Les changements climatiques et le déclin de la biodiversité sont deux crises intimement liées. Mais on parle plus souvent de la première au détriment de la deuxième, jugée plus complexe. Le directeur du tout nouveau centre québécois de recherche sur la biodiversité, Jérôme Dupras, résume les enjeux et propose quelques sources pour mieux comprendre les effets des activités humaines sur la nature.

Un état de la situation incontournable

PHOTO DAVID GRAY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des plongeurs nagent au-dessus de coraux blanchis et morts, près de l’île Lizard sur la Grande Barrière de corail, le 5 avril.

« Dans la plupart des régions du monde, la nature a aujourd’hui été altérée de manière significative par de multiples facteurs humains, et la grande majorité des indicateurs relatifs aux écosystèmes et à la biodiversité montrent un déclin rapide. Au total, 75 % de la surface terrestre est altérée de manière significative, 66 % des océans subissent des incidences cumulatives de plus en plus importantes et plus de 85 % de la surface des zones humides ont disparu. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Jérôme Dupras, directeur du tout nouveau centre québécois de recherche sur la biodiversité

En 2019, le constat établi par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) était sans appel, d’autant qu’on estimait alors qu’environ 1 million d’espèces étaient déjà menacées d’extinction. « L’IPBES est l’équivalent pour la biodiversité du GIEC [pour le climat], précise Jérôme Dupras. L’avant-propos [du rapport] donne un excellent aperçu de l’importance de ce travail, qui a constitué la nouvelle référence pour les années 2020 et le nouveau cadre mondial pour la biodiversité. » Le résumé pour les décideurs du rapport de l’IPBES, d’une soixantaine de pages, constitue une lecture incontournable, estime M. Dupras.

Lisez le résumé pour les décideurs préparé par l’IPBES

Une balado sur la nature

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

La balado Objectif nature s’intéresse notamment à notre rapport à la nature et à ses bienfaits sur notre santé.

« La nature est centrale à notre bien-être et à notre survie. Elle est aussi essentielle face à la double crise du climat et de la biodiversité. Les scientifiques du monde entier s’entendent sur un même constat : il faut revoir notre relation avec la nature. » D’entrée de jeu, la biologiste Kateri Monticone donne le ton à la balado Objectif nature, produite par Conservation de la nature Canada, une organisation sans but lucratif qui milite pour la protection de la biodiversité.

« C’est une excellente balado en plusieurs épisodes qui permet de mieux comprendre de multiples dimensions de la biodiversité », souligne Jérôme Dupras. Avec une quinzaine d’épisodes à ce jour, Objectif nature aborde différents enjeux touchant la biodiversité, de l’aménagement du territoire à l’incidence des milieux naturels sur la santé en passant par notre rapport à la nature et l’importance des corridors écologiques. Dans chaque épisode, l’animatrice interroge des experts québécois pour mieux comprendre le sujet à l’ordre du jour.

Écoutez les épisodes de la balado Objectif nature, également offerte sur Spotify

Redéfinir notre rapport à la nature

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Avec son rapport Climat et biodiversité : redéfinir notre rapport à la nature, le comité consultatif sur les changements climatiques souhaitait sonner l’alarme à la veille de la COP15 sur la biodiversité, qui s’est tenue à Montréal en décembre 2022.

« Le Comité est d’avis que le Québec doit considérer la crise de la biodiversité selon les mêmes niveaux d’urgence et d’attention que ceux qui sont accordés à la crise climatique. Ces deux crises sont intrinsèquement liées : les changements climatiques dégradent la biodiversité, les écosystèmes et les services qu’ils rendent, induisant d’importants dommages et pertes, alors même que le maintien d’écosystèmes fonctionnels et diversifiés est essentiel pour préserver leur rôle dans la séquestration des gaz à effet de serre. »

Le comité en question est le comité consultatif sur les changements climatiques, qui conseille le ministre québécois de l’Environnement sur les questions relatives au climat. En novembre 2022, le groupe d’experts, dont fait partie Jérôme Dupras, a publié un rapport intitulé Climat et biodiversité : redéfinir notre rapport à la nature. Le comité disait vouloir sonner l’alarme à la veille de la COP15 sur la biodiversité qui s’est tenue à Montréal en décembre 2022. « C’est un rapport qui met en évidence les liens entre changements climatiques et biodiversité à l’échelle du Québec », indique le chercheur, qui est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique.

Consultez le rapport

Les effets de la nature sur la santé humaine

PHOTO ALY SONG, ARCHIVES REUTERS

La destruction de la nature est une source de pandémies, comme celle de la COVID-19.

On sous-estime trop souvent l’importance de la biodiversité pour la santé humaine. Par exemple, 70 % des médicaments utilisés pour traiter les cancers sont faits à partir de produits naturels ou à partir de produits de synthèse inspirés par la nature, souligne l’IPBES. À l’inverse, la destruction de la nature peut entraîner l’apparition de maladies. Jérôme Dupras suggère ici la lecture de l’ouvrage La fabrique des pandémies, de Marie-Monique Robin et Serge Morand, « un livre intéressant pour comprendre les liens entre santé des écosystèmes et santé humaine », fait-il remarquer. L’essai s’intéresse aux conséquences de la déforestation, de l’urbanisation, de l’agriculture industrielle et de la mondialisation sur la santé humaine. Son auteure, la journaliste Marie-Monique Robin, s’est notamment fait connaître pour son documentaire Le monde selon Monsanto, paru en 2008.

Qui est Jérôme Dupras ?

  • Professeur d’économie écologique à l’Université du Québec en Outaouais. Il a fait un baccalauréat en biochimie et il est titulaire d’un doctorat en géographie.
  • Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique
  • Directeur du nouveau Centre de recherche appliquée sur la biodiversité et les écosystèmes (CRABE)
  • Bassiste du groupe Les Cowboys Fringants