Deux semaines après sa première très attendue au Festival de Cannes, un film sur Donald Trump dans les années 1980 n’est toujours pas distribué aux États-Unis.

À Cannes, The Apprentice a dévoilé un portrait cinglant de l’ancien président américain lorsqu’il était jeune. Le film, qui met en vedette Sebastian Stan, retrace la montée en puissance de M. Trump dans l’immobilier new-yorkais, sous la tutelle de Roy Cohn (Jeremy Strong), l’avocat de la défense qui a été le principal conseiller de Joseph McCarthy lors des enquêtes sénatoriales menées dans les années 1950 sur des personnes soupçonnées de communisme.

The Apprentice, réalisé par le cinéaste irano-danois Ali Abbasi, a immédiatement suscité la controverse. Après la première, le porte-parole de la campagne de réélection de M. Trump, Steven Cheung, a qualifié le film de « pure fiction » et a annoncé que l’équipe de M. Trump intenterait une action en justice « pour répondre aux affirmations manifestement fausses de ces prétendus cinéastes ».

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Que cela ait été influencé par cette menace ou non, The Apprentice n’a pas encore été distribué par un grand studio ou par un service de diffusion en continu de premier plan – aucun d’entre eux n’a même fait d’offre pour le film.

Si le film a été distribué dans la plupart des pays du monde, il n’a pas encore été distribué dans le pays où M. Trump est candidat à l’élection présidentielle.

Bien que les films très médiatisés trouvent généralement des acheteurs avant ou peu de temps après leur présentation au festival, les négociations peuvent s’éterniser. Un porte-parole de l’équipe de vente du film s’est refusé à tout commentaire. Une personne proche du film, qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à faire des commentaires publics, a déclaré que le film faisait l’objet de nombreuses offres au niveau national.

Frustration

En début de semaine, la frustration d’Abbasi a semblé déborder sur X, la plateforme de médias sociaux. En réponse à un article qui attribuait à un flot de suites et de nouvelles versions la triste performance récente des films aux guichets, Abbasi a fait une « nouvelle proposition ».

PHOTO VALERY HACHE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le réalisateur Ali Abbasi à Cannes, en mai dernier

Il ne s’agit pas d’une câlisse de suite ni d’une câlisse de nouvelle version. Il s’appelle #The_Apprentice et pour une raison ou une autre, certaines personnes au pouvoir dans votre pays ne veulent pas que vous le voyiez !!!

Message de Ali Abbasi, sur X (traduction libre)

Les représentants de Trump n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. Jeudi dernier, M. Trump a été reconnu coupable de 34 chefs d’accusation pour avoir falsifié des documents commerciaux à la suite de ce que les procureurs ont qualifié de tentative de dissimulation d’un versement d’argent occulte à l’actrice pornographique Stormy Daniels juste avant l’élection présidentielle de 2016.

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Une scène du film est particulièrement explosive. À la fin du film, Trump est représenté en train de violer sa femme, Ivana Trump (jouée par Maria Bakalova). Dans sa déposition lors de son divorce en 1990, Ivana Trump a déclaré que ce dernier l’avait violée. Trump a nié cette allégation et Ivana Trump a précisé plus tard qu’elle ne l’avait pas dit au pied de la lettre, mais qu’elle s’était plutôt sentie violée.

La sortie de The Apprentice au cours de la plupart des années pourrait s’avérer difficile. En année électorale, le risque que le film devienne la cible de critiques est décuplé. Les distributeurs seraient confrontés à l’option de le lancer soit peu avant l’élection de novembre, soit après.

The Apprentice a reçu des critiques largement positives à Cannes, mais n’a pas été retenu pour les prix décernés par le jury du festival. La performance de M. Strong a été particulièrement saluée comme un candidat possible à un prix. Lors de la première du film, Abbasi a défendu l’approche directe du film, déclarant qu’« il n’y a pas de belle métaphore pour traiter de la vague montante de fascisme ». Le lendemain, le cinéaste a écarté la menace d’un procès.