Quel conjoint ou conjointe peut garder l’animal en cas de séparation ? Cette question occupe⁠1 de plus en plus nos tribunaux, et un projet de loi à l’étude à Québec pourrait changer la donne.

Plus de la moitié des foyers québécois comprennent un animal de compagnie. Des liens d’attachement forts se tissent entre les membres d’un couple et leur animal, généralement considéré comme un membre de la famille à part entière. En se séparant d’un conjoint ou d’une conjointe, ce n’est pas le chat ou le chien que l’on veut quitter !

Pourtant, les tribunaux québécois ne semblent pas tenir compte de la complexité de la situation de l’animal de la famille ni de ses intérêts.

Qui prendra le mieux soin de l’animal ? Qui répondra à ses différents besoins ? À qui l’animal est-il le plus attaché ?

Toutes ces questions sont occultées par une seule : celle de déterminer quel membre du couple détient un titre de propriété sur l’animal.

C’est donc, en règle générale, le conjoint ou la conjointe qui a acquis l’animal, c’est-à-dire qui en a fait l’achat ou qui a signé le contrat d’adoption, qui est en droit d’en revendiquer la propriété au moment de la séparation.

En ne s’intéressant qu’au titre de propriété, cette pratique judiciaire ne tient pas compte de la sensibilité des animaux ni de leur bien-être. Or, depuis 2015, la législation québécoise reconnaît explicitement que les animaux sont des êtres doués de sensibilité et que nous avons une responsabilité collective de veiller à leur bien-être.

Contextes particuliers

Se restreindre à la question de la propriété peut aussi être délétère pour les autres membres de la famille. Par exemple, il pourrait être bénéfique pour un enfant de maintenir un lien avec l’animal de la famille, notamment en permettant que ce dernier suive l’animal dans le cadre d’une garde partagée. L’animal offre alors un point de repère et un soutien affectif dans un contexte de séparation.

Dans un autre registre, il faudrait également éviter que l’animal soit utilisé dans une dynamique de violence conjugale. On voit trop souvent des conjoints contrôlants intimider leur conjointe en menaçant ou en blessant l’animal de la famille. Si le conjoint contrôlant détient le titre de propriété sur l’animal, il devient plus difficile pour le tribunal de protéger la victime des différentes stratégies de contrôle. Le fait que ce soit le conjoint violent qui détienne le titre de propriété pourrait même dissuader des victimes de quitter une situation d’abus, de peur de ne plus jamais revoir l’animal auquel elles sont si attachées.

Tous ces problèmes pourraient trouver une solution grâce au projet de loi 56, présentement à l’étude à l’Assemblée nationale du Québec. Ce projet de loi réforme le droit de la famille, principalement en modifiant le traitement des biens utilisés par la famille au moment de la séparation. Il offre le parfait véhicule législatif pour repenser le traitement de l’animal de la famille en cas de séparation.

À notre avis, les parlementaires devraient y ajouter une disposition qui permet aux juges d’attribuer la propriété de l’animal en tenant compte de sa sensibilité, de ses intérêts et de façon à assurer son bien-être.

Le Québec ferait alors partie d’un mouvement législatif qui prend de plus en plus d’ampleur en Occident. Nous pensons notamment à la Colombie-Britannique, la Suisse, l’Espagne, l’Alaska, la Californie, l’Illinois, le Maine, le New Hampshire et New York qui prévoient explicitement dans leurs lois des dispositions concernant la propriété ou la garde d’un animal en contexte de séparation conjugale.

Le Québec est mûr pour se joindre à ce mouvement en faveur du bien-être animal. Nos parlementaires vont-ils et elles en saisir l’occasion ?

1. Lisez l’article académique « L’animal de la famille : un sujet sensible » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue