Héritier du guitariste de Guns N’Roses, mais aussi de John Mayer et Réjean Bouchard, Ivan Boivin-Flamand est promis à de grandes choses. Rencontre avec un musicien qui sait choisir les bonnes notes.

Avec son béret, ses verres fumés et son médaillon de perles tressées, indiquant son prénom, Ivan Boivin-Flamand a toutes les allures d’une rock star née. Une impression que ne vient que confirmer son jeu de guitare fiévreux, mais toujours gracieux, sage et ardent, qui parvient en quelques notes à esquisser de vastes et chatoyants paysages.

« Depuis mes 5 ans, je sens les émotions à travers les notes. Ma mère raconte souvent comment je pleurais à chaque fois que j’entendais la chanson du cercle de la vie dans Le roi lion », se remémorait récemment le musicien atikamekw de 26 ans, rencontré à Rouyn-Noranda, au Festival des guitares du monde en Abitibi-Témiscamingue, lors duquel il accompagnait Richard Séguin. Son visage se fend d’un de ses sourires tendres. « Je me demande ce que le petit Ivan entendait dans cette toune-là. »

Originaire de Manawan, dans Lanaudière, Ivan Boivin-Flamand a grandi entre Joliette, La Tuque et sa communauté. « Mon grand-père paternel jouait de la batterie au pensionnat », confie-t-il au sujet de son héritage musical, en se remémorant aussi les road trips familiaux, durant lesquels sa mère faisait immanquablement retentir du Guns N’Roses, du Metallica et du Bon Jovi.

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Le guitariste Ivan Boivin-Flamand

Le solo de Bed of Roses sonnait comme si Richie Sambora faisait pleurer sa guitare. Et déjà à cette époque-là, je me disais : “J’aimerais ça faire vivre aux autres des émotions comme celles-là.”

Ivan Boivin-Flamand

Faire vivre des émotions, il en a de plus en plus souvent l’occasion, et compte tenu du nombre d’artistes qu’il accompagne, il est fort probable que vous le croisiez cet été, si vous mettez les pieds et les oreilles sur le site d’un festival.

Il vivait en octobre 2023 un des « moments préférés de sa vie », en grossissant les rangs de l’orchestre maison du Gala de l’ADISQ, ce qui lui aura permis de marier son instrument à une des voix les plus prodigieuses au Québec, celle de Ginette Reno.

« J’étais tellement content, parce que ma grand-mère est vraiment fan de Ginette Reno, dit-il. Et comme elle a le même physique que Ginette Reno, lorsque j’étais côté d’elle, sur scène, je me sentais comme si j’étais avec ma grand-mère. Après le gala, elle m’a appelé en pleurant. »

Le Hollywood de la musique autochtone

Ivan Boivin-Flamand n’a que 16 ans lorsque l’équipe de l’émission Le rythme, diffusée sur la chaîne APTN et animée par Samian, le remarque. Sa rencontre, lors des tournages, avec le batteur Louis-Philippe Boivin le mènera à Mani-Utenam, sur la Côte-Nord, où il a depuis noué certaines de ses relations créatives les plus fructueuses. Depuis, Ivan accompagne ou a accompagné plusieurs artistes innus, dont Scott-Pien Picard et Florent Vollant, en plus de compter parmi l’alignement du groupe Maten. Ce qui explique pourquoi on le prend parfois lui aussi pour un Innu.

Kashtin, ç’a été des icônes pour la musique autochtone et c’est pour ça que pour moi, me retrouver à Uashat Mani-Utenam, c’était comme arriver dans le Hollywood de la musique autochtone.

Ivan Boivin-Flamand

Parmi ses principales influences : Slash, à qui il a emprunté ce refuge d’un look signature lui permettant de sortir du lot, tout en voilant sa timidité. « Quand j’étais petit et que j’écoutais du Slash, ça me faisait penser aux TIE Fighters dans Star Wars », se souvient-il au sujet de ces vaisseaux de l’Empire galactique, à la fois agiles et rapides, mais fragiles. Comme ses solos à lui.

Son son immaculé, d’un éblouissant éclat, rappelle aussi celui de John Mayer. Set Me Free, le premier extrait d’un EP à paraître le 6 septembre, pointe d’ailleurs dans la direction d’un soft rock enivrant et satiné, en ligne directe avec le plus récent album du beau gosse américain, Sob Rock (2021), son hommage au yacht rock. « C’est un saut dans le vide, d’aller dans cette direction-là, observe Ivan, parce que pour bien des gens, encore à ce jour, musique autochtone rime seulement avec folk. »

Extrait de Set Me Free, d’Ivan Boivin-Flamand
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Réjean Bouchard, un mentor

Mais le plus influent mentor d’Ivan Boivin-Flamand demeurera Réjean Bouchard, à qui il rendait hommage au Festival des guitares du monde en Abitibi-Témiscamingue, durant ses deux spectacles au sein du groupe de Richard Séguin.

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Ivan Boivin-Flamand en répétition avec Richard Séguin

Accompagnateur de l’auteur de Journée d’Amérique, mais aussi de Pierre Flynn, Roch Voisine, Chloé Ste-Marie, Claire Pelletier et Florent Vollant, le regretté guitariste, mort en juillet 2023, aura été parmi les plus indéfectibles amis du peuple innu et des musiciens autochtones du Québec, en général.

À Mani-Utenam, Ivan et Réjean se retrouvaient souvent en soirée au Studio Makusham, pour jaser musique autour d’une bière, des moments informels, mais essentiels, de transmission.

En route vers Rouyn-Noranda, j’ai écouté beaucoup de chansons de Richard Séguin sur lesquelles on entend Réjean, pour me pratiquer dans ma tête. J’ai pleuré un bon coup. Réjean me manque.

Ivan Boivin-Flamand

Malgré toutes les ressources d’expression à sa virtuose disposition, Ivan Boivin-Flamand aura retenu de son maître qu’il vaut mieux savoir choisir la bonne note que d’en enfiler des tonnes, sans réellement les incarner.

Qu’est-ce qu’un bon solo ? lui demande-t-on. « J’aime les solos qui respirent. Je pense que le moment où tu laisses un silence est plus important que les notes que tu joues. » Longue pause. « En fait, ce que je veux dire, c’est qu’un bon solo, c’est mettre les bonnes notes aux bonnes places. »

Membre du groupe Maten, il sera sur la scène Loto-Québec le 19 juin, à 18 h, dans le cadre des Francos. Ivan Boivin-Flamand sera aussi à Québec le 21 juin, à Petite-Vallée le 2 juillet et à Mani-Utenam le 4 août.

Consultez la page du spectacle de Maten aux Francos