Dany Boudreault tient le haut de l’affiche dans Homicide. Une pièce qui pose un regard à la fois lucide et glaçant sur un fait divers sordide. Et nous plonge dans la psyché d’un garçon ayant commis un meurtre pour le diffuser en ligne et assouvir sa soif d’exister.

C’est sans doute le fait divers le plus horrifiant des dernières années. D’une brutalité sans nom, le meurtre commis par Luka Rocco Magnotta, « le dépeceur de Montréal », nous glace encore le sang une décennie plus tard.

Avec Homicide, l’auteur Pascal Brullemans et la metteure en scène Nini Bélanger sont partis de l’affaire Magnotta pour essayer de comprendre quelles vérités se terrent sous le masque du monstre. « Le spectacle est inspiré de l’affaire Magnotta, mais ce n’est pas un biopic », nuance Dany Boudreault, l’interprète du tristement célèbre meurtrier.

D’ailleurs, le nom du tueur canadien (et celui de sa victime, Lin Jun) n’apparaît nulle part dans la production. Homicide nous plonge plutôt dans la « psyché » d’un jeune homme après qu’il a commis « le premier meurtre en streaming de l’histoire ». Sa victime, jouée par l’acteur Christian Rangel, apparaîtra sur scène, « telle une présence silencieuse, mais qui refuse d’être oubliée ».

Lorsque Pascal Brullemans a fait lire sa nouvelle pièce à Boudreault, il y a trois ans, l’auteur lui a confié qu’il l’avait écrite pour lui.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Dany Boudreault

J’étais complètement terrifié à la lecture. Or, j’ai tout de suite accepté le rôle. Je voyais le gouffre, le danger d’interpréter ce type de personnage. Et ce genre de défi me stimule comme acteur.

Dany Boudreault

Par-delà l’horreur que le personnage nous inspire, comment joue-t-on un monstre ?

« Ça ne se joue pas, un monstre, répond Boudreault. Je ne cherche pas à humaniser un tueur. Le portrait qu’en a fait Pascal Brullemans n’est pas doux du tout. Comme interprète, je cherche à comprendre comment on peut en arriver là. Qu’est-ce qui s’est passé dans sa vie, dans son cerveau, pour agir ainsi ? »

Le piège numérique

« C’est un spectacle qui concerne tout le monde, estime Boudreault. Car ce meurtre symbolise une quête désespérée de reconnaissance dans la société ; de combler un vide immense. L’histoire transpose la réalité pour entrer dans la tête du meurtrier, sa voix intérieure ; voire ses voix intérieures, car le monologue est polyphonique. »

Homicide interpelle les dérives de l’ère numérique, du narcissisme et du désir de célébrité qu’on propage en ligne. « [L’affaire Magnotta] n’est pas qu’une anomalie, un écart de conduite qui ne nous concerne pas », écrit Nini Bélanger dans son mot sur le site du théâtre. « Il y a une mélancolie engendrée par ce paradoxe ; l’euphorie des possibilités de l’essor du numérique dans nos vies versus le malaise et l’angoisse que ce même mouvement opère dans notre quotidien et nos rapports humains. »

La production explore aussi les zones troubles qui existent entre la représentation du réel et la réalité. « Le tueur dans la pièce s’applique à construire sa propre mythologie pour exécuter ses actes, explique Boudreault. Mon personnage parle en son nom, en celui de sa victime, de sa mère, des internautes, etc. C’est un homme anonyme, sans talent, complètement vide, cherchant à sortir de son anonymat. »

Et qui va tuer pour exister.

Homicide

Homicide

Une création de la compagnie Projet MÛ

Texte de Pascal Brullemans. Mise en scène de Nini Bélanger. Avec Dany Boudreault et Christian Rangel., Au Prospero, du 24 octobre au 11 novembre

Consultez la page du spectacle

PHOTO SARAH LATULIPPE, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Dany Boudreault

Qui est Dany Boudreault ?

Comédien et auteur, on l’a vu sur les planches en Louis II de Bavière (dans Châteaux du ciel, au Théâtre Denise-Pelletier), dans la peau de Robert Mapplethorpe (Parce que la nuit, à l’Espace Go) et de Puck, dans Songe d’une nuit d’été.

À titre d’auteur, il a signé plusieurs adaptations, recueils de poésie et pièces de théâtre, dont Corps célestes et (e), un genre d’épopée, toutes deux publiées.

Avec la compagnie Messe Basse, Boudreault prépare, conjointement avec Maxime Carbonneau, le projet Corps fantômes (titre de travail), un spectacle-fleuve qui sera présenté chez Duceppe en 2025. La pièce retracera le parcours de la communauté LGBTQ+ à Montréal.