Le public de la salle Bourgie a fêté le pianiste Bruce Liu pour son retour en solo dans sa ville natale. Un récital empreint d’une énergie rare et d’une vraie distinction.

C’était un des quelques concerts complets de la saison à la salle du Musée des beaux-arts. Il faut dire que le pianiste, maintenant âgé de 27 ans, a été propulsé comme une étoile filante depuis sa victoire sans équivoque au Concours Chopin de Varsovie, il y a déjà presque trois ans. Ses présences au Québec ne sont pas légion, et le public est chaque fois au rendez-vous.

Ce que Liu a présenté à Montréal, il le joue et il le jouera (à quelques variantes près) un peu partout dans les prochaines semaines en Amérique du Nord et en Europe, notamment à Chicago, à Verbier et au Wigmore Hall de Londres.

Un menu diversifié qui comporte de grands classiques du répertoire pianistique (la Sonate n2 en si bémol mineur, op. 35, de Chopin, et la Sonate n7 en si bémol majeur, op. 83, de Prokofiev), une sonate classique pas si connue (la Sonate en si mineur, Hob.XVI:32, de Haydn), quelques morceaux pour clavecin de Rameau (Les tendres plaintes, Les cyclopes, Menuets I et II, Les sauvages, La poule et la Gavotte et six doubles) et une rareté, les Variations, op. 41, passionnante improvisation jazz mise sur papier par le Russe Nikolaï Kapoustine, mort il y a tout juste quatre ans.

Le premier mouvement de la sonate de Haydn, en début de programme, est nerveux, mais aussi impérieux. Le menuet central, dont l’allant un peu inhabituel ne l’empêche pas d’être élégant, laisse ensuite place à un finale vraiment « presto », d’une légèreté presque mendelssohnienne.

La sonate de Chopin vient dans un semblable torrent, avec un premier mouvement emporté, ce qui n’empêche pas le second thème lyrique de se déployer. Le Scherzo, un peu carré en première partie, et quelque peu affecté dans sa partie centrale, convainc moins. La Marche funèbre est pour sa part peut-être plus poignante dans un tempo très lent, mais la façon qu’a Liu de la faire, presque à l’arraché, fend autant le cœur.

Si les Variations de Kapoustine manquaient légèrement de spontanéité, de déhanché, les six pièces de Rameau nous ont montré un autre visage du musicien, qui les a enregistrées chez Deutsche Grammophon, ce qui est tout à son honneur vu l’indifférence que démontrent généralement ses collègues pianistes pour ce répertoire qui ne devrait pas être l’apanage des clavecinistes.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Zhan Hong Xiao, étudiant en piano au Conservatoire de musique de Montréal

Si Les tendres plaintes peuvent manquer de simplicité par moments, l’ensemble impressionne par sa maîtrise et le raffinement qu’y met l’artiste, qui ornemente sans exagération.

La soirée se terminait par Prokofiev. Si le Precipitato final a été fait avec un tempo prudent (il est malheureusement rare qu’on entende ce morceau périlleux réellement « précipité »), les deux autres ont montré un pianiste sûr de ses moyens, possédant un sens narratif et une palette de couleurs à toute épreuve.

En rappel, Liu a joué la transcription (en si mineur) par Alexandre Ziloti du Prélude et fugue en mi mineur, BWV 855, de Bach, qu’il avait déjà jouée après le Concerto no 2 de Rachmaninov au premier concert de l’Orchestre Métropolitain en septembre dernier, puis la Valse en ré bémol majeur, op. 64, n1, de Chopin (connue sous le nom de « Valse minute » ou « Valse du petit chien »).

En début de concert, nous avons pu entendre un ancien élève de Richard Raymond (ancien professeur de Liu au Conservatoire), Zhan Hong Xiao, 25 ans, qui a joué la très musclée transcription par Guido Agosti de la Danse infernale et du Finale de L’oiseau de feu de Stravinski. Il a été dépassé par moments par l’ampleur de la tâche, mais il a une vraie personnalité au piano. On suivra son évolution dans les prochaines années.