Avant de s’attaquer à La haine avec Mathieu Kassovitz, l’automne prochain, puis aux productions italienne et américaine de Bernadette de Lourdes, Serge Denoncourt dirige cet été la comédie Le prénom, qui avait fait un tabac en 2012. Mais qu’est-ce qui fait courir Serge Denoncourt ? Entretien.

Serge Denoncourt aime faire « le grand écart » entre l’Europe et l’Amérique, le répertoire classique et la comédie musicale, la création et les émissions de télévision. Depuis 2021, cet électron libre a créé une comédie musicale sur une enfant orpheline (Annie) et une autre avec des hippies (Hair) ; un spectacle de danse (Révolution) et un autre sur une sainte catholique (Bernadette de Lourdes) ; sans oublier un musical d’après l’œuvre de Michel Sardou (Je vais t’aimer). Et il s’apprête à monter l’adaptation théâtrale de La haine, en octobre prochain en France, avec Mathieu Kassovitz.

Avant de plonger dans ce spectacle tiré du film culte de 1995 sur la violence dans les cités de la banlieue parisienne, M. Denoncourt aurait pu prendre des vacances dans sa maison en Toscane cet été. Mais c’est bien mal le connaître. Quand la boîte de production Les Agents doubles l’a contacté pour reprendre Le prénom, la jouissive comédie de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, il a accepté avec « un plaisir coupable ». Car il dirige une nouvelle distribution « formidable » : Mikhaïl Ahooja, Noémie O’Farrell, Karine Gonthier-Hyndman, François-Xavier Dufour et Benoit Drouin Germain.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Serge Denoncourt

C’est une pièce d’acteurs… Et la direction d’acteurs, c’est ce que j’aime le plus faire dans mon métier.

Serge Denoncourt, au sujet de la pièce Le prénom

« J’adore travailler en salle de répétition sur le rythme de jeu, la diction, les détails, l’écoute. C’est très important, l’écoute. Un bon acteur doit savoir écouter. Sinon, on voit tout de suite qu’il ne sait pas quoi faire sur scène. »

Son initiation au rap

Après Le prénom, à l’affiche dans quatre villes au Québec cet été, puis chez Duceppe en décembre, Denoncourt s’attaquera à La haine. La comédie musicale prendra l’affiche de la Seine Musicale à Paris, dès le 10 octobre, avant une tournée dans plusieurs villes en France. Le spectacle réunira les compositions des meilleurs rappeurs français (dont Proof, Médine, Cut Killer et Matthieu Chedid, dit –M-)… Le metteur en scène a accepté de signer le livret de La haine, même si, à 62 ans, il avoue ne rien connaître au rap !

Tout de suite après, Denoncourt s’envolera pour Rome, afin de diriger la production italienne de Bernadette de Lourdes, spectacle qui fera l’objet d’une mouture américaine en 2025. On pourra aussi voir son émission Serge à Paris, sur TV5, à l’automne. Finalement, Denoncourt sera un des juges du concours Quel talent !, la version québécoise du format britannique Got Talent, dont la diffusion est aussi prévue dans la grille d’automne de Noovo.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’artiste aime changer d’univers.

Une « bromance » avec Kassovitz

« En effet, j’aime me confronter à de nouvelles affaires, ne pas me sentir coincé dans une boîte », dit-il. Et comment l’offre de Mathieu Kassovitz est-elle arrivée vers lui ? « Mathieu cherchait un metteur en scène d’expérience. Quelqu’un lui a parlé de moi, en lui disant que ça risquait d’être explosif, car on a deux méchants caractères. On s’est rencontrés à Paris et ç’a été une bromance instantanée. On est vraiment d’égal à égal dans la collaboration artistique. On se challenge dans nos choix. »

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L’auteur de La haine, Mathieu Kassovitz, en 2018

La haine, sous-titré Jusqu’ici rien n’a changé, est produit par Kassovitz en collaboration avec Live Nation et Nouëva Productions. Après la France, le spectacle risque de sillonner d’autres pays, comme l’Allemagne et les États-Unis… Le Québec n’est pas encore dans les plans.

Y a-t-il un fil rouge dans sa carrière ? « Non, sauf le plaisir. Le plaisir d’apprendre quelque chose de nouveau à chaque projet, de faire ce que je n’ai jamais fait… »

À un moment donné, après 40 ans de carrière, on a fait le tour dans sa recherche comme metteur en scène. Alors, si on me propose de faire une comédie musicale ou quelque chose que je ne connais pas, je vais y aller.

Serge Denoncourt

Depuis quelques années, le metteur en scène fait des spectacles grand public, plus commerciaux et bien différents de ceux qu’il a créés, par exemple, avec le Théâtre de l’Opsis, la compagnie qu’il a cofondée dans les années 1980. A-t-il vendu son âme de créateur à l’argent ?

« Pas du tout, jure-t-il. Bernadette…, c’est le plus gros risque de ma carrière. Un spectacle sur une sainte, une icône catholique, alors que je ne suis pas croyant du tout. Finalement, j’ai fait un show historique sur une jeune fille têtue, troublée, mais très simple. J’ai eu un coup de foudre pour le personnage. Et le spectacle marche très bien. »

« Mais si on me propose de monter une pièce d’Ingmar Bergman, avec trois acteurs, deux chaises et une table, je dis oui demain matin, poursuit-il. L’important au théâtre, c’est l’acteur et l’émotion qu’il transmet au public. Pas les effets spéciaux ni le budget de production. »

IMAGE FOURNIE PAR NORMANDY MEMORY

Le spectacle pluridisciplinaire sur le Débarquement de Normandie Normandy Memory propose une scène qui avance sur plusieurs mètres, immersive, pour ainsi faire revivre aux spectateurs le célèbre jour J.

Normandy Memory

En plus de ses spectacles en cours, Denoncourt est en « stand by » pour le mégaspectacle pluridisciplinaire sur le Débarquement de Normandie, Normandy Memory. Depuis sa première ébauche, ce projet « immersif et grandiose », porté par le concepteur québécois Stéphane Roy, a changé de titre, de lieu et de dates… Il devait voir le jour en juin dernier : « J’ai pris du recul, explique-t-il. En France, tout est compliqué avec les permis, etc. J’ai dit aux producteurs de me rappeler quand on aura un terrain, un théâtre… et une date de première. »

« J’ai étudié en jeu, mais mon rêve de jeunesse, c’était de faire de la mise en scène. Tous les matins quand je me lève, je suis dans mon rêve. C’est probablement pour ça qu’on m’engage encore après 40 ans », conclut-il avant de nous quitter prestement pour prendre un taxi et aller faire ce qu’il préfère : diriger des acteurs.

Le prénom est présenté au Théâtre Desjardins de LaSalle du 4 au 13 juillet  ; à la salle Odyssée de Gatineau du 18 au 27 juillet ; au Centre des arts Juliette-Lassonde de Saint-Hyacinthe du 1er au 17 août et à la salle Albert-Rousseau, à Sainte-Foy, du 12 au 15 septembre.

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