En cette Journée de l’air pur, à un moment où la menace de nouveaux épisodes d’incendies de forêt et de mauvaise qualité de l’air est plus présente que jamais, nous constatons l’immense chantier devant lequel nous nous trouvons collectivement afin que tous et toutes puissent respirer un air de qualité.

Chaque année, la pollution atmosphérique est responsable de 4000 décès au Québec, avec des coûts sanitaires évalués à 30 milliards de dollars⁠2. Les pics de pollution, comme c’est le cas lors des épisodes d’incendies de forêt, engendrent des effets immédiats sur la santé des gens : exacerbation de l’asthme, infections respiratoires, irritation oculaire et plus encore. Ce n’est pas tout : les données scientifiques nous mettent en garde à un autre niveau, soit celui des effets cumulatifs de la mauvaise qualité de l’air sur notre santé.

Même aux niveaux habituels de qualité de l’air tels que reconnus selon les normes que suit actuellement le gouvernement du Québec, la pollution engendre des impacts sur la santé qu’on ne peut plus ignorer : mortalité prématurée, démence précoce, difficultés d’apprentissage chez les enfants, troubles de santé mentale, cancers, augmentation du risque de maladies cardiovasculaires.

Ces effets s’additionnent et finissent par se répercuter sur le réseau de la santé et des services sociaux, contribuant inévitablement à son engorgement.

Pour agir, il est capital de comprendre que la pollution atmosphérique est le résultat d’un cocktail de différentes particules, comme les composés organiques volatils (COV), le monoxyde de carbone (CO), les oxydes d’azote (NOx) et les particules fines (PM). Pour chacune de ces catégories, le secteur des transports (et la poussière de route qui en résulte) en est la principale source⁠3.

Prenons l’exemple des particules fines : environ 60 % des particules libérées le sont non pas par l’utilisation de carburant, mais par l’usure des freins, des pneus et de la surface de la route⁠4. Or, bien que les véhicules électriques soient souvent présentés comme une option écoresponsable, leur contribution à la pollution ambiante ne peut être ignorée. L’Organisation de coopération et de développement économiques estime même qu’ils pourraient être responsables d’une augmentation des émissions de particules fines en raison de leur poids, souvent plus élevé que celui des véhicules à combustion fossile, si des politiques adéquates de transport collectif ne sont pas mises en place.

Des solutions

Sachant cela, quelles sont les solutions ? Les choix de transport que nous faisons tous les jours affectent directement la qualité de l’air. Toute stratégie visant à assainir l’air ne peut réussir sans que soient mises en place des mesures permettant de diminuer le nombre de véhicules sur les routes, tout comme le nombre de kilomètres parcourus, surtout en mode solo. Par exemple, opter pour d’autres moyens que l’automobile solo pour des distances inférieures à huit kilomètres – comme le transport collectif, le vélo ou la marche – pourrait réduire significativement⁠5 le niveau annuel moyen de particules fines, diminuer le nombre de décès attribuables à la pollution et encourager l’activité physique dans la population.

La santé de la population serait gagnante de tels changements, de même que nos finances publiques.

La ville de Toronto l’a démontré, données à l’appui⁠6 : des transferts modestes de 7,6 % de l’automobile vers le transport collectif et de 5 % vers le vélo et la marche pourraient réduire les coûts de santé de 2,2 milliards de dollars par année !

Les médecins membres de l’AQME constatent régulièrement l’impact de la qualité de l’air sur la santé de leurs patientes et patients. Motivée par les gains à notre portée, l’Association a publié en début d’année un Cadre de référence sur l’air⁠1, résumant l’état de la gestion de la qualité de l’air au Québec et proposant des mesures additionnelles à mettre en place afin de protéger davantage la population.

Toutefois, force est de constater que l’état actuel des investissements dans le transport collectif et la possible réduction de l’offre inquiète les membres de l’AQME. Une augmentation substantielle de l’offre de transport collectif est reconnue comme un élément central de toute stratégie visant à protéger la qualité de l’air, en plus d’apporter de nombreux autres bénéfices sur le plan de la santé physique, psychologique et environnementale.

En cette Journée de l’air pur, nous réitérons le rôle important que doit jouer le transport collectif dans la vie quotidienne des Québécoises et des Québécois. Le gouvernement du Québec doit y contribuer de manière accrue et véritablement significative, de concert avec une véritable politique de mobilité durable visionnaire qui aurait les moyens de réaliser ses ambitions.

*Cosignataires : Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’AQME ; Dre Johanne Elsener, membre de l’AQME ; Patricia Clermont, organisatrice de l’AQME

1. Consultez le Cadre de référence sur l’air de l’AQME 2. Consultez la page Impacts sanitaires de la pollution atmosphérique liée à la circulation automobile au Canada 3. Consultez l’Inventaire québécois des émissions des principaux contaminants atmosphériques 4. Consultez la page Non-exhaust Particulate Emissions from Road Transport (en anglais) 5. Lisez « Air quality and exercise-related health benefits from reduced car travel in the midwestern United States » (en anglais) 6. Lisez « Improving Health by Design in the Greater Toronto-Hamilton Area » (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue