(Los Angeles) Exploiter les failles d’Hollywood et sa supposée « culture woke » : voilà le leitmotiv d’Angel Studios, maison de production chrétienne qui a fait un carton l’été dernier avec le film Sound of Freedom, encensé par la droite américaine et les complotistes QAnon.

« Hollywood, ce n’est qu’une bulle. Ils ne sont pas connectés au citoyen moyen », raille auprès de l’AFP Jordan Harmon, le cofondateur du petit studio.  

« Nous faisons des films pour les 90 % restants » des Américains, assène-t-il.

Créé par quatre frères mormons en Utah, terre conservatrice de l’Ouest américain, Angel Studios s’est fait un nom en rachetant Sound of Freedom, un thriller sur la pédocriminalité dont la sortie avait initialement été annulée par Disney.

Le film s’est imposé en surprise du box-office mondial l’été dernier, avec 250 millions de dollars de recettes. Une performance un brin humiliante pour Disney, qui essuyait au même moment l’échec commercial de son cinquième Indiana Jones.

Inspiré du combat d’un agent américain contre un réseau de traite des mineurs, Sound of Freedom s’est taillé une réputation sulfureuse, à cause de son discours très religieux sur la pédophilie et de son succès auprès des sphères complotistes, qui l’ont brandi en étendard.

Mais pour M. Harmon, le phénomène révèle surtout l’incapacité d’Hollywood à appréhender les « guerres culturelles » qui fracturent l’Amérique.

« Écouter le client »

Angel Studios a acquis le film grâce à son modèle d’abonnement, où les abonnés votent pour les œuvres que la maison de production devrait produire ou distribuer.

« C’est juste le b. a. ba de l’entrepreneuriat », tacle le dirigeant. « Écouter le client, et agir. »

À ses débuts, l’entreprise s’appelait VidAngel et promettait aux familles l’accès à des productions hollywoodiennes, censurées « des seins, du sang et des gros mots ».

Mais des litiges judiciaires pour violation du droit d’auteur l’ont poussé à une refonte : la structure a opté pour la production d’œuvres originales et s’est choisi un nouveau nom.

Angel Studios a fait des thèmes chrétiens sa marque de fabrique. Son but assumé est de produire des histoires qui « amplifient lumière », comme la série L’Élu sur la vie de Jésus-Christ.

Mais l’entreprise fait polémique depuis le succès de Sound of Freedom.

Son modèle, qui permettait aux fans d’acheter des billets pour des inconnus afin de diffuser le message du film, a été accusé de gonfler artificiellement ses chiffres au box-office.

Ses détracteurs se sont demandé comment l’entreprise utilisait réellement cet argent, ce qui a conduit Angel Studios à publier le détail des coûts et bénéfices du film.

Encensé par la mouvance QAnon, qui croit à l’existence d’un complot pédosataniste mis en œuvre par les élites américaines, le film a été accusé de colporter un message dangereux.

Il a aussi été critiqué pour ses exagérations sur la réalité du trafic de mineurs, dépeint via une infiltration romancée de la mafia colombienne.

« Tout le monde l’a soudainement présenté comme un film de droite, alors qu’en réalité, il n’y a rien dedans qui penche à droite », rétorque M. Harmon.

« Très pro-vie »

Angel Studios mise désormais sur son prochain film, Sound of Hope : The Story of Possum Trot. Une œuvre structurée par un message militant.

Le long métrage, qui doit sortir le week-end du 4 juillet – la fête nationale américaine –, est basé sur l’histoire vraie d’une petite ville du Texas, où 22 familles ont décidé d’adopter des enfants à risque pour pallier le manque de familles d’accueil pendant les années 90.

Le film est « très, très pro-vie », résume M. Harmon, sans pour autant aborder frontalement la question de l’avortement.  

Un message qui ne manquera pas de résonner, en plein milieu d’une campagne présidentielle fortement marquée par les débats sur l’IVG.

Le studio travaille également à un film d’animation sur le roi David pour l’an prochain, et assure vouloir « rivaliser avec Disney au plus haut niveau » sur ce terrain.

Car M. Harmon n’a pas de mots assez durs pour critiquer ce qu’il considère comme le « wokisme » du géant du divertissement, qui a notamment introduit des thèmes LGBT dans sa récente série Star Wars : The Acolyte.

La firme aux grandes oreilles s’est « discréditée » aux yeux des Américains, tance-t-il. Elle incarne selon lui un Hollywood qui « privilégie la politique au détriment de la narration ».