(Gatineau) On ne va pas voir Renaud sur scène en 2024 sans savoir qu’il n’a plus la voix qu’il avait. Son spectacle de mardi, à Gatineau, concert inaugural de sa première tournée québécoise en plus de 15 ans, a néanmoins donné à voir une icône radicalement diminuée, qui ne marche plus qu’à l’ombre d’elle-même.

Il faut avoir beaucoup aimé Renaud pour l’applaudir comme l’a fait la foule venue le voir à la salle Odyssée de Gatineau, mardi. La salle entière s’est levée à la fin du bloc principal du spectacle pour réclamer un rappel. Renaud venait pourtant d’enfiler péniblement une vingtaine de chansons, une contre-performance jamais vue en 25 ans de métier.

Il se tenait le plus souvent au centre de la scène, immobile, le regard porté au loin sur la foule. Il l’avait aussi parfois vissé à ses pieds, là où se trouvait un écran servant sans doute de téléprompteur. Que Renaud ait besoin d’une telle béquille pour éviter les trous de mémoire lorsqu’il chante n’est pas un problème. Ce qui en est un, c’est qu’il chante désormais moins que jamais.

  • Renaud était en spectacle à la salle Odyssée de Gatineau, mardi soir.

    PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

    Renaud était en spectacle à la salle Odyssée de Gatineau, mardi soir.

  • Renaud en spectacle à la maison de la culture de Gatineau

    PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

    Renaud en spectacle à la maison de la culture de Gatineau

  • Renaud était en spectacle à la maison de la culture de Gatineau, mardi soir.

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    Renaud était en spectacle à la maison de la culture de Gatineau, mardi soir.

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Il est facile de dire qu’il n’a jamais eu une grande voix. C’est vrai, bien sûr. Il suffit toutefois de réécouter ses disques des années 1980 et du début des années 1990 pour se rappeler qu’il en avait bien assez pour haranguer son public et en faire battre le cœur. Il faut l’avoir vu sur scène il y a 25 ou 30 ans pour savoir que Renaud avait tout ce qu’il fallait de vigueur dans les cordes vocales. Pour se rappeler également qu’il était aussi divertissant quand il parlait entre ses chansons qu’il pouvait être touchant en les chantant.

Que restait-il de ce Renaud-là mardi à Gatineau ? Presque rien, malheureusement.

Planté au milieu d’un généreux orchestre d’une dizaine de musiciens – surtout des cordes –, il marmonnait des mots que l’accordéoniste n’arrivait plus à faire pleurer. Même en connaissant par cœur les paroles de Germaine, Mort les enfants, La pêche à la ligne, Cent ans, Marchand de cailloux, Manhattan-Kaboul, La mère à titi et presque toutes les autres chansons jouées mardi, on saisissait à peine un mot sur trois…

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Renaud était en spectacle à la maison de la culture de Gatineau, mardi soir.

Qu’a fait la foule devant cette catastrophe ? Elle a écouté. Poliment. Quelques fois avec une émotion palpable comme pendant Mistral gagnant. Ou avec surprise, comme pendant Sur mon épaule, empruntée aux Cowboys Fringants et dédiée à Karl Tremblay. Elle a aussi chanté un peu, avec joie, en souvenir des plaisirs d’hier, pendant Dès que le vent soufflera, interprétée en fin de programme.

On peut arguer que Renaud ne fait pas de cachette des problèmes de santé qui le minent depuis sa première grande descente au fond de la bouteille de Ricard au tournant des années 2000. On peut dire que ceux qui achètent des billets pour le voir en 2024, après des passages au Québec peu convaincants en 2001 et en 2007 et après avoir vu passer les vidéos qui circulent de ses concerts en France, le font en toute connaissance de cause.

Mais il reste que ce qu’il y avait de plus beau dans ce concert, c’était la musique. Les morceaux avaient été arrangés avec beaucoup d’élégance pour un orchestre dominé par les cordes – violon, alto, violoncelle – soutenues ici par une guitare, là par un accordéon et un piano.

Ces musiques, jouées avec la sensibilité ou l’entrain qu’elles commandaient, se rapprochaient ici de la valse musette et là de ces airs irlandais qu’affectionne Renaud. C’est là que l’oreille devait se réfugier pour trouver un plaisir.

Il faut avoir aimé beaucoup Renaud pour l’écouter avec une telle attention pendant plus de deux heures, malgré sa verve perdue, malgré cette voix qui se perdait dans les dérapages rauques et malgré les problèmes de diction si importants qu’on ne comprenait parfois même pas ce qu’il disait. On a vu à peine une demi-douzaine de personnes quitter la salle avant la fin du concert. Une telle preuve d’amour, c’est du jamais-vu.

En concert à Sainte-Agathe-des-Monts (16 mai), Montréal (17 mai), Trois-Rivières (19 mai) et Québec (21 mai)

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