Déjà cinq jours du 44e FIJM derrière nous, on vous présente les impressions de notre collaborateur spécialisé en jazz, qui est sur place tous les jours. Voici quatre de ses concerts marquants, sur quatre scènes différentes.

Gabi Hartmann

Studio TD, le 28 juin

La longue file d’attente à 18 h pour ce concert gratuit témoigne de l’engouement à l’endroit de Gabi Hartmann. Pas de doute : sa première visite chez nous, à la Casa Del Popolo il n’y a pas si longtemps, a laissé une forte impression. Même si la comparaison avec Madeleine Peyroux peut sembler facile, la chanteuse s’abreuve à cette même source folk orchestrée avec douceur. Oscillant entre une pop cotonneuse et un travail d’artisane de la chanson, la musique de la Française, qui s’accompagne à la guitare sèche, se déguste en prenant son temps. Chaque titre s’inscrit dans un tout harmonieux, les références sont nobles, tout est tissé soigneusement, la séduction vient tout d’abord de la qualité des accompagnements et des arrangements. On ne dissimulera pas notre plaisir d’entendre la clarinette basse s’inviter dans la proposition. Après le triplé Ottawa-Montréal-Québec en trois jours, une certitude : Gabi Hartmann reviendra ici.

Cory Wong

Scène TD de la place des Festivals, le 28 juin

On le savait rapide à la détente. Nous avons jadis été séduits par le wah-wah ondulant de sa guitare au Club Soda, puis étonnés par ses montées d’adrénaline subites. Bénéficiant d’une météo des grands soirs, le guitariste funk et soul américain aux souches asiatiques a tout détruit sur son passage avec son éternel band de dix musiciens, véritable escadron de tueurs avec quatre cuivres qui « punchent » là où ça fait du bien. S’il a balancé la dynamite dès le départ avec Flyers Direct, sa musique acérée de riffs vicieux, découpant tout en fines lamelles et superposant les couches de plaisir au nom du funk originel, a rempli toutes les promesses. Le déploiement d’une force scénique éprouvée ajoutait à l’expérience. L’immense foule a tout gobé. C’était une grosse soirée funk vendredi, puisque Corey Henry foulait plus tôt cette même scène avec son imposant groupe. The mothership has landed, pour reprendre les mots « funkadéliques » du dieu George Clinton.

Ekep Nkwelle

Pub Molson, le 29 juin

La pluie s’était calmée en fin de soirée samedi. Quelques centaines de personnes sont arrivées de nulle part pour découvrir la chanteuse américaine d’origine camerounaise de 25 ans, au programme de cette superbe affiche jazz-jazz du Pub Molson. La verve de la jeune dame aux lunettes style Nana Mouskouri, issue du Duke Ellington School of Arts et boursière de Julliard, recommandée par nul autre que Wynton Marsalis, était belle à voir. Du Radio City Music Hall au Kennedy Center jusqu’au Pub Molson sur l’esplanade Tranquille, le trio contrebasse-piano-batterie classique qui l’appuie s’est exécuté avec brio. Et le public a réagi chaleureusement. Si elle n’évite pas tous les écueils du chant jazz, Nkwelle est dotée d’un timbre clair et d’une livraison impeccable, et elle parvient même à établir quelques prouesses vocales, surtout sur See See Rider.

Cedric Burnside

Scène Rogers, le 30 juin

PHOTO BENOIT ROUSSEAU, FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE JAZZ

Cedric Burnside

Issu de la lignée royale du blues du nord du Mississippi, fils du regretté batteur Calvin Jackson et petit-fils de son altesse R. L. Burnside, qui nous a pondu de petits bijoux de blues primitif sur le label Fat Possum, le batteur-guitariste-chanteur de 45 ans s’est présenté seul sur scène à 19 h devant un large public et dans une ambiance très familiale, effluves de grillades et de pizzas napolitaines à l’avenant. Le temps de trois chansons en solo évacuées avec la même qualité vocale qu’un Keb Mo mais avec une puissance soul qui traverse l’espace gazonné du Parterre symphonique, on a vite compris pourquoi son dernier disque, Hill Country Love, a remporté le prix Grammy du meilleur album blues. Avec ses accords ancestraux qui permettent d’échapper aux turpitudes de la ville avec un réalisme épique, Burnside nous a enfilé les Shake Em on Down en répétant : « C’est quoi, ce hurlement ? » Smile, Funky, Coming Real to Ya et You Got to Move ont été lancées dans le ciel montréalais telles de guérissantes incantations. Un batteur et un bassiste sont venus l’épauler, pour notre plus grand bonheur.