Après de longs travaux de rénovation, l’hôtel de ville de Montréal rouvre enfin ses portes. Et les Montréalais auront un meilleur accès à ce lieu de pouvoir. Notre chroniqueuse l’a visité en avant-première.

Les portes de l’hôtel de ville seront ouvertes au public ce samedi, et si j’étais vous, je me précipiterais pour aller admirer le résultat des travaux de rénovation et de restauration.

J’ai visité les lieux plus tôt cette semaine et franchement, c’est magnifique.

On a redonné au lieu son cachet d’origine.

Je devrais préciser : son cachet des années 1920, car l’hôtel de ville original, construit entre 1872 et 1878 selon les plans des architectes Perrault et Hutchison, a été détruit par les flammes en 1922. On l’avait reconstruit entre 1923 et 1926, puis d’autres travaux ont été effectués dans les années 1930 et au début des années 1990, pour le 350anniversaire de Montréal.

Quelques surprises

Tous ceux et celles qui ont déjà fait des rénos l’ont vécu, on ne sait jamais ce qu’on va découvrir quand on ouvre un mur ou un plafond. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’un bâtiment historique.

Visite de l’hôtel de ville de Montréal
  • Le hall d’honneur a subi une cure de jeunesse : on a restauré les boiseries et les marbres et on a percé des ouvertures de chaque côté de l’entrée principale de la salle du conseil.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Le hall d’honneur a subi une cure de jeunesse : on a restauré les boiseries et les marbres et on a percé des ouvertures de chaque côté de l’entrée principale de la salle du conseil.

  • Le plafond a été repeint dans sa couleur d’origine et on a modernisé les sources d’éclairage.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Le plafond a été repeint dans sa couleur d’origine et on a modernisé les sources d’éclairage.

  • Les boiseries et les vitraux de la salle du conseil ont été restaurés, et on a modifié les bureaux pour qu’ils soient plus ergonomiques.

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    Les boiseries et les vitraux de la salle du conseil ont été restaurés, et on a modifié les bureaux pour qu’ils soient plus ergonomiques.

  • Chaque vitrail illustre un aspect de la vie de Montréal. Ici, son patrimoine religieux.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Chaque vitrail illustre un aspect de la vie de Montréal. Ici, son patrimoine religieux.

  • Le public aura désormais accès à la terrasse où on peut admirer l’œuvre d’art public Gambit, une série de cinq sculptures de bronze et d’aluminium conçues par l’artiste Mathieu Lévesque.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Le public aura désormais accès à la terrasse où on peut admirer l’œuvre d’art public Gambit, une série de cinq sculptures de bronze et d’aluminium conçues par l’artiste Mathieu Lévesque.

  • De la terrasse, on a une vue sur le centre-ville et le mont Royal.

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    De la terrasse, on a une vue sur le centre-ville et le mont Royal.

  • De gauche à droite, l’architecte Menaud Lapointe, la conseillère de ville et membre du comité exécutif Ericka Alneus, et le maître-verrier Jeff Sheckman

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    De gauche à droite, l’architecte Menaud Lapointe, la conseillère de ville et membre du comité exécutif Ericka Alneus, et le maître-verrier Jeff Sheckman

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Parmi les « surprises » que réservaient l’hôtel de ville aux ouvriers : de la terre à l’endroit où on pensait trouver une fondation (à côté de vestiges historiques), des moulures et des plâtres d’origine camouflés par des plafonds plus modernes ainsi que des planchers d’origine en bois ou en marbre cachés sous des tapis. Sans compter le plomb et l’amiante propres à l’époque.

Les ouvriers ont passé les deux premières années et demie à travailler sur la structure extérieure, remplaçant une centaine de pierres, des corniches et certaines parties de la toiture de cuivre.

À l’intérieur, on a restauré 169 fenêtres et 105 portes, toutes en bois, ainsi que des bronzes, des grilles en fer forgé, des luminaires et des vitraux. On a également redonné aux murs et aux plafonds leur couleur d’origine.

Commencés en 2019, stoppés durant la pandémie, les travaux auront duré cinq ans, nécessité une quinzaine d’entreprises spécialisées et mobilisé pas moins de 3000 ouvriers. Facture finale : 211 millions de dollars.

Oui, c’est beaucoup d’argent. Mais ça coûte cher, rénover un bâtiment patrimonial, et l’hôtel de ville est un des édifices patrimoniaux les plus importants au Québec.

À ceux qui seraient tentés de faire des parallèles boiteux du genre « on dépense 200 millions de dollars pour l’hôtel de ville alors qu’on manque d’argent pour les transports publics », j’ai envie de dire : on peut, et on doit, faire les deux.

Oui, il faut tenir les cordons de la bourse serré au Québec. Mais on ne peut pas reprocher aux différents ordres de gouvernement de trop dépenser pour la sauvegarde du patrimoine. La plupart de nos bâtiments historiques – y compris nos églises – tombent en ruine. Réjouissons-nous de la qualité des travaux qui ont été exécutés à l’hôtel de ville de Montréal.

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Les rénovations révèlent des moulures, des planchers et des plâtres autrefois cachés par des tapis ou des faux plafonds.

L’investissement valait d’autant plus le coup qu’on en a profité pour décarboner le bâtiment à 99 %. On a entre autres remplacé le réseau de chauffage au gaz par un système électrique. Objectif : réduire la consommation d’énergie de 78 %.

Un espace plus convivial

Ce qui m’emballe le plus dans ce projet, c’est qu’on a profité de la rénovation pour revoir les accès publics à l’hôtel de ville. Non, vous ne pourrez pas entrer dans le bureau de Valérie Plante comme bon vous semble ni frapper à la porte de la responsable de la mobilité, Sophie Mauzerolle, pour vous plaindre des cônes orange.

Par contre, il sera possible de visiter certaines parties de l’hôtel de ville autrefois interdites au public. On pourra même prendre un café dans un nouvel espace au rez-de-chaussée, accessible par les entrées Vauquelin ou Gosford. Derrière le café, qui sera géré par un OBNL d’économie sociale, on trouvera un local familial avec un espace pour allaiter.

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Dans cette salle de réunion, les fenêtres de bois ont été restaurées avec un grand souci du détail.

Les commissions permanentes se dérouleront au même étage, dans la salle des Armoiries, un grand espace aux murs percés de cinq grandes ouvertures qui sont en fait les baies de la façade d’origine. Les visiteurs pourront admirer cinq photos de plantes imprimées dans d’immenses panneaux de verre, une œuvre de l’artiste Chih-Chien Wang.

La pièce de résistance

Autre nouveauté : un accès plus facile à la salle de conseil pour les citoyens qui souhaitent poser des questions ainsi que pour les gens à mobilité réduite.

Le petit couloir à droite de la salle de conseil mène à ce qui, à mon avis, est la pièce de résistance de ces rénovations : le balcon extérieur où trônait auparavant un grand chapiteau blanc visible de la rue Saint-Antoine.

La tente a disparu et, à sa place, on trouve désormais un magnifique espace vitré – la Salle du pin blanc – où pourront se tenir des évènements. La terrasse donne sur le Champ-de-Mars et la future place des Montréalaises et offre une vue unique sur le centre-ville et une portion du mont Royal. On peut y admirer l’œuvre Gambit, une série de cinq sculptures de bronze et d’aluminium conçues par l’artiste Mathieu Lévesque.

Du travail bien fait

J’ai fait la visite en compagnie de Jean Cappelli, chef de division projets corporatifs du Service de la gestion et de la planification des immeubles (SGPI), et de l’architecte Menaud Lapointe, dont la firme, Beaupré Michaud et Associés, était responsable du projet, l’une des plus importantes restaurations patrimoniales au Québec, faut-il le rappeler. « Je n’ai jamais vu un chantier avec une qualité de main-d’œuvre aussi élevée », m’a confié l’architecte.

Un des points forts de leur intervention, à mon humble avis, est d’avoir intégré la lumière naturelle chaque fois que cela était possible. Dans un édifice sombre comme l’hôtel de ville, ça fait toute une différence. J’avoue que j’envie les employés du Service du greffe qui travailleront dans un grand espace blanc baigné de lumière.

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Une attention particulière a été apportée à l’entrée de lumière naturelle dans les bureaux de l’hôtel de ville.

Participait aussi à la visite la conseillère de ville Ericka Alneus, qui est également responsable de la culture, du patrimoine de la gastronomie et de la vie nocturne.

Élue en 2021, Mme Alneus n’a encore jamais siégé dans la salle du conseil de l’hôtel de ville, sauf une fois, en… 2015 (!). Elle était alors à l’emploi d’un carrefour jeunesse-emploi et participait à une simulation dans le cadre d’une activité visant à attirer des femmes en politique municipale.

« Je suis fébrile et émue », m’a confié Mme Alneus qui venait de déménager dans son nouveau bureau. Elle se promet de descendre au nouveau café dans l’espoir de croiser des citoyens et échanger avec eux.

Il reste encore des petits détails à fignoler, mais dans l’ensemble, l’hôtel de ville est fin prêt à accueillir ses premiers visiteurs. À compter de ce samedi, ce sera au tour des Montréalais de se l’approprier.

Les élus ont parfois tendance à s’enfermer dans des forteresses (et je peux comprendre les précautions à prendre en matière de sécurité), mais cela crée une distance qui alimente la méfiance. On gagnera toujours à faire preuve de transparence, et à rapprocher les citoyens de ceux et celles qu’ils ont élus. Si ça peut mener à des échanges constructifs, tant mieux.

Profession : maître-verrier

Ce n’est pas Notre-Dame de Paris, mais quand même… La restauration de l’hôtel de ville a nécessité plusieurs corps de métier aux techniques hyperpointues : ébénistes, plâtriers, forgerons et… maîtres-verriers.

C’est Jeff Sheckman, copropriétaire du Studio du verre, rue Bonsecours, qui était chargé avec son équipe de restaurer les cinq grands vitraux de la salle du conseil de ville.

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Jeff Sheckman, copropriétaire du Studio du verre, rue Bonsecours

M. Sheckman est une référence dans le domaine.

Quand la Chapelle historique du Bon-Pasteur a brûlé l’an passé, c’est lui qui a récupéré les vitraux. Même chose quand l’église Saint-James de Hudson, construite en 1842, a été détruite par les flammes en avril dernier.

James Sheckman nous a fait visiter son studio où s’activait son équipe au beau milieu de panneaux de verre multicolores et de croquis esquissés sur de grandes feuilles de papier blanc.

« Les vitraux de l’hôtel de ville ont été réalisés par John Patrick O’Shea, qui était un des grands maîtres-verriers au Canada », m’explique-t-il.

Ces fresques composées de 5000 pièces de verre représentent cinq aspects de la vie montréalaise au début du XXe siècle : la religion, l’agriculture, les activités portuaires et industrielles, et le monde de la finance. « C’est rare qu’on travaille sur des vitraux qui ne sont pas religieux », souligne le maître-verrier qui attire mon attention sur les couleurs très vives utilisées par O’Shea à l’époque, ce qui était très rare.

James Sheckman a fait venir du verre soufflé de France pour les vitraux, et d’Allemagne pour les fenêtres. Du très bel ouvrage dont les Montréalais peuvent être fiers.

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Maggie Mackriss, membre senior de l’équipe de maîtres-verriers du studio de la rue Bonsecours

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