Oubliez les sempiternels « Il faut gagner l’Ontario » ou « Il faut gagner le Québec ». Qui gagne en banlieue gagne les élections fédérales. C’est la thèse que défend l’un des principaux sondeurs au pays.

« La croissance démographique canadienne a lieu dans les banlieues tout-à-l’auto. C’est là que les immigrants s’installent. Les banlieues ont une population plus jeune, davantage de naissances », a récemment écrit sur X Darrell Bricker, président-directeur d’Ipsos Public Affairs. « La clé de la victoire est désormais la banlieue tout-à-l’auto. Ceux qui gagnent sur ce terrain gagnent les élections. »

Cette grille d’analyse, qui gagne en popularité au pays, peut nous aider à comprendre certaines dynamiques politiques. Les attaques de la Coalition avenir Québec (CAQ) contre les taxes orange de Québec solidaire (QS) ont particulièrement porté aux dernières élections. Rappelons que le parti de gauche proposait de taxer les véhicules énergivores.

L’exemple du troisième lien

La semaine dernière, le chef conservateur Pierre Poilievre a annoncé qu’il n’investirait pas « une cenne d’argent fédéral dans un projet de tramway à Québec ». « Trudeau et le Bloc sont obsédés par la guerre à l’auto et ignorent les gens des banlieues et des régions », a-t-il ajouté.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef conservateur Pierre Poilievre

« Les conservateurs de gros bon sens continueront de respecter les automobilistes québécois en appuyant un troisième lien pour les voitures », a martelé M. Poilievre, à propos du controversé projet autoroutier interrives que les experts de CDPQ Infra déconseillaient au gouvernement.

Pour Gérard Beaudet, le thème du troisième lien illustre parfaitement le poids politique grandissant de la banlieue.

Le troisième lien est peut-être le meilleur exemple de ce calcul politique où, contre vents et marées, même si aucun expert n’a soutenu ce projet, on s’est quand même entêté.

Gérard Beaudet, professeur d’urbanisme de l’Université de Montréal

Sans surprise, le thème de l’auto colle à la banlieue. « Si vous vivez en banlieue, à cause de la manière dont la banlieue a été conçue, vous devez être pro-automobiles. Personne ne peut s’y déplacer sans elles. Il n’y a pas de choix. Là, on essaye d’ajouter des choix en banlieue, mais c’est un long processus très inefficace », note le professeur d’urbanisme à l’Université Queen’s David Gordon.

Le professeur Gordon résume le paysage politique canadien de cette façon : « Si les banlieues votent avec les régions rurales, alors les conservateurs l’emportent. Si les banlieues votent avec le cœur des villes, alors les libéraux l’emportent. »

De manière générale, M. Gordon pense que les « politiciens qui peuvent diviser les électeurs de la banlieue et ceux de la ville auront une majorité substantielle aux élections ».

Par exemple, il est permis de se demander si la récente querelle entre les maires des villes et le gouvernement Legault sur le financement des transports en commun ne servirait pas précisément la CAQ. Qualifier les maires et mairesses de « quêteux », est-ce une erreur ou un coup payant ?