Qu’est-ce qu’évoque Lamborghini pour vous ? Sans doute une brillante constellation de supervoitures à moteurs V10 et V12. Des œuvres d’anthologie qui saisissent le sol avec leurs designs hardis, un prétexte, diront certains, pour mettre en valeur ces cœurs latins volcaniques. Quelle place est réservée à la Huracán Sterrato essayée cette semaine ? Hors des sentiers balisés philosophiquement et… littéralement.

Son design

PHOTO FOURNIE PAR LAMBORGHINI

La Lamborghini Huracán Sterrato

Comment donc pouvons-nous définir cette Sterrato ? Quelque part entre un bolide de rallye de groupe B qu’auraient pu piloter Michèle Mouton et Walter Röhrl dans leur temps et une Huracán de série. Sa tenue, elle la doit à ce mandat multiterrain très peu orthodoxe pour une supervoiture. Tout part de la garde au sol, rehaussée de 4,4 cm et mise en exergue par des becquets et diffuseurs arrière composés d’un plastique mat prêt à accuser les coups. Des moulures littéralement boulonnées sur les ailes avant et arrière attisent encore plus la curiosité ; elles sont nécessaires à la fois pour la protection, mais aussi pour compenser les voies élargies de 3 cm. Autre élément incontournable : les pneus aux crampons protubérants et aux flancs bien charnus spécifiquement conçus par Bridgestone pour conserver adhérence et motricité sur nombre de surfaces.

À bord

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L’habitacle de la Lamborghini Huracán Sterrato peut être grandement personnalisé grâce au programme Ad Personam du constructeur.

Si les modifications extérieures suscitent la fascination, l’habitacle est a priori inchangé face aux autres livrées de la Huracán. Ce n’est pas un problème en soi, car l’assemblage demeure tout aussi soigné que dans nos souvenirs. L’alcantara cascade sur la profonde planche de bord pour l’ambiance sportive et les baquets optionnels à structure de fibre de carbone sont d’un confort inégalable, malgré leur apparente fermeté. La position de conduite basse nous rappelle d’ailleurs constamment que nous sommes au volant d’un véhicule d’exception. La thématique « avion de chasse » persiste dans la configuration des touches, toutes délimitées par une séparation métallique. La symétrie du positionnement des buses apaise l’œil et limite les distractions. Mais, comme toute bonne Lamborghini qui se respecte, cette Huracán induit des compromis, surtout en ce qui concerne l’espace pour la tête, mais aussi les rangements invariablement réduits et le positionnement de certaines commandes.

Sous le capot

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Le V10 de 5,2 L également employé par l’Audi R8 achèvera bientôt sa production. Un moteur marquant dans l’histoire du constructeur italien dont les racines remontent à 2003, sous le capot de la Gallardo.

Au-delà de l’excentricité nécessaire de l’habillage, la vraie vedette, c’est le V10. D’une cylindrée de 5,2 L et placé à 90 degrés, ce chef-d’œuvre mécanique en est à ses derniers tours de vilebrequin, pouvant dépasser les 8000 tr/min. Mais il serait bien malavisé de l’analyser uniquement par sa brillance mécanique, qui s’exprime au demeurant par une poussée sensationnelle dès le mi-régime. La fureur de ses 602 ch — une trentaine de moins que la Tecnica — s’extériorise par une formidable musique rageuse dont la tessiture vocale progresse vers une puissante envolée. En ce sens, cette Huracán fait foncièrement Lamborghini dans son lyrisme et nous laisse guider l’orchestre à dix cylindres avec grande précision au moyen de palettes fixées sur la colonne de direction. La boîte à double embrayage (sept rapports) dose d’ailleurs avec éloquence ses interventions pour ajouter une dimension sensorielle additionnelle.

Derrière le volant

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La Lamborghini Huracán Sterrato dispose de puissants phares additionnels pour éclairer les routes reculées.

Il y a lieu néanmoins de se questionner sur la valeur réelle de ces importantes modifications apportées au châssis d’une voiture déjà très brillante. Heureusement, toutes ces craintes se dissipent rapidement. On découvre en cette Sterrato une progressivité du comportement qui pourrait avantageusement se comparer à l’esprit d’une Mazda MX-5. Les amortisseurs électromagnétiques à plus grand débattement lissent les aspérités routières sans mollesse excessive et les mouvements de caisse sont plus marqués et moins trépidants. Se joignent au portrait des pneumatiques moins adhérents sur l’asphalte, pour leur polyvalence. Ces choix techniques rendent cette Huracán réellement plus communicative, voire joviale sur la route, sans perdre en efficacité. Difficile aussi de trouver une supervoiture mieux adaptée au contexte québécois avec son rouage intégral qui fait des miracles au rayon de la motricité, tout en étant très joueur dans ses réglages.

Les technologies embarquées

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Le système multimédia de la Lamborghini Huracán

C’est sans doute ici que la Huracán expose le plus le fait qu’elle soit en fin de parcours. Son système multimédia se couche sur la console centrale par l’entremise d’un écran tactile vertical, un positionnement pas optimal pour une voiture qui nécessite un bon degré d’attention en pilotage. Son interface n’aide également guère sa cause par sa construction peu intuitive et sa relative lenteur en comparaison de ses contemporains. L’élément irritant le plus important réside dans le simple réglage du volume audio, qui doit se faire numériquement après avoir appuyé sur un onglet, en bas de l’écran. La vitesse de rafraîchissement de l’instrumentation trahit aussi l’âge plutôt avancé de l’architecture, en plus de l’absence de béquilles de sécurité active. On oublie toutefois rapidement ces lacunes au volant, la raison d’être première d’une telle voiture.

Verdict

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La Lamborghini Huracán Sterrato

Lamborghini a toujours carburé à l’imprévisible, à l’émotivité. C’est dans son ADN. Les Miura et Countach, qui ont jeté les bases des supervoitures modernes par la stupéfaction et l’émerveillement qu’elles soulevaient, en sont de beaux exemples. Le VUS LM002 aussi avec sa posture totalement déjantée qui fait sensation encore aujourd’hui. La Huracán Sterrato est une œuvre nettement plus sérieuse et techniquement achevée que ses ancêtres, c’est l’évidence même. Mais on ne peut nier la filiation d’esprit avec ceux-ci dans le questionnement du statu quo qu’elle suscite. Ce qui impressionne néanmoins le plus avec cette supervoiture, c’est qu’elle arrive à vraiment bien faire fonctionner un concept d’une magnifique absurdité sur papier. Alors pourquoi elle existe, cette Huracán Sterrato en bottes de randonnée ? Parce que c’est une Lamborghini, foncièrement.

Carnet de notes

Pourquoi Sterrato ?

Le nom Sterrato vient de l’italien et veut tout simplement dire « chemin de terre », l’habitat naturel de cette version.

Tirage limité

Dans l’histoire de la Huracán, seulement deux livrées ont eu une diffusion limitée. La Sterrato est l’une d’elles avec seulement 1499 exemplaires qui seront produits à terme.

Elle freine fort aussi

Avec un système de freinage carbone-céramique nettement plus performant et prévisible à froid que bien d’autres, cette Sterrato freine avec constance et équilibre.

Une prise d’air bien visible et fonctionnelle

Cette variante Sterrato bénéficie d’une prise d’air sur mesure qui émerge du capot arrière pour alimenter le V10 en air frais exempt de particules. Cela entrave toutefois totalement la visibilité arrière.

Un V8 comme descendance

Lamborghini a récemment annoncé que la descendante de la Huracán aura droit à un V8 biturbo de 4 L hybride capable d’un régime maximal de 10 000 tr/min et dont la puissance dépassera 887 ch.

Fiche technique 

  • Version à l’essai : Sterrato
  • Prix (avec options) : 405 807 $ (prix de départ de 319 617 $ – année-modèle 2023)
  • Moteur : V10 DACT 5,2 L
  • Puissance : 602 ch à 8000 tr/min
  • Couple : 413 lb-pi à 6500 tr/min
  • Transmission : automatique à double embrayage à sept rapports avec mode manuel
  • Architecture motrice : moteur longitudinal central arrière, transmission intégrale
  • Consommation (ÉnerGuide) : 16,1 L/100 km (essence Super)
  • Concurrents (Sterrato) : Porsche 911 Dakar
  • Du nouveau en 2024 ? : fin officielle de la production de la Huracán avec la livrée STJ limitée à 10 exemplaires
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