Depuis quelques semaines, Jean-Sébastien Girard regarde deux épisodes du téléroman Sous un ciel variable avant d’aller dormir. Et parfois même trois. « Parce que les punchs sont bons ! »

Bien qu’il s’agisse d’une « vieille série » (sa diffusion originale remonte aux années 1990), l’humoriste et animateur prend plaisir à plonger, soir après soir, dans l’univers imaginé par Anne Boyer et Michel D’Astous (Yamaska, L’heure bleue), qui s’articule autour des habitants de Belmont, une petite localité des Cantons-de-l’Est.

« C’est un téléroman de base, décrit l’amateur de télé-nostalgie. C’est tourné en studio. Et c’est très lent : les gens s’installent à souper, Charlotte Boisjoli sert du thé… Ça prend trois minutes avant qu’on entende une ligne de dialogue. »

Côté intrigues, Sous un ciel variable paraît loin, très loin des 10 rebondissements par minute offerts par STAT et compagnie.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Sébastien Girard

Patricia Nolin s’est ouvert une auberge. Elle est constamment en train de faire des salades et des muffins. Hier, un client a spécifié qu’il était allergique à l’ail. Ils en ont parlé pendant toute une scène. J’étais convaincu qu’il allait avoir une intoxication… mais non ! Finalement, il n’est jamais rien arrivé !

Jean-Sébastien Girard, au sujet de Sous un ciel variable

« C’était totalement inutile, mais j’ai aimé ça. J’avais juste l’impression d’être voyeur dans l’auberge », poursuit-il.

Patrimoine culturel

Jean-Sébastien Girard est loin d’être l’unique accro aux reprises de Sous un ciel variable. Depuis qu’ICI ARTV a amorcé la diffusion, en avril dernier, ses épisodes rallient en moyenne 30 000 téléspectateurs, révèlent les données confirmées de Numéris, fournies par Radio-Canada.

Outre Sous un ciel variable, la grille horaire actuelle d’ICI ARTV comprend des titres comme Moi et l’autre, Poivre et sel, Les belles histoires des pays d’en haut et Blanche. Et jusqu’à tout récemment, on pouvait également suivre Les filles de Caleb, Le temps d’une paix et Lance et compte.

Premier directeur, acquisitions et chaînes spécialisées de Radio-Canada et grand amateur de vieilles séries québécoises, Simon Dupuis confirme que l’offre nostalgie d’ICI ARTV représente « une grosse partie de l’écoute ».

Diffuser nos productions télévisuelles d’une autre époque, ça fait partie de l’ADN d’ARTV. On n’en présente pas plus qu’avant, mais on en fait plus la promotion. Parce que c’est rendu tendance, d’écouter des séries du passé. C’est moins gênant qu’avant. Et c’est notre patrimoine culturel.

Simon Dupuis, premier directeur, acquisitions et chaînes spécialisées de Radio-Canada

Du réconfort

La télé-souvenirs québécoise occupe également une bonne portion du menu d’Unis TV, grâce à Watatatow, Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Le cœur a ses raisons et Chambres en ville. Et doit-on mentionner les énièmes reprises d’Un gars, une fille et de La petite vie qui continuent de cartonner sur ICI Télé ?

Quant à Prise 2, elle propose Catherine, Les Parent, Entre chien et loup, Histoires de filles, Les boys et km/h. Pour sa part, 450, chemin du Golf, avec François Massicotte, intégrera l’horaire le 12 août, nous informe-t-on.

PHOTO FOURNIE PAR PRISE 2

Chantal Baril, Michel Barrette, Sonia Vachon, Marilyse Bourke et Gilbert Turp dans km/h

Selon Nathalie Fabien, directrice principale, chaînes et programmation du Groupe TVA, le côté « cocooning » et « feel-good » des séries présentées sur Prise 2 explique leur popularité. « Quand tu revois quelque chose que tu as déjà vu et que tu sais que tu as aimé, ça fait vivre des émotions. »

PHOTO BERTRAND EXERTIER, FOURNIE PAR TVA

Nathalie Fabien, directrice principale, chaînes et programmation du Groupe TVA

À Prise 2, on n’est pas très drame. On n’est pas dans les bombes qui explosent. On préfère la bonne humeur. Et ça, c’est quelque chose dont tout le monde a grandement besoin aujourd’hui.

Nathalie Fabien, directrice principale, chaînes et programmation du Groupe TVA

Selon Simon Dupuis, de Radio-Canada, cette télévision rallie des téléspectateurs qui cherchent du « réconfort ». « Les films qu’on voit quand on est enfant, la musique qu’on écoute quand on est ado, ça nous suit toute notre vie. C’est quelque chose qu’on connaît qui nous ramène à une époque où on était bien, où tout avait l’air moins compliqué. »

Aussi les jeunes

L’écoute des séries des décennies passées n’est pas une activité réservée aux personnes de 40 ans et plus, insiste Nathalie Fabien. « On pourrait penser que Prise 2, ça attire juste les vieux, mais non. Les jeunes aiment également les vieilles séries de fiction », souligne-t-elle.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Nicholas Richard

Journaliste sportif et collègue de travail au quotidien La Presse, Nicholas Richard compte parmi ces « jeunes » qui affectionnent la télévision québécoise d’antan. « Les filles de Caleb, Le temps d’une paix… C’est ma véritable passion. Euphoria, Game of Thrones et Breaking Bad, je n’y connais rien. Je suis beaucoup plus ARTV que Netflix. »

« Je suis un enfant du câble, poursuit le téléphile de 26 ans. Il y a quelque chose de réconfortant à regarder Janine Sutto et Gilles Latulippe. Ils parlent comme mes grands-parents, comme mes oncles, comme mes tantes. »

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Roy Dupuis et Marina Orsini dans Les filles de Caleb

Les Symphorien et Lance et compte ont beau attirer des jeunes qui n’étaient pas assez vieux (ou peut-être même nés) durant leur premier tour de piste en ondes, leur public cible demeure assez âgé. « ARTV demeure une chaîne de 60 ans et plus », confirme Simon Dupuis.

« Je suis un extraterrestre dans mon groupe d’amis, admet Nicholas Richard. Je regarde Les filles de Caleb tous les Noël. Mes amis, ils sont zéro là-dedans. »

Attention aux divulgâcheurs !

Qu’on suive des nouveautés ou qu’on préfère regarder de vieux classiques, un défi demeure : échapper aux divulgâcheurs.

Jean-Sébastien Girard s’en est rendu compte dernièrement. Après avoir révélé qu’il regardait le téléroman Sous un ciel variable aux auditeurs de l’émission La journée (est encore jeune) sur ICI Première, certains ont commencé à l’écouter. Et l’inévitable est arrivé. « J’étais au restaurant, et une dame m’a écrit qu’on venait d’apprendre que Guy Provost était le père de Robert Toupin. Mais je n’avais pas encore regardé l’épisode ! »

« En même temps, il faut dire qu’elle m’a spoilé quelque chose de 1993, donc… »