Après avoir conçu une pièce de théâtre documentaire sur Hydro-Québec, Christine Beaulieu se penche depuis un moment sur le sort… des saumons ! Elle souhaite nous inspirer, oui, mais surtout pas nous faire la morale, a-t-elle expliqué à notre chroniqueur.

Saviez-vous que Christine Beaulieu a conçu la suite de sa célèbre pièce de théâtre documentaire J’aime Hydro ?

Oui, bon, OK, pas exactement la suite. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de penser à J’aime Hydro en prenant connaissance de la teneur de sa plus récente pièce de théâtre documentaire, qui sera présentée cet été pour la première fois à Montréal, Les saumons de la Mitis.

« Je n’ai pas pensé ça comme ça. Je me suis laissée guider par ce qui m’a touchée, par ce qui m’a intéressée », explique la créatrice quand je prononce le mot « suite ».

« Mais oui, nécessairement, c’est la même personne qui écrit. C’est moi. Alors je pense qu’il y a plein de liens à faire dans le ton, l’approche et les réflexions, ajoute-t-elle.

Encore une fois, il y a une réflexion sur notre posture par rapport à la nature.

Christine Beaulieu

Dans cette nouvelle pièce, qui se veut un spectacle familial, elle raconte essentiellement « l’impressionnant parcours » des saumons de la Mitis, une rivière du Bas-Saint-Laurent. Et elle nous parle de l’évènement qui, au siècle dernier, a failli provoquer leur disparition : la construction de deux… centrales hydroélectriques.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

La rivière Mitis est l’une des 22 rivières à saumon de la Gaspésie.

Les barrages, érigés dans les années  1920 et 1940, ont bloqué l’accès au territoire que les saumons utilisaient pour se reproduire. Pour les sauver, depuis les années 1960, on les transporte par camion dans une partie de la même rivière qui se trouve au-delà des centrales (qui ne fonctionnent plus aujourd’hui).

De quoi se demander si J’aime Hydro et Les saumons de la Mitis ont été rédigées avec le même objectif.

Une question à laquelle Christine Beaulieu répond par la négative. Car pour elle, la notion d’« objectif » n’est pas au cœur du processus créatif.

Elle est avant tout « entraînée dans une quête », dit-elle.

Habitée par une histoire à raconter.

N’empêche que rétrospectivement, ce qui lui va droit au cœur, dans la foulée de J’aime Hydro, c’est lorsque des spectateurs lui font savoir que la pièce a eu un impact dans leur vie.

« C’est quand les gens me disent : “maintenant, quand j’allume la lumière, je pense à la rivière”. Je pense avoir réussi quelque chose quand quelqu’un me dit ça. Parce qu’il faut se rendre compte que les choses ne viennent pas de nulle part. Qu’on fait la vie dure à la nature pour notre confort, pour notre existence, notre espèce. Comme si on était le boutte de la marde ! »

Même si elle n’a pas d’objectif prédéterminé en tant que créatrice, elle dit souhaiter que ses pièces soient inspirantes. Et quand nous abordons ce sujet, elle admet avoir un faible pour les œuvres d’art qui modifient sa perspective.

« J’aime quand les expressions artistiques – que ce soit la peinture, le théâtre, la télé, le cinéma – transforment ma propre vision du monde. J’aime quand je suis face à quelque chose qui, après, reste avec moi dans ma vie. Transforme ma façon de voir les choses, ma façon de vouloir mener ma vie, ce à quoi j’ai envie d’accorder de l’attention. »

Tant J’aime Hydro que Les saumons de la Mitis sont des œuvres inspirantes. Dans l’une comme dans l’autre, on trouve une invitation à changer notre rapport à la nature.

Pourtant, encore là, Christine Beaulieu met un bémol quand je lui dis penser que cette idée précise est, de toute évidence, centrale aux deux pièces.

Son but n’est pas de changer le rapport à la nature des spectateurs. Du moins, pas de façon explicite.

Être moralisatrice n’est pas dans son ADN, précise-t-elle.

« Si ça leur fait ça, chacun à leur façon, absolument. Mais ma mère ne m’a jamais fait la morale. Ce qui fait que je n’ai pas d’indications [à donner] sur comment vous devez mener votre vie après avoir vu mon spectacle », dit-elle.

« J’ai confiance en l’intelligence des gens. Confiance que ce qui m’a touchée en créant ce truc-là va les rejoindre quelque part, ajoute l’autrice. C’est pour ça que c’est important de créer. Parce qu’on est des bêtes influençables, nous, les humains. Tu envoies quelque chose dans l’univers, ça touche quelqu’un, ça se passe à l’autre… Quelqu’un prête le livre à l’autre, invite quelqu’un au spectacle… On participe à la conversation en créant quelque chose. »

Christine Beaulieu a créé sa pièce sur les saumons de la Mitis en 2021, après avoir été invitée par l’architecte Pierre Thibault à présenter cette année-là une œuvre théâtrale aux Jardins de Métis.

PHOTO JEAN-FRANÇOIS BÉRUBÉ, FOURNIE PAR CHRISTINE BEAULIEU

Christine Beaulieu lors d’une représentation de sa pièce Les saumons de la Mitis aux Jardins de Métis, en 2021

La pièce a été jouée au même endroit en 2022 et le sera de nouveau cette année, jusqu’au 6 juillet, avant des représentations à Montréal et à Ferme-Neuve.

De cette pièce a été tiré un livre, illustré par Caroline Lavergne, publié l’automne dernier.

Tout ça a contribué à modifier son rapport avec la nature. À lui faire prendre conscience de la place privilégiée occupée par l’humain sur Terre.

Exemple : elle peut écrire une pièce sur les saumons, mais l’inverse est impossible.

« On peut être conscient que telle espèce est en danger et on peut agir pour aider », lance-t-elle.

« On dirait qu’en faisant Les saumons de la Mitis, cette réalisation m’a frappée très, très fort. On est la seule espèce sur Terre avec cette capacité-là. Ça vient donc avec une responsabilité d’être empathique, d’être sensible et d’agir pour les autres espèces. »

Et d’ajouter : « Si on ne prend pas cette responsabilité à cœur, si on ne se rend pas compte de notre rôle, on est dans l’erreur. On va le regretter. »

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue

L’horaire de la pièce Les saumons de la Mitis