Avec Ti-Kid, S.P., leader de Sans Pression, a créé le seul album qu’il aurait pu faire il y a 25 ans. 514-50 dans mon réseau est le reflet d’un parcours difficile marqué par des arrêts dans des lieux fort différents.

Avant

Né à Buffalo, aux États-Unis, Kamenga Mbikay est arrivé au Québec enfant. « J’étais le seul anglophone à l’école, le seul Noir à Sherbrooke. C’était difficile », relate S.P.

Vers l’âge de 10 ans, il découvre le hip-hop par l’entremise du breakdance. Quelques années plus tard, tandis qu’il habite maintenant LaSalle, à Montréal, il rédige ses premiers vers en anglais et forme un groupe avec ses cousins. MC Solaar, le Mouvement rap francophone et Dubmatique parviennent à ses oreilles alors qu’il déménage à Saint-Bruno-de-Montarville. « Même si je prenais ça au sérieux en anglais, je ne sentais pas qu’on m’écoutait, confie S.P. J’ai commencé à écrire en français, puis j’ai fait le test sur une foule. Après deux phrases, tout le monde capotait ! J’ai annoncé à mes cousins : “Je rappe en français à partir de maintenant.” »

Mais, au milieu des années 1990, il est difficile d’envisager une carrière rap au Québec. « Avant le premier album, c’était la vie de la rue. Je ne fréquentais pas nécessairement des exemples à suivre, admet S.P. La musique m’a sauvé la vie, je pense. Elle m’a donné un but. »

C’est à l’école secondaire à Saint-Bruno qu’il rencontre Jean-Philippe Guillaume, alias Ti-Kid, aujourd’hui Le Youngin. Haïtien, ce dernier mélange français et créole dans ses textes. Sous le nom Sans Pression, attribué au duo par l’organisatrice d’un spectacle amateur à l’école, celui-ci livre des récits crus d’une réalité presque inconnue ici sur des beats lourds. Rapidement, le son unique du tandem génère de l’attention. « La maison de disques ne voulait pas de créole sur l’album. C’était un risque pour eux. Il a vraiment fallu que je me batte », indique S.P. 514-50 dans mon réseau s’écoule à plus de 30 000 exemplaires à la suite de sa sortie en mai 1999.

Pendant

Différents facteurs empêchent toutefois le leader du groupe d’apprécier son succès.

« Peu après la sortie, je me suis séparé de Ti-Kid et j’ai lâché le rap. J’avais l’impression que tout le monde dans la rue voulait me tuer. J’avais des ennemis partout. Juste avant, je m’étais fait péter la gueule par des motards. C’est pour ça que c’est un dessin sur la pochette, j’étais défiguré. »

En 2003, la naissance de son fils recentre S.P. et l’inspire à reprendre son stylo. « Un jour, j’ai vu la vidéo de Lose Yourself, d’Eminem, et on aurait dit qu’il me parlait à moi. J’ai déposé mon garçon et j’ai écrit Pas le choix de foncer et Derrière mon sourire. » Il mentionne aussi l’irruption du collectif 83 sur scène au Gala de l’ADISQ pour réclamer plus de visibilité pour le rap, en 2002, comme source de motivation.

Je me suis dit : le rap queb a besoin de moi !

S.P., de Sans Pression

Deux ans plus tard, à ce même gala, son disque Répliques aux offusqués, encensé par les fans et la critique, n’est pas cité. Loco Locass est récompensé du Félix de l’album rap de l’année, mais le remet à S.P., en signe de respect.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Biz, de Loco Locass, et S.P. en 2004

Ses œuvres suivantes, dont La tendance se maintient et Vagabond ma religion, n’obtiennent pas la même reconnaissance, mais sont bien reçues par le milieu du hip-hop.

Maintenant

Même s’il estime que sa contribution à la culture québécoise n’est pas appréciée à sa juste valeur, possiblement parce qu’il n’est « pas politically correct par bouttes », S.P. est reconnaissant d’être toujours actif. « Je fais encore des shows. Quand j’enregistre une bonne toune, je suis heureux. […] Personne ne pensait me voir devant une foule en train de chanter. Je suis un gars réservé. Mes parents m’ont connu à travers ma musique. »

En prévision de son prochain disque, S.P. accumule les chansons. Il a récemment lancé la pièce Fragile en plus de ses collaborations avec Dual-IT, Cobna, Dan-P et SeinsSucrer.

« Mon album, Le Parrain, sera peut-être divisé en quatre parties. T’es le premier à qui j’en parle ! » On se permet de lui suggérer trois chapitres, comme la trilogie de Francis Ford Coppola. « Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. »

S.P. sera en spectacle ce samedi 8 juin, au Bar Bellevue 98, à Saint-Calixte ; et le 13 juin, au Musique Fest, à Rivière-du-Loup.

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