L’annonce de la démolition de la Place Versailles pour y construire 5000 logements et remplacer des milliers de stationnements par des surfaces minérales et végétalisées a été accueillie avec une bonne dose d’enthousiasme. Cependant, bien peu de détails ont émané de la proposition. Il y a donc lieu de se demander : « Que va-t-on y construire plus exactement ? »

Alors que le budget climat pour limiter la hausse à 1,5 °C fond à peu près au même rythme que nos deux principales calottes glaciaires et que l’échéance de la carboneutralité est annoncée en grande pompe pour 2050, il est primordial que ce projet de développement mixte majeur soit conçu dans une optique carboneutre.

Un quartier tout en bois

Pour tendre vers la carboneutralité, il faut considérer d’abord le carbone intrinsèque constitué des émissions de CO2 produites dans le cycle de vie des matériaux et composants choisis pour la construction du bâtiment. En ce sens, le bois fait figure de véritable champion ; il requiert très peu d’énergie pour être transformé et constitue un extraordinaire puits de carbone. Ce carbone est enfermé dans le bois et demeure stable pour toute la durée de vie du bâtiment.

Il n’y a pas d’enjeu de sécurité supérieur avec les bâtiments en bois, au contraire ; les structures en bois sont prévisibles en ce sens qu’elles ne s’effondreront pas inopinément sous la chaleur de l’incendie comme l’acier, et elles ne se fissureront pas irrémédiablement sous l’effet de séismes, comme le béton. Elles sont hautement résilientes.

La meilleure façon d’utiliser le bois pour la structure et d’en tirer le plus grand avantage concerne particulièrement les bâtiments de hauteur moyenne. Des gabarits de quatre à sept étages organisés de façon compacte sur le site permettraient de construire facilement tout en bois, d’obtenir une densité optimale et de créer un vrai quartier à échelle humaine. Au sud de Stockholm, le quartier d’Hammarby Sjöstad est un extraordinaire précédent qui devrait nous inspirer.

PHOTO FOURNIE PAR DOMINIQUE LAROCHE

Le quartier d’Hammarby Sjöstad, dans le sud de Stockholm

Un autre avantage indéniable des structures en bois est la rapidité d’érection, surtout lorsqu’on la compare à celle du béton. Elles permettent d’économiser un temps précieux dans le contexte actuel de la crise du logement qui requiert la réalisation rapide de millions de nouvelles habitations.

Le bois est une richesse naturelle que nous avons la chance d’avoir en abondance ici, chez nous.

Les structures en bois représentent une occasion d’utiliser durablement nos ressources forestières et de créer de l’emploi local, valorisant, innovant et qui perdurera pour les générations futures.

Pour toutes ces raisons, en plus des preuves scientifiques démontrant les bienfaits de la présence de bois dans nos espaces de vie, la structure principale de tous les bâtiments de ce nouveau quartier devrait être en bois.

Certifié Passivhaus

La norme Passivhaus a été développée en Allemagne dans les années 1990 et est en émergence dans plusieurs régions du monde. Elle s’adapte au climat local et permet des économies d’énergie d’environ 90 % par rapport à un bâtiment traditionnel.

Comment se traduit-elle au Québec ? En orientant la plus grande partie des fenêtres au sud et en contrôlant les ombres portées entre les bâtiments, en isolant davantage les murs, en évitant les ponts thermiques et en assurant une étanchéité à l’air exceptionnelle. Cette dernière doit être testée en chantier, sans quoi la certification n’est pas possible.

Ces bâtiments ne sont pas plus chers à construire ; ils demandent simplement une véritable démarche de planification, en amont, impliquant des experts du domaine. Avec la norme Passivhaus, on obtient en prime un confort accru pour les utilisateurs ainsi que l’assurance de vivre dans des espaces baignés d’une abondante lumière naturelle, accessible à tous.

Aucune demi-mesure

Il serait indécent de remettre à demain et de continuer à pelleter par en avant dans la cour de nos enfants. Le quartier qui remplacera la Place Versailles doit être carboneutre, comme tous les autres qui suivront. Pour y arriver, il est impératif d’aller beaucoup plus loin que ce qu’exige la réglementation actuelle, connue pour être nettement insuffisante pour l’atteinte de la carboneutralité à l’horizon 2050.

Nous avons les connaissances, le talent et l’expertise pour concevoir ce nouveau quartier de la façon la plus intelligente, la plus optimale et la plus sensible qui soit. Aucune demi-mesure n’est dorénavant envisageable ou acceptable. Les décideurs et donneurs d’ouvrage doivent mettre la barre au plus haut ; ils doivent faire preuve de courage.

L’heure de la procrastination est révolue ; dans le domaine du bâtiment, l’objectif de la carboneutralité pour 2050 se dessine maintenant.

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