Plus de 90 professeures et professeurs d’université s’’adressent au recteur de l'UQAM, Stéphane Pallage, pour lui demander de respecter le droit de manifester des étudiants qui ont installé un campement propalestinien et pour appuyer leurs revendications.

Monsieur le Recteur,

Face aux campements de solidarité avec la cause palestinienne qui se sont multipliés dans le monde entier, deux voies se sont offertes aux universités : celle de la répression, comme ce fut le cas à Columbia, ou celle de la discussion, comme à Berkeley. Par sa décision de demander une injonction à la Cour supérieure, l’UQAM a choisi la première.

Cette demande, qui a été partiellement accueillie par la Cour lundi, nous plonge dans une grande colère, car non seulement elle brime la liberté d’expression des étudiantes et étudiants, mais elle témoigne d’une incapacité à comprendre les enjeux qui sous-tendent ces mobilisations sans précédent.

Les crimes commis par l’État d’Israël depuis le 7 octobre 2023 ont amené la Cour internationale de justice, le 26 janvier dernier, à exiger qu’Israël prenne « toutes les mesures en son pouvoir » pour prévenir la commission d’un génocide dans la bande de Gaza. Le 26 mars 2024, la rapporteuse spéciale des Nations unies pour la Palestine a conclu « qu’il existe des motifs raisonnables de croire » qu’Israël commet contre les Palestiniennes et Palestiniens de la bande de Gaza des « actes de génocide » traduisant une volonté de « nettoyage ethnique1 ».

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Vue aérienne du campement propalestinien à l’UQAM, il y a deux semaines

Aucun acte, y compris les massacres odieux de civils commis par le Hamas, ne peut justifier les atrocités commises actuellement par l’armée israélienne contre la population palestinienne. Ces crimes sont d’ailleurs d’une telle ampleur que, le 21 mai 2024, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a réclamé un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien et son ministre de la Défense pour crimes contre l’humanité.

En outre, avant le 7 octobre 2023, de nombreuses instances onusiennes et ONG internationales ont documenté les crimes commis par l’État d’Israël dans les territoires occupés. Outre la colonisation illégale, mentionnons notamment la spoliation des ressources ; les expropriations arbitraires ; la ségrégation et la restriction du droit de circuler ; les punitions collectives infligées à la population civile, dont des démolitions de maisons et d’infrastructures ; les déplacements forcés de populations ; l’emprisonnement de milliers de prisonnières et prisonniers politiques, dont une proportion alarmante de mineures et mineurs ; l’usage de la torture ou d’autres formes d’actes inhumains et dégradants.

Selon les rapports de deux rapporteurs spéciaux de l’ONU (2014 et 2022), d’Amnistie internationale (2022) et de Human Rights Watch (2021), plusieurs de ces crimes relèvent d’un crime d’apartheid, constitutif d’un crime contre l’humanité. Ces crimes se déroulent sous nos yeux et nous concernent toutes et tous en tant qu’humains. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

Dans un tel contexte, le 29 novembre 2023, les universités palestiniennes ont lancé un appel à ne pas rester « silencieux face au génocide israélien en cours ».

En outre, depuis 2005, un large regroupement d’organisations de la société civile palestinienne appelle la communauté internationale à boycotter l’État d’Israël ainsi que les entreprises israéliennes complices de l’occupation et de la colonisation.

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Palestiniens tentant d’éteindre les flammes sur les lieux d’une frappe israélienne, lundi à Rafah

Pour ces raisons, nous, signataires de cette lettre, unissons nos voix pour appuyer les revendications des étudiants qui, comme à l’UQAM et à McGill, occupent pacifiquement leur campus pour demander à leur université de rompre tout lien institutionnel avec les universités israéliennes et tout lien financier avec des entreprises complices de l’occupation et de la colonisation israéliennes.

En conséquence, Monsieur le Recteur, nous vous demandons de :

1) respecter le droit de rassemblement et d’expression des membres de la communauté uqamienne, et donc de ne pas faire appel aux forces de l’ordre pour déloger de force les personnes qui manifestent pacifiquement sur les campus universitaires ;

2) prendre en considération les revendications légitimes des étudiants installés dans le campement du Cœur des sciences.

* Consultez la liste complète des cosignataires 1. Consultez le rapport Anatomie d’un génocide (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue