Êtes-vous prêt ? On assistera peut-être, ce jeudi soir, aux « 90 minutes les plus importantes » de la « saison électorale » aux États-Unis.

C’est l’ancien stratège de George W. Bush, Karl Rove, qui a récemment décrit ainsi le premier des deux débats entre Donald Trump et Joe Biden.

« Cette élection peut rester serrée jusqu’à la fin, mais si quelque chose peut placer un candidat solidement en tête », c’est ce débat, a affirmé l’expert.

Ce n’est pas impossible.

Mais lequel des deux politiciens serait le mieux placé pour tirer profit du débat ? Et comment ?

J’ai joint le professeur Bernard Motulsky au département de communication sociale et publique de l’UQAM pour en discuter. Nous avons convenu de visionner tous les deux, au préalable, les débats qui ont opposé Donald Trump et Joe Biden en 2020.

J’avais écrit à l’époque, au sujet du premier débat, que « jamais un duel entre un président américain et son rival n’avait autant ressemblé à un combat de lutte dans la boue ».

Quatre ans plus tard, ça demeure flagrant.

Mais il est également évident que, des deux candidats, c’est Joe Biden qui avait l’air le plus présidentiel, et de loin – même s’il a parfois répliqué brutalement aux attaques de Donald Trump, allant jusqu’à le traiter de clown.

Bernard Motulsky fait le même constat. « On a d’un côté quelqu’un qui gesticule, qui est fâché, qui est sanguin, même dans la couleur de sa peau », dit-il au sujet de la performance de Donald Trump en 2020.

« Et de l’autre, on a quelqu’un qui est presque une statue de cire, qui ne part pas dans tous les sens, donc il a une allure plus présidentielle. Et quand il présente un dossier, il le maîtrise », ajoute l’expert.

À l’époque, des sondages effectués à l’issue de chacun des débats avaient donné Joe Biden gagnant.

« Ce qui m’a frappé, c’est qu’il répondait souvent : voici ce qu’il faut faire, un, deux, trois. Il sortait trois ou quatre éléments. C’est un parlementaire d’expérience, donc il sait débattre. Il sait qu’il ne faut pas tomber dans les pièges de l’autre qui l’agresse », fait remarquer Bernard Motulsky.

Joe Biden avait donc trouvé une formule gagnante. Tout porte à croire qu’il tentera d’utiliser la même cette année.

« Son défi, c’est de garder ses idées claires, structurées, articulées. »

Je me permets de renchérir : il avait réussi à prouver, lors des deux affrontements avec Donald Trump en 2020, qu’il était encore vif d’esprit et dynamique.

Il doit à tout prix être tout aussi fougueux et fringant ce jeudi. Comme lors de son discours sur l’état de l’Union, en mars dernier.

Les stratèges de Donald Trump, pour leur part, doivent plutôt tenter de convaincre leur candidat de ne pas reproduire ses performances de 2020. Tout particulièrement celle du premier débat, où il interrompait constamment Joe Biden à un point tel que l’animateur, Chris Wallace, a dû le réprimander plus d’une fois. C’était gênant.

Bernard Motulsky estime que Donald Trump pourra « marquer des points s’il a un comportement moins agressif, s’il écoute et s’il donne des réponses, mais des réponses qui ne sont pas uniquement des attaques ». Et s’il évite de faire des déclarations du genre : « Depuis Abraham Lincoln, il n’y a aucun autre président qui en a fait autant que moi pour les Noirs aux États-Unis. »

Ne perdons pas de vue par ailleurs que le contexte, cette année, est totalement différent. Il va rendre, à mon avis, la tâche plus facile à Donald Trump.

En 2020, il était à la Maison-Blanche et il avait un bilan à défendre. Non seulement il avait géré le pays de façon chaotique dès son arrivée au pouvoir, mais la COVID-19 faisait encore des ravages aux États-Unis. Il était extrêmement vulnérable.

Joe Biden en avait profité.

Lors du premier débat, il avait souligné que Donald Trump serait le premier président « à avoir moins d’emplois à la fin qu’au début de son mandat ».

Dans le second débat, alors qu’il était attaqué au sujet des allégations de corruption contre son fils, Hunter Biden, le candidat démocrate s’était tourné vers la caméra pour parler aux Américains dans le blanc des yeux.

« Il ne s’agit pas de ma famille ou de la sienne, il s’agit de votre famille et elle souffre beaucoup. Si vous êtes une famille de la classe moyenne, vous souffrez beaucoup en ce moment », avait-il dit.

Or, cette année, c’est lui qui est au pouvoir. C’est son bilan qui sera examiné et critiqué lors des débats.

De l’avis de plusieurs observateurs, ce bilan est relativement bon. Mais le président a beaucoup de mal à le défendre, par-dessus tout en raison de l’effet de l’inflation sur le portefeuille des Américains.

« Les rôles ont changé », constate Bernard Motulsky.

Ils se sont inversés… mais pas complètement. Car Donald Trump a déjà passé quatre ans à la Maison-Blanche et les Américains, dans certains cas, en paient encore le prix. Le sort réservé au droit à l’avortement est l’un des exemples les plus éloquents et Joe Biden va certainement le souligner avec insistance.

Sans compter que le candidat républicain est désormais le premier ex-président à avoir été reconnu coupable d’un acte criminel.

Bref, le nombre de sujets explosifs au menu tout comme la nature même des deux candidats sont en effet susceptibles de transformer l’un ou l’autre des débats présidentiels en évènement marquant. Quiconque se soucie du sort de nos puissants voisins aurait tout avantage à s’en préoccuper.

Le premier des deux débats présidentiels entre Joe Biden et Donald Trump aura lieu le jeudi 27 juin à 21 h ; il se déroulera à Atlanta, dans les studios du réseau CNN.

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