Des élèves qui clavardent avec Socrate dans un cours de philo. Des logiciels qui analysent les productions écrites pour fournir aux élèves un diagnostic de leurs fautes. Des lectures composées sur mesure pour des élèves en difficulté. Des concepts de niveau universitaire vulgarisés pour des enfants du secondaire. On a beaucoup parlé des dangers de l’intelligence artificielle en éducation, mais peu de ses possibles bienfaits. Qu’on le veuille ou non, elle s’apprête à investir les classes. Révolution pour les uns, catastrophe pour les autres, l’électrochoc est garanti.

L’IAssistante des profs

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Les élèves de Jonathan Laberge répondent au jeu-questionnaire produit par ChatGPT.

Pendant les vacances des Fêtes, Jonathan Laberge, qui enseigne l’anglais au secondaire, a commencé à pitonner sur ChatGPT. « Je lisais des affaires, c’était juste du négatif. Je me suis dit : “Il y a sûrement quelque chose à faire avec ça !” Alors je me suis demandé : “Mais qu’est-ce que ChatGPT pourrait faire pour moi ?” »

Jonathan Laberge a d’abord demandé au robot conversationnel d’OpenAI de lui rédiger un plan de cours à partir de thèmes qu’il lui a fournis. En quelques secondes, tout était là. Puis, il a demandé au robot de lui proposer des questions de discussion sur la série Alice in Borderland, dont les élèves avaient regardé un premier épisode.

Les questions de discussion produites étaient excellentes. Si j’avais dû faire ça moi-même, j’aurais réécouté l’épisode, pensé à des questions, ça m’aurait pris une bonne heure. Là, ça m’a pris 30 secondes.

Jonathan Laberge, professeur d’anglais au secondaire

ChatGPT a aussi été en mesure de produire aisément les questions d’un jeu-questionnaire, ensuite projetées sur un écran en classe et auxquelles les élèves ont répondu en utilisant leur ordinateur. Les questions étaient très bien conçues. Sauf deux, qui contenaient des inexactitudes.

« Certaines questions n’étaient pas pertinentes. Ça prend clairement une tête enseignante pour juger si c’est exact ou pas. Le robot fait parfois des erreurs, et il faut connaître la matière pour les déceler. »

Concevoir un jeu de type post-apocalyptique où les élèves doivent discuter entre eux – en anglais, bien sûr – des meilleurs articles à acheter pour survivre ? ChatGPT a produit la chose en quelques minutes. « Si j’avais fait ça moi-même, ça m’aurait pris des heures ! Là, j’avais 30 minutes d’activité vraiment le fun que je n’aurais jamais pu me permettre de faire normalement. »

Aide à l’évaluation

Jonathan Laberge aurait pu arrêter là ses échanges avec le robot conversationnel. L’expérience, pour lui, aurait déjà été concluante. Il a choisi de pousser la machine encore plus loin. Il a demandé à ses élèves de produire un résumé critique d’une œuvre, et à ChatGPT, de lui fournir une grille de correction.

La grille fournie par le robot était sommaire. Insatisfaisante.

C’est à ce point qu’on entre dans un autre monde : le prof d’anglais a enseigné à ChatGPT comment produire une grille de correction à son goût. Il a d’abord copié-collé une grille de correction critériée issue du ministère de l’Éducation en guise de modèle.

« Je lui ai expliqué précisément ce que je voulais. Et il l’a fait ! Tout était là ! Pour être certain, j’ai soumis ça à la conseillère pédagogique du CSSDM [centre de services scolaire de Montréal]. Elle m’a dit : “Ben voyons donc !” »

Et puis, test ultime, la machine était-elle en mesure de corriger les résumés critiques des élèves ? Jonathan Laberge a entré dans ChatGPT le texte d’un élève. À la demande du prof, la machine a souligné chacune de ses erreurs, classé les fautes par thèmes, et indiqué à l’élève la règle grammaticale qui s’appliquait. « C’est malade ! »

Note finale de ChatGPT pour le résumé critique de l’élève en question : 75 %. Note finale du prof : 82 %. « Disons qu’on n’était pas à une stratosphère de différence… » Le robot pouvait même fournir à l’élève des conseils pour améliorer la qualité de son travail. Varier les structures de phrase, donner plus d’exemples concrets dans la partie sur les forces et faiblesses de l’œuvre…

En l’espace de deux mois, Jonathan Laberge est donc passé d’un enseignant qui se demandait ce que ChatGPT pouvait faire pour lui à un prof qui a planifié, « en un claquement de doigts », les activités de tout le mois de février dans ses classes d’anglais en collaboration avec le robot d’OpenAI.

« La réponse à ma question de départ, c’est qu’il n’y a pas grand-chose qu’il ne peut pas faire ! »

Ce qu’y gagne le prof, c’est du temps, témoigne l’enseignant. « Le temps qu’on peut gagner, c’est phénoménal. C’est un assistant personnel qui ne grogne pas dans ton dos à la machine à café ! », dit-il en riant.

C’est l’équivalent de deux têtes pensantes pour planifier.

Jonathan Laberge, professeur d’anglais au secondaire

Et pendant qu’il n’est pas occupé à corriger, planifier, imaginer comment stimuler ses élèves, le prof peut se consacrer… à l’enseignement.

Aide à la création

Annie Dumay, conseillère pédagogique en technologie au CSSDM, croit que l’intelligence artificielle va s’imposer comme assistant pour les profs. Les logiciels leur permettront de produire des contenus spécialisés et originaux qui vont bien au-delà des manuels.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Annie Dumay, conseillère pédagogique en technologie au centre de services scolaire de Montréal (CSSDM)

Quand les enseignants vont voir le gain de temps, la richesse des activités qu’ils vont pouvoir proposer, ils vont être enthousiastes. Mais pour ça, il faut l’utiliser, et apprendre à lui parler.

Annie Dumay, conseillère pédagogique en technologie au CSSDM

Philippe, un collègue de Mme Dumay, en a fait l’expérience toute personnelle après les Fêtes. Sur la suggestion de la conseillère pédagogique, il a utilisé ChatGPT pour créer des lectures sur mesure pour son fils Maxence. Le petit a 10 ans, mais, atteint de dyslexie, il commence à peine à lire. Il doit s’exercer… mais les contenus des textes d’apprentissage de la lecture, trop « bébés », ne l’intéressent pas.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

En compagnie de sa mère, Maxence s’exerce à la lecture grâce à une histoire produite avec l’aide de ChatGPT.

« Son enseignante disait qu’il avait un problème de motivation. On s’est demandé ce qu’on pouvait faire pour lui », relate-t-il. Le père a eu l’idée d’utiliser les figurines Playmobil qui font partie d’un rituel familial quotidien. « Il est extrêmement créatif avec ses bonhommes Playmobil. »

Comme Jonathan Laberge, Philippe a commencé à pitonner sur ChatGPT. Il a imprimé une première histoire. « Et c’est là que mon fils a dit : “Est-ce que le policier dans l’histoire ne pourrait pas faire telle chose ?” » Et, bien sûr, c’était possible. ChatGPT a reçu de nouveaux paramètres. Le père a imprimé son œuvre, avec une police de caractère et un espacement qui conviennent aux dyslexiques. Il a même demandé au robot de produire des images pour illustrer le récit.

« En 10 minutes, j’avais un outil pédagogique de lecture pour mon garçon. Non seulement la thématique l’intéressait, mais il a contribué aux péripéties des personnages. » La première fin de semaine, Maxence a lu plus que durant toute sa vie, témoigne le père. « Comme pédagogue, je me suis dit qu’il y avait là quelque chose d’extrêmement intéressant pour les élèves en difficulté, ainsi que pour les élèves en francisation, par exemple. » Philippe nous a demandé de ne pas dévoiler son nom de famille afin que son fils ne soit pas identifié.

Aide à la correction

Au Laboratoire d’innovation et de recherche pédagogique du collège Sainte-Anne, à Lachine, on planche déjà sur la classe du futur assistée par l’intelligence artificielle. Les trois employés qui y travaillent conçoivent actuellement un logiciel qui permettra aux enseignants de français de repérer et de classer les erreurs de leurs élèves, de produire un diagnostic et de suggérer des avenues à chaque jeune pour s’améliorer en rédaction.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Stéphane Côté, conseiller pédagogique principal, et Yannick Dupont, directeur du Laboratoire d’innovation et de recherche pédagogique, au collège Sainte-Anne

La vision ultime, c’est que les enseignants n’aient plus à faire la première correction. Que l’ordinateur corrige les copies, qu’il collecte les données pour dire à l’élève quelles sont ses forces, ses faiblesses, en grammaire, en orthographe, qu’on lui fournisse son profil d’écriture avec une rétroaction très rapide.

Yannick Dupont, directeur du Laboratoire d’innovation et de recherche pédagogique du collège Sainte-Anne

« Et les données probantes nous montrent que plus le temps de rétroaction est rapide, plus les améliorations sont notables. Or, les profs, et ce n’est pas leur faute, peuvent prendre des semaines à corriger des copies », explique Yannick Dupont, qui dirige le laboratoire.

« Ce serait un gain de temps incroyable, fait valoir le directeur du collège Sainte-Anne, Ugo Cavenaghi. Ce n’est pas fait : on est au stade de la recherche. Mais si l’enseignant passe moins de temps à corriger, il aura plus de temps pour enseigner. On y croit : on a sorti un prof de français d’une classe cette année pour le faire travailler là-dessus. »

Déjà, le logiciel a été alimenté avec une dizaine de productions écrites d’élèves. « On peut savoir que derrière le B+ obtenu par tel élève, c’est sur tel ou tel point qu’il fait ses fautes, souligne M. Dupont. C’est très difficile de suivre d’aussi près 120 élèves pour 32 critères sur un cycle scolaire. »

« En fait, ajoute-t-il, c’est humainement impossible. »

Une véritable révolution

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Dave Anctil, professeur de philosophie au collège Jean-de-Brébeuf et chercheur affilié à l’Observatoire international sur les impacts de l’intelligence artificielle et du numérique

« En éducation, l’arrivée de l’IA sera aussi déstabilisante que l’arrivée de l’internet dans les domiciles. »

Dave Anctil sait de quoi il parle. Ce professeur de philosophie au collège Jean-de-Brébeuf est chercheur affilié à l’Observatoire international sur les impacts de l’intelligence artificielle et du numérique. Pour lui, il est évident que l’IA va complètement changer la donne en éducation.

« Une quantité hallucinante de nouveaux outils vont être disponibles, qui vont permettre de rendre la matière vivante, d’étudier d’une autre façon, explique-t-il. C’est carrément une révolution, et ça fait longtemps que je la vois venir. »

Un exemple ? Un étudiant pourrait utiliser un agent conversationnel pour « jaser avec Socrate », afin de réviser la matière pour un examen. « Ça va rassurer les étudiants : ils vont pouvoir poser leurs questions, qu’ils n’oseraient peut-être pas poser en classe parce qu’ils ont peur d’avoir l’air ridicules. Ça va les stimuler. »

Les jeunes vont également pouvoir avoir accès à des concepts et à de la matière beaucoup plus avancés que leur niveau scolaire grâce à la capacité de vulgarisation de l’IA.

Un robot comme ChatGPT vulgarise l’information technique ou médicale qu’autrement, nous ne pourrions jamais comprendre. Ils sont vraiment bons pour vulgariser, pour nous aider à comprendre. Mais au bout du compte, le prof doit garder les buts. Le robot a-t-il fait une erreur ? Est-ce que c’est de la bullshit ?

Dave Anctil, professeur de philosophie au collège Jean-de-Brébeuf et chercheur affilié à l’Observatoire international sur les impacts de l’intelligence artificielle et du numérique

Car oui, les robots conversationnels déclament parfois des foutaises. Les élèves devront donc rester alertes avant d’utiliser ces informations. « Il faut qu’on forme les étudiants à la techno à l’école, il faut développer la pensée computationnelle, la pensée critique face à ça. Il va falloir apprendre à être critique, à contre-vérifier », souligne Patrick Giroux, professeur de technologies éducatives à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

Les robots ont aussi des biais : ChatGPT, par exemple, est plutôt eurocentriste, souligne M. Giroux. « D’un point de vue africain, par exemple, il manque tout un volet de l’histoire. » Les élèves devront apprendre à repérer ces biais et à les contourner.

On devra aussi former les jeunes à interagir avec les machines : plus que jamais, l’art de la question posée sera crucial pour obtenir une bonne réponse. « C’est tout l’art de la ligne de commande. »

Tout récemment, Open AI a sorti la version 4 de ChatGPT, aux possibilités encore plus grandes. D’autres géants du numérique ont également présenté leur propre robot conversationnel : Bard pour Google et Bing pour Microsoft.

Des têtes bien faites plutôt que bien pleines

Le changement en éducation sera profond, prévoit aussi M. Giroux. « L’école aurait dû réaliser que le savoir déclaratif – en quelle année la Constitution a été signée, en quelle année Jacques Cartier a découvert le Canada –, on ne devrait plus évaluer ça depuis l’apparition de Google. Si c’est googlable, ça ne devrait pas être dans l’examen. Ces informations sont dans toutes les poches et on peut les trouver en 30 secondes. »

Avant, valoriser la connaissance, ça avait du sens. En 2023, plus autant. Plus que jamais, on veut des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines. Il faut favoriser les tâches complexes. Analyser, créer, comparer… Ça n’a jamais été si important qu’aujourd’hui !

Patrick Giroux, professeur de technologies éducatives à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

Les tâches réalisées en classe et à la maison risquent également de subir une transformation, croit Dave Anctil. « En gros, il faut faire lire à la maison, et exécuter en classe. » C’est le modèle de la classe inversée : les élèves absorbent la théorie à la maison, et la pratique et les évaluations se font en classe.

Oui, ce sera déstabilisant pour les profs, reconnaît M. Anctil. Mais ils réaliseront rapidement à quel point l’IA peut leur faire gagner du temps en les épaulant dans des tâches autres que l’enseignement proprement dit. Pour lui comme pour les autres experts, il est évident que les enseignants continuent de jouer un rôle crucial dans les classes.

« Les profs doivent avoir la latitude pour choisir quand la technologie est pertinente et de quelle façon. La question qu’il faut se poser, c’est : est-ce que ça va nuire aux compétences plutôt que de les développer ? Si ça nuit, l’IA est contre-productive », souligne Simon Collin, titulaire de la Chaire de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante, et professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Et c’est pourquoi un établissement comme le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) a choisi de ne pas interdire l’utilisation de ChatGPT. « Plutôt que de proscrire l’utilisation d’agents conversationnels comme ChatGPT, nous devons réfléchir à une utilisation comme outils d’apprentissage », précise l’avis transmis à toutes les directions en février.

Notre rôle, c’est d’aider les enseignants à enseigner avec des outils numériques. Et de faire de l’éducation au numérique.

Annie Dumay, conseillère pédagogique en technologie au CSSDM

« On ne pourra pas interdire l’IA. Ce serait comme interdire l’internet : c’est impossible. C’est une bataille perdue d’avance. L’ordi, on s’en sert comme outil, on se sert de l’internet de façon intelligente : c’est le dictionnaire ou le Bescherelle du monde moderne. Ce n’est pas la techno pour la technologie, c’est la façon dont on l’utilise », plaide Ugo Cavenaghi, directeur du collège Sainte-Anne, un établissement où les élèves sont équipés d’ordinateurs portables depuis 15 ans.

Dans le réseau public, les profs ont été poussés à se mettre à jour en matière technologique avec la pandémie, observe Mme Dumay. « On a avancé de 10 ans pendant la pandémie. Les enseignants n’avaient pas le choix d’apprendre à utiliser les outils numériques. Et après le retour en classe, ils ont continué à utiliser plusieurs de ces outils. »

Les profs sont-ils prêts pour une nouvelle révolution ?

En tout cas, il semble bien qu’elle arrive.

ChatGPT, la pointe de l’iceberg

PHOTOS GETTY IMAGES / PHOTOMONTAGE LA PRESSE

ChatGPT n’est que la pointe de l’iceberg. Les applications d’intelligence artificielle qui pourraient servir aux profs et aux élèves se multiplient. En voici quelques exemples, déjà disponibles ou prochainement accessibles, suggestions de l’enseignant Dave Anctil, ainsi que d’un site québécois consacré au numérique en éducation, Thot Cursus.

Lecture

Reading Progress

Une IA destinée à l’apprentissage de la lecture. Les élèves lisent un texte à voix haute et transfèrent l’enregistrement à l’enseignant. L’appli peut analyser les progrès de l’élève. Accessible en français par Microsoft Teams, gratuitement.

Consultez le site de Microsoft

Tuteurs virtuels

ProfessorBob.ai et Ecree

Des tuteurs personnalisés en mode IA. À partir de manuels, ProfessorBob.ai peut générer des milliers d’exercices et d’activités. Il peut enseigner certaines notions aux élèves, les faire réviser, répondre à leurs questions. Version française offerte. Quant à Ecree, « c’est l’un des innombrables agents-tuteurs créés pour le monde universitaire anglophone et visant les personnes qui n’ont pas d’argent (et donc moins de temps) pour se perfectionner, contribuant ainsi à l’égalité des chances », souligne Dave Anctil. L’appli peut même aider l’élève à mieux planifier son travail scolaire en interagissant avec son agenda.

Consultez le site de ProfessorBob.ai Consultez le site d’Ecree (en anglais)

Rédaction

CoAuthor

Un modèle langagier à la ChatGPT. « Sa particularité est de ne pas faire le travail à la place du rédacteur, mais bien d’augmenter ses capacités rédactionnelles en anglais, en l’accompagnant, en le soutenant de manière continue dans son travail », souligne Dave Anctil, pour qui cette appli est un excellent exemple d’approche réussie en interaction humain-machine. En anglais.

Consultez le site de CoAuthor (en anglais)

Writeful

Une application qui optimise le travail de rédaction en anglais, « très utile pour les gens qui doivent écrire en anglais sans être anglophones », dit M. Anctil.

Consultez le site de Writeful (en anglais)

CamemBERT

Ce portail donne accès à un modèle langagier entraîné spécifiquement en français. « On peut lui demander de faire plein de choses : rédiger, réviser, suggérer des corrections, analyser des textes écrits par d’autres… Sa fine connaissance du français de France en fait un outil polyvalent et précis », dit M. Anctil.

Consultez le site de CamemBERT

Image

Midjourney et DALL-E 2

Ces deux applications génèrent des images à partir des commandes données par l’utilisateur, que ce soient des mots ou des styles artistiques ou photographiques.

Consultez le site de Midjourney (en anglais) Consultez la page de DALL-E 2 (en anglais)

Musique

AIVA et Mubert

Ces deux applis peuvent composer de la musique selon un style précis, parfois avec des paroles données.

Consultez le site d’AIVA (en anglais) Consultez le site de Mubert (en anglais)

Recherche

Talk to Books

L’appli répondra aux questions posées par l’utilisateur en puisant des citations dans des dizaines de milliers de livres, dont les références seront citées.

Consultez la page de Talk to Books (en anglais)

Wordtune Read et AssemblyAI

La première appli lit des documents pour l’utilisateur et lui résume le tout en quelques secondes. La seconde retranscrit et analyse du contenu audio et vidéo et les résume.

Consultez le site de Wordtune Read (en anglais) Consultez le site d’AssemblyAI (en anglais)

Présentations

Tome et Wooclap

Ces applis créent des présentations, style PowerPoint, ou racontent des histoires sur un sujet donné en générant automatiquement le texte ainsi que les images. Wooclap est davantage axée sur l’interaction avec l’auditoire.

Consultez le site de Tome (en anglais) Consultez le site de Wooclap

excelformulabot

Crée des documents Excel ou Sheets selon les instructions données par l’utilisateur.

Consultez le site d’excelformulabot

Anti-plagiat

GPT-2 Output Detector Demo et Giant Language Model Test Room

Deux outils anti-plagiat, qui permettent de vérifier si un texte a été composé… par une intelligence artificielle. Évidemment, la réponse ne vient que sous forme de probabilité.

Consultez le site de GPT-2 Output Detector Demo (en anglais) Consultez le site de Giant Language Model Test Room (en anglais)

« C’est extrêmement préoccupant »

PHOTOS GETTY IMAGES / PHOTOMONTAGE LA PRESSE

Éric Martin et Sébastien Mussi, tous deux professeurs de cégep en philosophie, sont inquiets. Et c’est palpable dans le livre qu’ils viennent de publier, Bienvenue dans la machine. Pour eux, les écrans ont envahi le secteur de l’éducation au cours des dernières années, et certainement pas pour le mieux. Courons-nous maintenant vers un désastre annoncé avec l’irruption de l’IA dans les classes ?

Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’écrire ce livre ?

Sébastien Mussi : Il y avait déjà une enflure qui était présente avant la COVID, mais qui a augmenté après la COVID sur les exigences d’enseignement à distance. Et nous, ce qu’on a vu, c’est que l’enseignement à distance, ça ne marche pas bien. Pourtant, on continue quand même. Les moyens informatiques deviennent des exigences et les écrans envahissent les salles de classe. En plus, tout cela se fait en dehors des circuits démocratiques. Ce livre est né d’un ras-le-bol par rapport à ça.

Éric Martin : Pendant la pandémie, on a passé des mois devant des écrans noirs devant des étudiants qui n’allumaient pas leur caméra, ça a été désastreux. Et pourtant, les directives gouvernementales, c’est d’augmenter la formation hybride et à distance ! Les études montrent que ça ne marche pas, que ça cause des problèmes de santé mentale, et pourtant, on continue à appuyer sur l’accélérateur.

Mais l’enseignement à distance pendant la pandémie a été un moment extrême. Est-ce qu’on continue vraiment à appuyer sur l’accélérateur ?

EM : Oui. Un bon exemple de ça, c’est l’UQAM. Avant la pandémie, il y avait une cinquantaine de cours en ligne, c’était très niché. Maintenant, il y en a 850 ! Ça ne s’est pas résorbé avec la fin de la pandémie, au contraire ! Il y a une volonté, aussi bien à l’OCDE que chez les GAFAM, d’aller de l’avant avec une société du télé-everything, où tout se fait à distance, y compris l’éducation.

SM : Le seul endroit qui semble un peu protégé, c’est le primaire et le secondaire, parce qu’on a constaté à quel point c’était catastrophique. Mais même au primaire et au secondaire, les travaux faits sur ordinateur augmentent.

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Sébastien Mussi, professeur de philosophie au cégep et coauteur du livre Bienvenue dans la machine

Or, la technologie ne conduit pas à une meilleure assimilation du contenu. Dans plusieurs cas, c’est nuisible à l’apprentissage. Nos étudiants actuellement, ils ont fait une partie de leur secondaire en ligne et on constate chez eux des lacunes effarantes.

Sébastien Mussi, professeur de philosophie au cégep et coauteur du livre Bienvenue dans la machine

Pour vous, l’arrivée de l’intelligence artificielle en éducation, c’est nécessairement négatif ?

EM : Je ne pense pas qu’on ait intérêt à laisser entre les mains des GAFAM la formation, pour que l’école et la société en général soient de plus en plus confiées à une gouvernance algorithmique. Ça ne veut pas dire que l’IA soit mauvaise en toute matière, mais parce qu’elle est développée dans une société capitaliste, elle risque fort de participer à ce phénomène de dépossession de la prise de décision.

SM : Il y a une pénurie de personnel en éducation. Donc, la technologie devient la panacée. On manque de locaux ? Enseignement à distance. On manque d’orthophonistes ? L’IA va poser des diagnostics. On est en train de remplacer des fonctions humaines par une machine. Or, ces enfants, on nous les confie et il faut en prendre soin !

Mais est-ce qu’il n’y a pas dans les technologies, que ce soit l’IA ou autre, une possibilité d’intéresser des étudiants à certains sujets ?

SM : Peut-être, si c’est une activité parmi d’autres. Mais est-ce qu’on veut remplacer l’école par ça ? C’est cela qu’on cherche. Il y a une volonté clairement exprimée, notamment à l’OCDE, que l’école passe complètement à ça, pour éventuellement remplacer la transmission humaine. Dans le fond, ce qu’on dit, c’est qu’on pourrait parfaitement se passer des profs. Le problème, il est là.

EM : Hannah Arendt disait déjà en 1961 que la ludification de l’enseignement était un problème. Il faut que ça soit amusant… alors que le bilan des passifs est tellement grand !

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Éric Martin, professeur de philosophie au cégep et coauteur du livre Bienvenue dans la machine

Ceux qui passent quatre heures par jour devant les écrans ont deux fois plus de risques de développer de l’anxiété ou de la dépression.

Éric Martin, professeur de philosophie au cégep et coauteur du livre Bienvenue dans la machine

Le côté bonbon de la ludification nous fait oublier tous les aspects négatifs. On dit toujours que les jeunes veulent du ludique, et donc qu’il faut de la technique. C’est l’argument de légitimation qui sert à faire entrer toute cette quincaillerie. C’est extrêmement préoccupant, ce qui se passe, et il y a un discours de candeur autour de ça qui n’est pas à la hauteur du drame qui se joue.

Que devrait-on faire, selon vous ?

EM : Nous, on demande un moratoire. On pense qu’on doit arrêter d’aller plus dans cette direction, avant qu’il y ait eu une réflexion sérieuse sur les aspects problématiques qui sont soulevés par plein de spécialistes. Est-ce que c’est vraiment ça qu’on veut pour nos enfants ? Il n’y a aucun débat démocratique là-dessus et on pousse vers l’avant, sous prétexte qu’on n’arrête pas le changement. Et on n’écoute jamais les profs !

SM : On le voit actuellement avec le débat sur ChatGPT. On devrait dire que ChatGPT doit s’adapter à l’école, alors que c’est plutôt le contraire qui se passe : c’est l’école qui s’adapte à ChatGPT !

EM : On nous envoie des guides sur la manière d’intégrer ChatGPT pour faire nos plans de cours. À partir du moment où on fait ça, laissons les robots donner des cours à notre place. Moi, j’ai fait 12 ans d’études, 10 ans d’enseignement, si une machine fait le plan de cours à ma place, où est-ce qu’on est ?

Donc l’IA comme assistant personnel pour les profs, vous n’y croyez pas ?

SM : Mon premier réflexe, ça serait de vous dire que j’ai beaucoup de compassion pour les profs du secondaire et du primaire, qui travaillent dans des conditions abominables, et je comprends que toute aide est la bienvenue. Si les conditions de travail étaient meilleures, on n’aurait peut-être pas besoin d’avoir recours à ça. C’est triste de s’en remettre à un processus algorithmique pour générer une création qui fait partie intégrante de l’éducation.

EM : Le métier de prof s’est construit sur la maîtrise du savoir et, ensuite, la transmission de cette autonomie. On demande maintenant aux machines de le faire à notre place ! On doit faire très attention à ne pas laisser les machines nous dessaisir de notre autonomie. Si un médecin consulte Google pour trouver un renseignement, pas de souci. Mais à partir du moment où il laisse la machine faire le diagnostic à sa place, on a un problème.

Bienvenue dans la machine

Bienvenue dans la machine

Éditions Écosociété

184 pages