Depuis le début des années 2000, un discours décomplexé se développe autour de l’immigration. Il est en forte progression depuis deux ans, et s’officialise. Le parti au pouvoir à Québec affirme et diffuse des données qui sont partielles, tronquées ou hors contexte concernant principalement les personnes demandeuses d’asile et les travailleuses et travailleurs étrangers.

Les personnes demandeuses d’asile ne sont pas en quête d’immigration, mais en quête d’un refuge. Ce n’est pas la même chose, et ce n’est pas jouer sur les mots. Il s’agit de la seule catégorie de personnes migrantes sur laquelle le Québec n’a vraiment pas le « contrôle » et pour cause. Le Canada non plus ne « contrôle » pas le nombre de personnes cherchant asile au pays. Ces personnes sont protégées par le droit international, et les États ont l’obligation de les accueillir et d’assurer leur protection.

Ces personnes fuient parce qu’elles sont persécutées, parce qu’elles sont confrontées aux affres de la guerre, parce que les eaux envahissent leur territoire ou que la sécheresse s’est installée depuis des années, anéantissant leurs sources de subsistance, parce que l’exploitation des ressources naturelles par les minières et les industries forestières ou agroalimentaires ont entraîné leur déplacement manu militari, parce qu’elles sont victimes des guerres de gangs liées au trafic de la drogue.

En ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, il existe deux programmes. Pour l’un, le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), le Québec a le plein contrôle. Pour l’autre, le Programme de mobilité internationale (PMI), il est de fait géré par le Canada, mais cela doit se faire en concertation avec le Québec. Ces personnes sont sur le territoire québécois à la demande et selon les besoins des entrepreneurs québécois. Depuis 2021, le Québec bénéficie d’une entente pour faciliter et accélérer le processus des personnes dont les employeurs québécois souhaitent obtenir les services à travers le PMI.

Contrairement à la croyance populaire, il ne s’agit pas seulement de travailleurs agricoles ici pour quelques mois.

Tous les jours, sans le savoir, nous recevons les services attentionnés de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, dans les domaines des soins, de l’industrie alimentaire ou touristique, de la construction, de la restauration…

On comble des besoins permanents avec une main-d’œuvre temporaire, jetable. Souvent, le « temporaire » s’étale sur plusieurs années.

En 2021, Québec a expressément demandé au Canada de pouvoir en accueillir davantage. Tandis que le premier ministre et la ministre de l’Immigration montrent du doigt les personnes demandeuses d’asile en réclamant leur déplacement. Le nombre de travailleurs étrangers a explosé à compter de 2018. Une belle astuce pour le gouvernement afin de « respecter » sa promesse électorale de diminuer le nombre « officiel » d’immigrants. Les « temporaires » ne font pas partie de la planification de l’immigration du Québec. Ces personnes sont hors décompte. Elles sont partout dans notre économie, qui en est de plus en plus dépendante. En un an, en 2023, leur nombre se serait accru de 61 % selon Statistique Canada pour atteindre plus de 225 000 personnes.

Deux catégories de travailleurs étrangers

Ce que François Legault et Christine Fréchette taisent aussi, c’est qu’il existe deux catégories de travailleurs étrangers : ceux à bas salaires et ceux à hauts salaires. Dans cette dernière catégorie, nous retrouvons surtout les personnes qualifiées, elles peuvent venir avec leur famille et accéder à la résidence permanente. On les retrouve dans des secteurs de pointe.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Christine Fréchette, ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Pour ce qui des travailleurs étrangers à bas salaires, la vaste majorité d’entre eux sont liés à un employeur par un permis de travail fermé. Ces personnes ne peuvent faire venir leur famille ni, a priori, demander la résidence permanente.

En principe, elles ont les mêmes droits que tout travailleur. Mais qui s’opposera à une demande d’un employeur abusif vous menaçant d’expulsion si vous n’obtempérez pas ? Soyons réalistes.

Prétexter que ces personnes sont responsables à 100 % de la pénurie de logements est pour le moins irresponsable. Les organisations de défense du droit au logement décrient depuis des décennies l’état du parc immobilier en qualité et en quantité sur l’ensemble du territoire. Insinuer que les personnes demandeuses d’asile et les travailleurs étrangers « temporaires » sont responsables du piètre état du système scolaire, du recul du français, de l’engorgement du système de santé est une insulte à notre intelligence collective.

Les enjeux graves auxquels nous sommes confrontés dans tous ces domaines sont le résultat du désinvestissement chronique des gouvernements québécois qui se sont succédé depuis les années 1990. Les politiques d’austérité des gouvernements du Parti libéral entre 2003 et 2018 sont certainement en bonne partie responsables de cette désastreuse situation.

En appelant au pragmatisme, le gouvernement du Québec et le Parti québécois semblent entretenir un discours toxique anti-immigrant. Il n’y a rien de rationnel à déshumaniser des êtres humains, sans droit de vote, pour des raisons électoralistes et affairistes. Ces discours sont directement inspirés, alimentés, par l’extrême droite, ailleurs en Occident, notamment en France. Est-ce vraiment ce que l’on veut au Québec ?

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