Et si cette Journée mondiale du réfugié 2024 était sous le signe de l’innovation ? Les chiffres l’exigent. Selon l’ONU, le nombre de personnes déplacées de force dans le monde a triplé en 10 ans, pour atteindre 120 millions de personnes en avril. Le secrétaire général de l’ONU est catégorique : la crise migratoire actuelle est une « crise politique que les dirigeants mondiaux doivent résoudre ensemble⁠1 ».

La complexité d’un enjeu comme celui-ci appelle à de nouvelles façons de collaborer pour innover. Peu importe notre opinion sur le nombre de personnes à accueillir, la migration humaine est un phénomène mondial qui s’accentue de façon irréversible. Et il existe un fort consensus au Québec pour contribuer et améliorer nos capacités d’accueil et d’intégration. C’est une question de principe et de leadership, mais aussi une posture pragmatique.

J’ai passé les 15 dernières années à développer des programmes autour de l’enjeu de l’immigration et soutenu plus de 100 000 personnes nouvellement arrivées, sans réaliser que les solutions mises en œuvre étaient souvent de réelles innovations sociales.

Après un an à la tête de la Maison de l’innovation sociale (MIS), j’ai la conviction que si j’avais connu l’efficacité des démarches d’innovation sociale et du design de service, j’aurais pu aller plus loin dans la résolution de ces enjeux complexes et systémiques.

PHOTO FANNY NOARO-KABRE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Camp pour personnes déplacées à Dori, dans le nord du Burkina Faso. « Peu importe notre opinion sur le nombre de personnes à accueillir, la migration humaine est un phénomène mondial qui s’accentue de façon irréversible », écrit l’auteure.

Des innovations sociales existent déjà de par le monde et le Québec gagnerait à s’en inspirer pour s’attaquer aux grands défis dans le secteur de l’immigration :

1. Accélérer et améliorer l’accès aux services

Le One-Stop Shop de Lisbonne, au Portugal, est un centre offrant des services publics de niveaux municipal et fédéral. Cette approche de services publics intégrée, reconnue comme une des meilleures pratiques par le Conseil de l’Europe, permet de faire toutes les démarches administratives en un seul endroit.

2. Créer de nouveaux modèles d’habitation 

Plus près de chez nous, au Manitoba, l’Immigrant and Refugee Community Organization of Manitoba (IRCOM) offre une résidence de plus de 100 logements familiaux. C’est un réel milieu de vie et d’intégration interculturel pour la phase de transition des nouveaux arrivants, entre leur arrivée au pays et leur installation dans un logement plus permanent. Les familles peuvent y demeurer de un à trois ans et trouver tous les services d’intégration sur place.

3. Changer les paramètres de l’accès au financement

Le fonds d’innovation pour les réfugiés de l’ONU finance des projets d’organisations gérés par des personnes réfugiées. En effet, il est reconnu qu’innovation et immigration vont souvent de pair. Aux États-Unis⁠2 comme au Canada⁠3, des études dans le domaine entrepreneurial démontrent que les personnes immigrantes ont beaucoup à apporter aux sociétés d’accueil.

Décloisonner pour innover 

Ces trois exemples prouvent que l’innovation est possible quand une collaboration entre différents types d’acteurs et différents ordres de gouvernement se met en place.

Réunir l’intelligence des entreprises, du milieu communautaire, des personnes migrantes et réfugiées, ainsi que des pouvoirs publics autour d’enjeux complexes est aujourd’hui une nécessité. Et c’est exactement ce que les approches d’innovation sociale peuvent offrir en termes d’outils et d’expertise pour y parvenir.

Les exemples de projets d’innovation sociale présentés plus haut ne sont toutefois pas des solutions miracles qui viendront régler la crise migratoire, ainsi que son origine profonde. Un enjeu aussi complexe nécessite un continuum d’innovations dans de multiples secteurs pour que puisse s’opérer un changement profond.

J’appelle donc tous les acteurs et actrices de changement de la société québécoise à s’inspirer des innovatrices et innovateurs sociaux et à transformer radicalement leur manière de trouver des solutions. Et si nous envisagions la résolution de la crise migratoire comme une occasion d’innover socialement, économiquement et environnementalement ?

1. Lisez « Nombre record de 120 millions de déplacés de force à la fin avril, selon l’ONU » 2. Lisez « The Contribution of High-Skilled Immigrants to Innovation in the United States » (en anglais) 3. Lisez « Relocation Nation : How Immigrant Tech Founders Boost Canadian Innovation » (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue