La lettre ouverte du 26 juin dernier rédigée par la Coalition priorité cancer⁠1 nous donne l’occasion de déboulonner des mythes tenaces auxquels nombre de patients sont confrontés dès qu’ils sont mis en relation avec un programme de soutien aux patients (PSP) d’un fabricant de médicaments de spécialité.

Tout d’abord, l’AQPP tient à souligner qu‘elle est tout à fait d’accord que le bien-être des patients doit être au cœur des priorités. Il s’agit du fondement même de plusieurs de nos démarches pour démocratiser l’accès aux médicaments de spécialité dans toutes les pharmacies du Québec.

En effet, depuis de nombreuses années, l’AQPP travaille à trouver des solutions pour que le droit des patients de choisir leur pharmacien soit respecté conformément aux lois et règlements en vigueur.

Malgré tout, nous constatons avec indignation que ces solutions n’ont pas été adoptées par certains acteurs de l’industrie pharmaceutique qui ont toujours recours à des pratiques interdites et fautives pour accaparer le marché des médicaments de spécialité sans respecter le libre choix des patients et au détriment de leurs collègues pharmaciens.

Sur la formation

Un mythe récurrent, véhiculé entre autres par les pharmacies dites de spécialité et des PSP, est la prétention que « ce ne sont pas tous les pharmaciens qui ont la formation, la certification et l’expérience nécessaires pour faire le suivi des médicaments de spécialité et de conditions rares ». Entretenir cette croyance insécurise les patients vulnérables et porte atteinte à leur relation de confiance avec leur pharmacien usuel.

Tous les pharmaciens sont outillés pour prendre en charge la thérapie médicamenteuse de leurs patients et doivent agir conformément à leur jugement professionnel.

Nous soulignons par ailleurs qu’il est inadmissible que des PSP jugent des qualifications des pharmaciens afin de leur permettre de servir un médicament, alors qu’il s’agit d’une prérogative de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) de statuer sur la compétence d’un pharmacien. Il importe de mentionner qu’à ce jour, l’OPQ ne reconnaît aucune spécialisation pharmaceutique.

Sur le fardeau financier

Il est évident que le fardeau financier ne doit pas incomber aux patients. Un patient ne devrait pas avoir à assumer le financement causé par les délais d’autorisation de remboursement pour ses médicaments. Cependant, le système opaque que nous dénonçons mise trop souvent sur une aide financière offerte aux patients à condition de faire affaire avec une pharmacie désignée par le PSP, rendant le processus insécurisant pour les patients et les incitant ainsi indûment à faire affaire avec cette pharmacie. Cette façon de faire est d’autant plus risquée, car il est fréquent que ces doses de compassion offertes dans le cadre d’une telle aide financière ne se retrouvent pas dans le Dossier santé Québec (DSQ) du patient, occasionnant une fragmentation du dossier pharmacologique.

Sur le meilleur suivi

Nous sommes tous d’accord que les patients méritent un suivi optimal de leur traitement. Pour ce faire, le pharmacien doit être en mesure de prendre en charge le patient de façon globale et non pas par type de condition ou de médicament. On peut également se questionner sur les priorités et l’intérêt commercial d’une pharmacie qui ne sert pratiquement qu’un seul médicament très dispendieux au patient. Travaille-t-elle au bénéfice du patient ou du médicament ?

Sur le consentement éclairé

Ce que nous constatons est justement le fait que le patient, en situation de grande vulnérabilité, ne donne pas son consentement éclairé lorsqu’il est dirigé vers une pharmacie dite de spécialité, en raison de pratiques fautives qui le découragent de faire affaire avec son pharmacien de confiance. Plusieurs patients se résignent à faire affaire avec la pharmacie partenaire d’un PSP, car on leur a répété plus d’une fois que c’était « plus simple comme cela » ou réitéré les mythes dénoncés ci-dessus quant à la compétence des pharmaciens. Un consentement fondé sur des informations trompeuses ne constitue pas un consentement éclairé.

En terminant, l’AQPP déploie des efforts depuis de nombreuses années afin que des solutions soient mises en place rapidement pour enrayer un circuit de distribution fermé qui brime le droit des patients de choisir leur pharmacien. Nous entendons poursuivre notre lutte pour démocratiser l’accès à ce marché, car il en va de la pérennité de l’ensemble du réseau de la pharmacie communautaire qui continue de répondre présent pour servir ses patients, de développer des services de proximité et de répondre aux besoins de la population dans toutes les régions du Québec.

1. Lisez « Médicaments de spécialité – Les patients doivent être au cœur des priorités de toutes les pharmacies » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue