On a craint une partie de la journée de jeudi que ça vire à l’orage en soirée. L’averse est tombée en après-midi. Le temps a quand même été à la tempête sur la place des Festivals en soirée : devant l’une de ses plus grandes foules en carrière, Karkwa a fait la pluie et le beau temps.

On savait Karkwa au sommet de son art avant même qu’une seule note ne soit jouée. Avant même de mettre le pied au centre-ville, à vrai dire. En septembre dernier, quelques jours avant la parution de son album Dans la seconde, le groupe faisait déjà preuve d’une cohésion impressionnante à l’Esco. Quelques mois plus tard, au MTelus, c’était à la fois compact et fin, aérien et pesant.

Que Karkwa soit une fois de plus d’un aplomb impressionnant jeudi dans le cadre des Francos allait donc de soi. On en a eu la preuve dès les premiers morceaux, Ouverture, Parfaite à l’écran et Le pyromane. On sentait juste une petite différence, un peu plus de liberté encore sous les doigts de François Lafontaine et dans les éclats bruitistes de la guitare de Louis-Jean Cormier.

Au micro, le chanteur s’est avéré particulièrement solide. Plus dans son élément que mardi, lors de l’hommage à Ferland, assurément. On l’a rarement entendu chanter d’une manière aussi puissante, rocker autant de la voix que durant la première moitié de spectacle à l’énergie impressionnante.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Moins brouillon que souvent dans ses interventions, le chanteur a invité les spectateurs à profiter du moment présent. « On retourne se coucher dans notre boîte dans quelques mois pour je ne sais combien de temps », a-t-il dit, réitérant que cette réunion inespérée était et demeure temporaire.

Que restait-il à faire ? En profiter, justement. Apprécier que le groupe, complété par Martin Lamontagne (basse), Julien Sagot (percussions, guitare) et Stéphane Bergeron, gave nos oreilles de ses nouvelles chansons (Nouvelle vague, Gravité, Dans la seconde, etc.) et ressorte de son passé des chansons comme Le compteur (décapante et cosmique !), Oublie pas et Les chemins de verre. Puis ose jouer une chanson comme Marie tu pleures, que le quintette a rarement interprétée en concert, a précisé Louis-Jean Cormier.

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Les cinq membres de Karkwa sur la place des Festivals, jeudi soir

Karkwa s’est bonifié avec le temps comme le bon vin, même en ne jouant pas pendant la moitié de ses 25 ans d’existence, s’est amusé son chanteur. Ce n’est même pas de la prétention, c’est un fait. Dans la seconde, paru l’automne dernier, est le meilleur album du groupe. Qui n’a jamais joué de manière aussi soudée, maîtrisant pleinement à la fois ses pulsions rock qui déchirent et ce qu’on a envie d’appeler ses ambitions arty, faute d’un meilleur terme.

Ces gars-là ne doivent plus rien à personne artistiquement. Ils sont devenus un grand groupe. Qui n’a rien à envier aux grosses pointures du rock grinçant et songé britannique ou américain.

Le constat s’imposait de lui-même quand on l’écoutait déployer et faire rugir une chanson comme Dormir le jour, asséner une vieille chanson comme Le coup d’état ou ses morceaux plus récents, dont plusieurs doivent beaucoup aux folies sonores du pianiste François Lafontaine.

Que pouvait-on vouloir de plus au terme de ce concert que Louis-Jean Cormier a dit finir sur un pincement au cœur, craignant de ne plus jamais se retrouver sur la place des Festivals avec ces amis-là ? Que Karkwa, qui a invité sa ribambelle d’enfants à monter sur scène à la toute fin pour faire Le vrai bonheur, se réserve un autre sort, justement. Que cet été qui mènera le groupe dans presque tous les festivals de la province lui donnera envie de faire chauffer ses amplis plus longtemps que prévu.