En tant que groupes de défense des droits et intérêts des patients, nous sommes grandement préoccupés par une démarche entreprise par l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP)1 auprès de certaines pharmacies de spécialité du Québec. Si cette démarche appartient à l’AQPP, notre responsabilité est de faire entendre le point de vue et partager l’expérience terrain de nos membres, des patients québécois et leurs familles usagers des pharmacies de spécialité.

Leur constat est clair : avoir accès à des pharmacies de spécialité fait toute la différence dans leur parcours de soins. Les personnes atteintes de cancer ou de maladies rares et leurs familles ne devraient pas subir les effets insécurisants liés à ce conflit. Nous nous inquiétons de voir la démarche de l’AQPP motivée par des intérêts commerciaux, en négligeant considérablement l’impact sur les patients. Les patients ne devraient pas avoir à s’inquiéter du risque financier, des délais de paiement et de la gestion de l’inventaire des pharmaciens.

Alors que les patients atteints de cancer ou de conditions rares se retrouvent en situation de grande vulnérabilité, un suivi individualisé et une expertise sur le traitement ciblé auront un important impact positif sur leur bien-être émotionnel et leur qualité de vie.

Tout comme le médecin de famille réfère ses patients à un spécialiste lorsqu’il est question de pathologies plus complexe (en oncologie ou en maladies rares par exemple), ce ne sont pas tous les pharmaciens qui ont la formation, la certification et l’expérience nécessaire pour faire le suivi des médicaments de spécialité et de conditions rares. Ainsi, tout patient doit être entouré des meilleurs professionnels pour l’accompagner dans ses soins de santé.

Ce qui compte pour les patients

Réduire le fardeau financier

Les patients qui ont désespérément besoin d’un médicament de spécialité et qui n’ont pas la capacité de payer leur franchise ont besoin de l’expertise d’un coordonnateur d’accès pour le remboursement des médicaments, un rôle encore peu répandu au Québec, mais disponible dans les pharmacies de spécialité.

Avoir le meilleur suivi

Les patients devraient avoir accès à un pharmacien qui se spécialise dans leur condition lorsque cela est nécessaire, ne serait-ce que pour lui donner les meilleures chances de succès possible.

Donner un consentement éclairé

Les patients devraient être informés de l’ensemble des services qui pourront leur être offerts pour les aider à cheminer dans leur parcours avec la maladie, afin qu’ils puissent prendre la meilleure décision pour eux et décider du niveau d’accompagnement qu’ils souhaitent avoir, dans le respect et la reconnaissance de leurs besoins et leur réalité.

Des données qui suivent le patient

Les patients devraient pouvoir se sentir confiants lorsqu’ils interagissent avec un pharmacien, et savoir que leur profil au sein de leur Dossier santé Québec (DSQ) sera consulté et que les spécificités qui leur sont propres seront considérées et comprises par le professionnel qui s’apprête à leur offrir un service ou des soins de santé. Les dossiers des patients ne seront pas « fractionnés2 » si celui-ci a recours à l’expertise de différents pharmaciens dans son parcours de soins.

La population québécoise a besoin d’un accès simple, rapide et équitable à des professionnels de la santé qualifiés pour répondre à leurs besoins particuliers. Des arguments tels que ceux avancés par M. Benoit Morin, président de l’AQPP, qui admet que « l’enjeu c’est l’argent effectivement – ça nous échappe» n’ont pas leur place dans un enjeu qui concerne des personnes malades qui se battent actuellement pour leur vie. Ce qui devrait être au centre de nos préoccupations et des décisions administratives et politiques, c’est le bien-être et la prise en charge efficace des patients atteints de cancer et de conditions rares.

C’est pourquoi nous voulons nous assurer qu’au-delà des considérations économiques, les différents acteurs impliqués au sein du système de santé pourront travailler ensemble afin de mieux soutenir les patients atteints de cancer et de conditions rares qui ont déjà leur lot de préoccupations à gérer. S’il y a des corrections à apporter qu’ils les règlent rapidement et qu’ils remettent les patients au cœur de leurs décisions.

1. Lisez « “Pratiques anticoncurrentielles” – Dix pharmaciens dans la ligne de mire de leur association » 2. Écoutez Demande d’action collective envers dix pharmaciens : « Une pratique anticoncurrentielle et fautive » – Benoit Morin Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue