Il y a des chroniques inspirées par des rencontres, des évènements, des gens qui accomplissent des choses particulières. Et puis il y a des chroniques qui sortent de nos entrailles, de notre cœur, de nos sentiments. En voici une dans cette catégorie.

Dans quelques mois, je serai mamie pour la deuxième fois ! Déjà, être mamie une première fois, c’est notre vie qui change, qui se redéfinit. Je pensais que la maternité était le summum de la consécration de notre raison de vivre, mais être mamie revêt aussi beaucoup de sens. Évidemment, devenir mamie souligne deux constats : avoir été mère et avoir vieilli. C’est normal et c’est la chaîne de la vie, mais c’est aussi poser un regard différent sur notre parcours.

Être mamie, c’est accepter que la vie se poursuit à travers ce fils ou cette fille que nous avons mis au monde, que nous avons élevé, qui nous a inquiétée, nous a fait rire et pleurer, à qui nous avons donné le meilleur de nous-même, qui vole maintenant de ses propres ailes et qui devient lui-même parent.

Être mamie, ça s’apprend. Et on doit s’ajuster constamment. Le livre d’instructions est aussi flou que lorsqu’on devient mère.

C’est un rôle qu’il faut exercer dans le « ni trop près ni trop loin ». Nous ne sommes pas les parents et, dans le meilleur des cas, il y a deux parents pour prendre soin de l’enfant. Nous n’avons aucune autorité, et c’est très bien ainsi !

La mamie n’est pas la mère. Elle occupe la place que les parents voudront bien lui assigner. Elle doit accepter de se rendre vulnérable face au sens que revêt pour elle son statut, tant dans son rapport à son enfant devenu parent qu’aux émotions et sentiments réveillés par l’arrivée de ce bébé. Toute cette dynamique consciente et inconsciente est à l’œuvre et nous habite, pour le meilleur et quelquefois le plus difficile.

Si nos enfants ont des parents qui se sont séparés, ce sont souvent plusieurs grands-parents, biologiques et par alliance, qui s’émerveillent et veulent se rendre utiles. Pas évident pour un jeune couple qui jongle lui-même avec tous les aléas de la parentalité et de la disponibilité pour toute cette famille élargie.

Ce nouveau statut implique plusieurs remaniements. C’est la bassinette qui servira à garder l’enfant qui réapparaît dans une pièce, ce sont les jeux, peluches, couches et vêtements qui retrouvent une place dans la maison… et ce sont nos vieux réflexes oubliés qui reprennent du service.

Et maintenant, après un petit-fils, voici qu’une petite-fille est annoncée ! Pour moi qui ai eu deux garçons, la naissance de ce bébé revêt évidemment un sens particulier. La complexité et les plaisirs de la relation mère-fille, je n’ai pas connu cela avec un enfant. Ce sera une découverte de me regarder aller avec une fillette qui viendra certainement susciter des émotions nouvelles et qui m’invitera à explorer des zones jusqu’à maintenant non explorées de ma personnalité.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Devenir mamie signifie aussi un retour des réflexes de la maternité.

Dans ce rôle de mamie, on se dit tout de suite : quel âge auront mes petits-enfants lorsque je serai vraiment vieille ? On ne réfléchit pas à cela quand on met soi-même au monde des enfants. La vie nous paraît encore longue et nos responsabilités de mère sont accaparantes, en plus des autres défis au travail et dans notre vie sociale. Et moi de me demander, ayant plus de temps pour la réflexion : serai-je encore là dans leur vie adulte, combien de temps vais-je en profiter ?

Devenir mamie, c’est aussi réaliser qu’à travers la vie que nous avons se concrétise maintenant de nouvelles vies qui s’inscriront dans la suite de l’humanité.

Les temps sont difficiles, il y a des guerres, des massacres, des famines, une crise du logement, du climat et des surdoses, des problèmes de santé mentale, et malgré tout cela, nos enfants ont foi dans l’avenir, dans l’importance de se reproduire pour que tout ne s’arrête pas là, que la vie mérite d’être vécue malgré tout. Nos enfants se battront comme nous l’avons fait pour donner le meilleur d’eux-mêmes à leurs enfants. C’est beau, c’est fort, et cela donne vraiment l’espoir que cette planète peut être sauvée, elle qui s’est tant fait maltraiter depuis des décennies.

Comme mamie, notre rôle est celui de s’ajuster, d’être là au cas où, discrètement, quand cela est nécessaire, ou simplement pour partager des moments heureux.

Alors je remercie le destin, le ciel ou tout ce que vous voulez pour cette chance que j’ai de vivre cette expérience de mamie, en me rappelant que chaque jour est un cadeau et un privilège, pensées qui nous habitent moins lorsque nous vivons dans le tourbillon d’être parents de jeunes enfants.

C’est sûrement le fait d’être plus vieille, de travailler de moins longues heures, d’avoir calmé mes ambitions professionnelles et de regarder le plus sereinement possible vers l’avenir qui me permet de m’arrêter quelques instants pour écrire sur ce rôle et sur cette identité que plusieurs ont le bonheur de vivre, mais que malheureusement d’autres ne vivront pas, ou vivront difficilement, ou à distance. C’est un nouveau don de soi, comme celui d’être parents, mais avec une prime de sagesse et de sérénité que je souhaite à toutes les mamies.

N. B. : Il y a aussi les papis, ainsi que les mamies et papis de cœur ou d’alliance. Je n’oserais pas parler à leur place.

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