John Butcher est une figure incontournable de l’avant-garde britannique depuis au moins 40 ans.

Votre première rencontre avec le saxophone ?

J’étais à l’école, vers 16 ans. On est allés chez un ami de mon frère, qui avait un sax. J’ai adoré le son. Il m’a amené dans un magasin pour en essayer. J’en ai acheté un tout de suite, puis j’ai commencé à apprendre par moi-même.

Pourquoi avoir choisi la voie expérimentale ?

J’étais un fan de jazz, mais je sentais que ce n’était pas vraiment ma musique. Que c’était la musique de quelqu’un d’autre. Je sentais que je serais plus honnête en poussant vers l’expérimentation. Le saxophone a cela de bien qu’il est flexible et qu’on peut s’en servir pour jouer toutes sortes de musiques. Un musicien que j’ai beaucoup admiré était le guitariste Derek Bailey. Quand j’étais plus jeune, il jouait souvent à Londres. Il avait trouvé une façon de jouer que je n’avais jamais entendue auparavant.

Comment décrivez-vous votre musique ?

C’est une musique improvisée, créée en temps réel. Une musique où tu amènes l’auditoire en voyage avec toi, en même temps que tu découvres toi-même cette musique.

Dans un sens, c’est la musique live ultime.

Une forme d’expérience collaborative. Il y a aussi l’exploration de nouveaux sons, de nouvelles façons de les utiliser. Ces sons induisent une autre façon de créer. Ça peut être très excitant… Ces jours-ci, j’essaie d’aller sur scène l’esprit le plus vide possible. Après un certain temps, il y a un transfert qui s’opère entre le travail conscient et le travail inconscient. Je prends des décisions sans même savoir que je les prends. Ce n’est pas comme dans la vie normale. Quand je joue, c’est un des rares endroits où je suis entièrement dans le moment présent.

Que dire aux gens qui vous pensent inaccessible ?

Il ne faut pas sous-estimer la personne qui écoute. Les gens sont souvent plus ouverts qu’on le pense. Si tu peux leur montrer autre chose, la curiosité va souvent l’emporter. Quand on rencontre quelque chose qu’on ne comprend pas, on peut le voir comme une menace, mais on peut aussi le voir comme une invitation…

Quand pouvez-vous dire qu’un de vos concerts était réussi ?

En général, j’improvise à 80 % avec des choses que je connais et à 20 % avec des choses que je ne connais pas… Je suis satisfait quand je sens que j’ai atteint un bon équilibre entre les deux. C’est ce qui garde la musique en vie. Quand on joue, on ne cherche certainement pas la performance parfaite. On cherche quelque chose de vivant, d’authentique et qui a un bon son !

Quel concert donnerez-vous à Victoriaville ?

Je serai en duo avec la pianiste Sophie Agnel. Sophie est parvenue à combiner le monde du clavier et celui de l’action directe sur les cordes. Elle travaille sur les touches, mais aussi avec des objets, ses doigts, à l’intérieur du piano, dans la lignée de John Cage et Henry Cowell. C’est un monde fertile pour les improvisateurs. Parce que ça fait que l’instrument devient plus qu’une machine à écrire musicale. Tu peux sculpter le son davantage. C’est aussi ce que j’essaie de faire avec mon saxophone. Ce sera notre cinquième performance ensemble. Complètement improvisée. Je pense qu’on se fait mutuellement confiance. C’est ça, la clé…

John Butcher et Sophie Agnel, au Carré 150 (salle F. Lemaire), le 18 mai à 15 h, dans le cadre du Festival de musique actuelle de Victoriaville

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