Pour son 15e anniversaire, Montréal complètement cirque a choisi de lancer ses festivités avec une des compagnies chouchous du public – et de la critique –, Gandini Juggling, qui nous présente dès ce mercredi une suite à son hommage à Pina Bausch, Smashed 2.

Sean Gandini est un habitué de la scène circassienne montréalaise. Le jongleur anglais, qui a fondé en 1992 la troupe Gandini Juggling avec sa compagne d’origine finlandaise Kati Ylä-Hokkala, est venu ici plusieurs fois. Sa dernière visite remonte à 2019, juste avant la pandémie (avec le spectacle Spring).

Nous lui parlons par Zoom au lendemain de la première de Smashed 2 au Diamant de Québec, la semaine dernière. « On était un peu jet lag [en décalage horaire], donc c’était un peu comme un rêve », nous dit l’artiste dans un français parfait.

En 2013, il a présenté le spectacle Smashed, hommage à la chorégraphe allemande Pina Bausch. Un ballet acrobatique au cours duquel les neuf interprètes de la compagnie dansaient et jonglaient en même temps – avec des pommes ! Symbole du fruit défendu, bien sûr, de la volupté aussi.

Gandini s’était inspiré de la pièce Kontakthof, de Bausch, qui explorait les différents types de rapports hommes-femmes : séduction, attirance, manipulation, violence, etc.

Mais contrairement à Kontakthof, où il y avait autant de femmes que d’hommes, dans Smashed, les interprètes féminines étaient minoritaires, à peine deux sur neuf.

Le metteur en scène jouait sur ce déséquilibre, créant volontiers des malaises, notamment en plaçant les femmes dans des situations vulnérables.

« Il y a une scène où une femme se trouve encerclée par le groupe d’hommes, ça va assez loin », nous dit l’artiste et metteur en scène anglais.

Pina Bausch, elle, a créé trois versions de son ballet, avec trois générations d’interprètes, questions d’évaluer les rapports hommes-femmes à différents âges. Il y a quelques années, Sean Gandini a eu, lui aussi, envie de recréer sa pièce Smashed, mais en inversant les rôles. Cette fois, ce sont les hommes qui se trouvent en minorité.

D’où Smashed 2, qui, selon Sean Gandini, est plus théâtral que dansé, avec une fin « jubilatoire et violente ».

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

L’artiste et metteur en scène Sean Gandini

Pour moi, Smashed 2 est une histoire de vengeance et de rédemption. Je me suis inspiré des films coréens qui abordent assez habilement le thème de la vengeance, mais ce n’est pas nécessairement un reflet du monde réel, il y a un côté fantasmé, qui est traité avec humour, comme c’était le cas avec Smashed.

Sean Gandini, artiste et co-metteur en scène de Smashed 2

Pour ce deuxième opus, Sean Gandini a remplacé les pommes par des oranges, dont la symbolique est plus floue. Mais il a aussi ajouté des… pastèques.

« C’est tellement merveilleux, une pastèque, illustre-t-il, parce que ça a un côté comique quand même, c’est un fruit absurde. Mais quand ça s’ouvre, c’est comme du sang. On joue avec ça, les femmes les prennent comme des bébés ou les tiennent entre leurs jambes, c’est peut-être ce qu’il y a de plus dérangeant dans le spectacle. »

Passion jonglage

Sean Gandini et sa compagne Kati Ylä-Hokkala font partie des neuf interprètes de Smashed 2. « Il y a des interprètes de tous les âges dans la compagnie, explique-t-il, la moyenne d’âge est de 45 ans, mais oui, je continue, dit-il en souriant. J’ai arrêté pendant un an ou deux, mais je n’ai pas aimé, ça me rendait nerveux. Regarder le jonglage, c’est effroyable ! »

Le couple pousse également pour qu’il y ait plus de femmes dans le jonglage, au point d’avoir atteint l’équité dans la compagnie. Quand on sait que statistiquement, il y a plus d’hommes jongleurs que de femmes, ce n’est pas un mince exploit.

Il reste que la marque distinctive de Gandini Juggling est d’avoir réussi à combiner jonglage et danse. Son spectacle Life, en hommage au danseur et chorégraphe américain Merce Cunningham, en est le plus récent exemple.

Les spectacles consacrés à une discipline de cirque – comme celui de Gandini – sont ainsi de plus en plus nombreux en Europe, contrairement à la tendance nord-américaine de présenter une suite de numéros.

Ce faisant, il court bien sûr le risque de se surspécialiser et de rebuter le public… Il en est bien conscient. Mais les performances de Gandini attirent chaque fois les foules. « Un joyeux accident », se plaît à dire humblement le cofondateur de la troupe.

Sean Gandini continue de s’inspirer de la mathématique de la jonglerie et des théories du solfège pour identifier les séquences de chiffres qui déterminent les figures qu’il compose ensuite à neuf personnes (dans ce cas). « Je continue de travailler avec cette méthode, nous confirme-t-il, les possibilités sont infinies. »

Qu’est-ce qui attend maintenant les jongleurs de Gandini ? « Je suis fasciné par la magie et par ces artistes qui passent leur vie à cacher leurs habilités. C’est le contraire du jonglage ou des artistes de cirque, donc je réfléchis à ça… »

Jusqu’à quand a-t-il l’intention de jongler ? « Jusqu’à 93 ans, répond-il en souriant. À 93 ans, j’arrête. Merce Cunningham a dansé jusqu’à ce qu’il ne puisse plus monter sur scène… Mais oui, je continue. Ça me rend très heureux, tout ça. »

Smashed2 est présenté à la TOHU jusqu’au au 7 juillet.

Consultez la page de Smashed 2

Montréal complètement cirque se déroule du 4 au 14 juillet.

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D’autres spectacles à voir

Barbu/Dirty Laundry

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

L’an dernier, Complètement cirque présentait le programme Barbu/Dirty Laundry à l’Espace St-Denis.

Ces deux spectacles de cabaret sont présentés l’un à la suite de l’autre à l’Espace St-Denis pendant toute la durée du festival (comme l’an dernier !). Il ne s’agit pas d’un programme double à proprement parler, mais vous obtiendrez un rabais si vous assistez aux deux. C’est Barbu, du Cirque Alfonse, créé il y a 10 ans déjà, qui part le bal. Un cabaret ludique, mené par Antoine Carabinier-Lépine, sur la musique électro-trad de David Simard. Dirty Laundry, de la compagnie australienne Briefs Factory, enchaîne. Un cabaret drag animé par Barbada, qui se distingue par son caractère coquin plutôt que pour ses prouesses acrobatiques. Pour une soirée divertissante entre adultes.

Du 3 au 14 juillet à l’Espace St-Denis.

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Le bibliothécaire

PHOTO ROBERT GILBERT TIRÉE DU SITE WEB DU GROS ORTEIL

Hippolyte dans le rôle du Bibliothécaire

Changement de ton, changement de style… Le bibliothécaire est un spectacle familial créé par Le Gros Orteil en 2015 et qui met en vedette l’artiste multidisciplinaire Hippolyte. Ce spectacle qui mêle théâtre physique, musique et art clownesque a été joué plus de 400 fois au pays depuis sa création. Il a également été présenté en Europe et en Asie, notamment en Chine et en Corée. La pièce acrobatique mise en scène par Marie-Hélène D’Amours (la fondatrice), avec Hippolyte, nous fait le récit du bibliothécaire Paul-Émile Dumoulin, qui est projeté dans des univers fantasmés dès qu’il plonge le nez dans ses livres. Pour les enfants à partir de 5 ans.

Du 5 au 14 juillet à l’Espace St-Denis.

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Le Cabaret du Jugement dernier

PHOTO FOURNIE PAR COMPLÈTEMENT CIRQUE

Le Cabaret du Jugement dernier sera lancé le 5 juillet.

C’est le retour de la compétition annuelle de cirque organisée par le Monastère à l’église St. Jax, rue Sainte-Catherine Ouest, juste au coin de la rue Bishop. Cette année, Philippe Thibaudeau sera le maître de cérémonie. Neuf artistes seront en vedette : Jenny Tufts (cerceau aérien), Charlie Wheeller (roue Cyr), Karel Chevalier (tissu aérien), Isabella Majzun (jonglerie ballons), Arthur Morel Van Hyfte (prisme aérien), Frida Velasco et Mike Carter (duo main à main), Ess Hödlmoser (sangles aériennes) et Merlin Matthewson (jonglerie de quilles). C’est vous, le public, qui voterez pour le meilleur numéro !

Du 5 au 13 juillet à St. Jax.

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