La Maison symphonique a été le parfait refuge samedi après-midi, alors que Laufey présentait au public montréalais le premier de deux spectacles dans la même journée.

La moyenne d’âge dans la Maison symphonique samedi était probablement plus basse que jamais. La chanteuse islandaise Laufey, du haut de ses 25 ans, a initié de nombreux jeunes au jazz, en se servant des réseaux sociaux, TikTok surtout, pour ramener le genre dans l’actualité de la musique grand public.

La file devant la table de produits dérivés (t-shirts, chandails, vinyles) aurait pu nous faire croire que l’idole des Gen Z Harry Styles était à Montréal ce week-end. Mais non, tout ce monde, c’était pour leur nouvelle chouchou, Laufey. Les petits ou grands nœuds de tissu dans les cheveux (comme les porte Laufey) et les belles robes d’été (tant pis pour la pluie !) étaient de mise. Certains étaient là entre amis, d’autres avec leurs parents.

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Les petits ou grands nœuds de tissu dans les cheveux étaient de mise pour le concert de Laufey.

En entrant dans la salle de la Place des Arts, on a tout de suite pu constater que ceux qui « likent » ses publications en ligne sont aussi prêts à lui montrer en personne à quel point ils apprécient sa musique.

Au-delà de TikTok, Laufey convie les jeunes mélomanes dans des espaces culturels comme la Maison symphonique et c’est beau à voir. L’enthousiasme avec lequel la foule a accueilli l’artiste faisait chaud au cœur.

Ça ne fait pas longtemps que Laufey profite de ce succès qui défie quelque peu les règles de la musique pop. Mais elle a rallié des admirateurs particulièrement fervents.

La formule choisie par Laufey pour la grande salle à l’acoustique naturelle de hauts standards était la bonne. La Maison symphonique, dans toute sa beauté et sa grandeur, peut être un piège pour les artistes qui s’y présentent. Si l’orchestre bénéficie de la structure, d’autres genres de prestations ne conviennent pas tout à fait au lieu.

L’artiste islandaise était accompagnée d’un grand ensemble de musiciens, dont un quatuor à cordes ainsi qu’un batteur, une contrebassiste, un guitariste et une claviériste, qui se sont installés à l’arrière-scène, en hauteur. Au centre, en avant, Laufey est passée du piano au violoncelle, a parfois pris sa guitare. Son jazz avait tout à fait sa place ici.

Une voix pour la Maison symphonique

Lorsque les lumières se sont tamisées, la claviériste a joué quelques notes, puis la guitare s’est jointe et l’air est devenu celui de While You Were Sleeping. Laufey arrive en courant doucement, élégante dans une courte robe blanche et de petits talons noirs, sous la trombe d’applaudissements.

Elle a ensuite attrapé sa belle guitare électrique rouge pour s’accompagner sur Valentine. Sa voix profonde, juste, est enchanteresse. Elle semble appartenir à ce lieu magique qu’est la Maison symphonique, comme si cette dernière était faite pour l’accueillir et la faire résonner.

Lorsqu’elle a déposé sa guitare et s’est déplacée sur scène pour Dreamer, le spectacle est devenu tout autre chose. Elle n’est pas la plus expressive, mais interprète avec une belle grâce et avec aisance cette chanson favorite de l’audience, tandis que les musiciens s’en donnent également à cœur joie. Les arrangements sont, tout le long, réussis et entraînants.

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Laufey à la Maison symphonique, samedi

« Est-ce qu’il y en a parmi vous qui sont en amour ? [Applaudissements] Est-ce que certains se sentent plutôt… en retard [falling behind] ? J’ai une chanson pour vous ! » Falling Behind, aux airs de bossa nova, est arrivée ensuite, tandis qu’elle attrape sa guitare acoustique.

Extrait de Falling Behind
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L’amour, ce sujet sans fond dans lequel puiser, est aussi celui dans lequel Laufey va le plus s’inspirer. Elle le fait intelligemment, raconte des histoires, elle est amusante à l’occasion, candide et franche.

Beautiful Stranger, qui vient juste après, par exemple, est à propos d’un beau garçon qu’elle a croisé dans le train un jour, a-t-elle raconté dans un moment un peu trop scripté, mais tout de même très drôle. « Je me suis demandé si on allait tomber amoureux, mais on n’a pas parlé finalement… À la place je suis rentrée à la maison et j’ai écrit cette chanson. »

Elle a troqué sa guitare pour son violoncelle pour conclure le morceau, un très beau moment de musique, démontrant que Laufey n’est pas seulement une stratège des réseaux sociaux, mais surtout une musicienne de grand talent qui a démontré que son succès est mérité.

Divertissante multi-instrumentiste

Elle est restée au violoncelle pour I Wish You Love puis s’est déplacée vers le piano à queue au milieu de la scène pour chanter une chanson « quand même triste » sur quelqu’un qu’elle a eu du mal à laisser aller. La mélancolique ballade… a fini de nous convaincre de l’ampleur du talent de la jeune auteure-compositrice-interprète.

Ridiculement habile derrière tous ses instruments, munie d’une voix qu’elle contrôle à la perfection, charmante dans son interprétation comme ses interactions, Laufey est tout à fait impressionnante.

« Quand j’étais jeune, je rêvais de faire cohabiter les musiques classique, jazz et pop, pour en faire mon propre mélange. Je ne pensais pas que c’était possible, mais c’est ce que vous me permettez de faire aujourd’hui », a-t-elle confié après un somptueux solo de piano.

Extrait de Goddess
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Goddess, l’une de ses chansons les plus récentes, a donné lieu à l’un des moments les plus puissants, tout en voix et en intensité, tandis que le rythme commençait d’ailleurs à stagner un peu. Fragile, Bewitched, Bored (introduite avec beaucoup de théâtralité, dans un autre moment scripté, mais agréable), Lovesick, From the Start (pour laquelle elle a donné la permission à son public de chanter le plus fort possible « même si on se trouve dans une magnifique maison symphonique », ce qu’il a fait avec entrain)… Laufey a pioché dans ses deux albums, surtout le plus récent, pour un spectacle globalement bien monté.

L’ovation qui a ramené sur scène la jeune Islandaise et ses musiciens leur a permis d’interpréter l’une des chansons les plus populaires du répertoire de Laufey, Letter to My 13 Year Old Self. L’exceptionnelle chanteuse a une dernière fois ravi les Montréalais avant de migrer vers la salle Wilfrid-Pelletier pour une seconde prestation prometteuse en soirée.