensibilité et humanité en distinguant rigoureusement entre les différentes catégories migratoires, entre le nécessaire et le superflu.

Une chose est certaine, il faut en discuter et refuser de jeter l’anathème sur ceux qui le font, afin de ne pas laisser le champ libre à des discours et des partis qui s’en serviront à d’autres fins, bien moins nobles. Car enfin, pour revenir au pays de Tanguy, n’allons pas oublier qu’une des principales variables qui expliquent le soutien actuel au Rassemblement national est précisément celle-ci : le refus, par des partis qui pourtant auraient été à même de bien le faire, de considérer jusqu’à tout récemment un problème migratoire bien réel.

Pour assurer le respect des immigrants, la gauche doit se ressaisir de la question migratoire !

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