L’auteur s’adresse à France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation.

Madame la Ministre,

Pour tout vous dire, j’avais envisagé de répondre à votre ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, qui a déposé tout récemment son Plan d’action gouvernemental pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Si c’est plutôt à vous que j’ai décidé de m’adresser, c’est que le logement demeure le plus grand multiplicateur de la vulnérabilité sur l’ensemble du territoire québécois, et plus particulièrement dans le Grand Montréal.

Depuis plus de deux ans, c’est de façon plus soutenue que Centraide du Grand Montréal prend la parole sur le logement. La raison, fort simple, est que nous voyons l’impact de la crise du logement tous les jours : itinérance, problèmes de santé mentale, isolement, insécurité alimentaire. Tout pointe vers le logement inabordable, qui fait que trop de nos concitoyens ont de la difficulté à joindre les deux bouts.

Il y a plusieurs raisons pour expliquer la crise actuelle. Je vous rassure tout de suite, je ne crois pas que ce soit vous qui en soyez seule responsable, pas plus que le secteur privé ou tout autre acteur immobilier. Nous sommes devant une situation qui mijote – pour ne pas dire bouillonne – depuis plus de 30 ans, époque où le financement des gouvernements a commencé à décliner.

Le 1er juillet vient de passer, mais nous aurions pu écrire les titres des journaux à l’avance, comme nous pourrions écrire ceux des trois prochaines années, tant la crise est profonde.

La situation est dramatique pour les personnes seules, qui n’ont toujours pas trouvé de toit ou qui se demandent où elles vont couper dans leur budget pour absorber l’augmentation du loyer en vigueur depuis lundi. La situation est tout aussi préoccupante pour les organismes communautaires qui œuvrent afin d’atténuer cette crise.

C’est trop de pression supplémentaire sur des épaules déjà largement sollicitées. Nous devons trouver des solutions à court comme à long terme.

Des exemples inspirants

Mon propos, d’ailleurs, est tourné vers l’avenir.

Vous n’êtes pas seule, Madame la Ministre. Il semble que les acteurs de la société civile québécoise ont décidé de faire ce qu’ils font de mieux : se rassembler et innover.

La crise du logement occupe tellement d’espace dans les médias que la société civile au complet est sensibilisée et veut passer à l’action. De la même façon que le GALOPH (Groupe d’accélération pour l’optimisation du projet de l’Hippodrome) a été en mesure d’identifier en 11 mois des solutions pour un site laissé pour compte pendant des années, plusieurs acteurs trépignent d’impatience à l’idée de se joindre à l’effort.

La semaine dernière, j’ai participé à une émission balado de l’Association de la construction du Québec qui portait sur la construction de logements sociaux et abordables. On m’a entre autres demandé si j’estimais qu’il fallait seulement construire des logements sociaux au cours des prochaines années. Ma réponse : non !

Il faut penser à une mixité des développements urbains avec condos, logements sociaux abordables et espaces commerciaux. La réponse aux enjeux sociaux complexes n’est jamais dans l’absolutisme, mais toujours dans les nuances et la collaboration.

Le 19 juin dernier, dans les pages de ce journal, le Groupe des 21 vous interpellait1 afin de contribuer à la concertation requise pour s’attaquer à la crise du logement. La liste des signataires est impressionnante : des groupes d’intérêt de promoteurs et propriétaires immobiliers privés, des villes, des organismes en logement social, abordable et étudiant, des chambres de commerce et de développement urbain, un organisme qui défend les droits des propriétaires et un autre qui est le promoteur d’un registre des loyers. Il faut le faire, quand même !

Ce regroupement est plus qu’encourageant, il est inspirant. Nous ne sommes pas dans la division, mais plutôt dans la reconnaissance que pour s’attaquer à cet enjeu qu’est la crise du logement, tout le monde devra adopter une posture de collaboration, laisser ses intérêts corporatistes au vestiaire et travailler au bénéfice du bien commun.

Je ne veux pas paraître jovialiste ni faire preuve d’aveuglement volontaire. Admettez tout de même que nous sommes ailleurs depuis quelque temps : moins de tirage de couverture, plus de tirage vers le haut.

Une grande partie de la réponse à la crise du logement se trouvera dans le financement de différentes initiatives. Votre gouvernement y est bien engagé, que ce soit en subventions pour la construction ou dans le cadre du programme de soutien au logement. Maintenant, n’est-il pas temps de regarder le financement de ces projets en voyant comment nous pouvons créer de la valeur pour l’ensemble de la société québécoise ? De voir comment des projets financés à Montréal pourraient contribuer à financer des projets à Gaspé ? De créer une spirale de réinvestissement ? Je suis certain que le gouvernement québécois dispose des ressources nécessaires pour procéder à ces analyses.

Cette semaine marque ma troisième année à Centraide du Grand Montréal, et une chose est certaine : nous avons atteint un niveau de mobilisation autour de la question du logement que vous devez absolument contribuer à propulser.

Madame la Ministre, les acteurs de la société civile n’attendent que votre signal pour accélérer leurs actions.

1. Lisez le texte d’opinion « Crise de l’habitation : mettre fin au travail en silo » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue