Un prisonnier politique condamné à perpétuité aide ses semblables à échapper à leur sort avec le soutien d’une concierge.

Il faut avoir l’estomac bien accroché pour passer au travers de Se fondre, audacieuse proposition de Simon Lavoie, sans doute sa plus radicale depuis Laurentie, drame sur la crise identitaire d’un jeune francophone écrit et réalisé avec Mathieu Denis. À moins d’être friand, et encore, de l’horreur corporelle à la Cronenberg.

Campé dans un avenir rapproché, Se fondre présente un Québec s’étant fondu dans le Canada, où l’on parle un anglais plus près d’une novlangue orwellienne que de celui de Shakespeare. Refusant que cette langue contamine notre cinéma, tout ce qui est dit en anglais, à l’exception d’une phrase, apparaît sur des cartons comme au temps du muet. L’effet se révèle plutôt cocasse, puis redondant.

Dans une prison décrépite, Matricule 973 (Jean-François Casabonne, totalement investi dans son rôle) purge une peine à perpétuité en raison de ses idées nationalistes. Avec la complicité d’une technicienne de surface (Monique Gosselin), l’homme partage avec d’autres prisonniers politiques (Louise Laprade, Guy Thauvette, Luc Morissette, Fayolle Jean et Pierre Curzi) un ver solitaire géant, ce qui a pour effet de les faire mourir un à un.

Porteur de la mémoire des martyrs québécois, Matricule 973 obtient d’un juge (Jean Marchand) une libération conditionnelle. Débarquent alors la cheffe de la résistance (Pascale Bussières) et son bras droit (Sébastien Ricard).

Filmé en format 16 mm, le cinéaste ayant en horreur l’esthétique homogène des plateformes numériques, Se fondre possède de grandes qualités. L’aspect granuleux de la photo de Simran Dewan, qui avait signé les sublimes images noir et blanc de Nulle trace, précédent film de Simon Lavoie, confère à l’ensemble l’aspect d’un documentaire qu’on aurait oublié dans un dépôt depuis les années 1970.

Tourné dans la même prison que Les ordres, de Michel Brault, Se fondre véhicule la mémoire des drames carcéraux de Pierre Falardeau (Le party, 15 février 1839), dont l’esprit hante littéralement le film. Simon Lavoie se permet même un hommage bien senti à Pour la suite du monde, de Perrault, Brault et Carrière. Flirtant avec le drame d’anticipation, le drame politique et le cinéma d’horreur, il emprunte également à l’essai – notamment à travers les nombreux extraits de textes d’Anne Hébert, d’Hubert Aquin et de Fernand Dumont que les acteurs déclament avec ferveur face à la caméra.

Or qui embrasse trop mal étreint. À trop vouloir traduire dans l’urgence sa peur viscérale de la perte de l’identité québécoise, de sa culture et de sa langue, Simon Lavoie livre un récit alambiqué à la finale ambiguë. En résulte un salmigondis d’idées politiques passéistes, plus indigeste qu’insolite, sous la forme d’un film psychotronique, dont les piètres effets spéciaux feront rire les uns et fuir les autres.

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Se fondre

Drame

Se fondre

Simon Lavoie

Jean-François Casabonne, Monique Gosselin, Jean Marchand

1 h 52
En salle

4/10