Un nouvel âge d’or du cinéma pour adolescents est né dans les années 1980 à Hollywood et a séduit toute une génération de jeunes cinéphiles, pour qui les Breakfast Club, Pretty in Pink et Sixteen Candles sont devenus des classiques qu’ils font découvrir à leur progéniture aujourd’hui.

Ainsi, des acteurs et actrices débutants sont devenus la coqueluche de jeunes qui s’identifiaient à eux, dans des films qui se penchaient exclusivement sur leurs réalités : Anthony Michael Hall, Molly Ringwald, Ally Sheedy, Judd Nelson, Emilio Estevez, Rob Lowe, Andrew McCarthy, Demi Moore, Lea Thompson, Jon Cryer, James Spader, Matthew Broderick…

Personnellement, j’étais fan de Molly Ringwald, qui m’a convaincue qu’être rousse était cool, et j’ai pratiquement vu tous les films pour ados de cette décennie – plus d’une fois, puisque les clubs vidéo sont nés à peu près en même temps.

Le phénomène était assez notable pour qu’en 1985, un journaliste du New York Magazine, David Blum, surnomme « Brat Pack » les figures les plus en vue de cette cohorte – un clin d’œil au « Rat Pack », la bande de Frank Sinatra – pour dépeindre, de façon un peu moqueuse, ces comédiens qui faisaient la fête comme bien des jeunes de leur âge. En fait, en voulant faire un portrait d’Emilio Estevez, David Blum a plutôt analysé une vogue, en soulignant que plusieurs de ces comédiens jouaient dans les mêmes films pour ados considérés comme « légers ».

Ce surnom est resté, mais il n’a pas plu aux principaux concernés, en particulier Andrew McCarthy, qui a décidé, près de 40 ans plus tard, de réaliser le documentaire Brats, offert sur Disney+ dès le 28 juin. Andrew McCarthy est celui qui incarnait souvent le garçon romantique et preppy dans les films des années 1980, et on découvre qu’il a toujours eu une petite crotte sur le cœur depuis la parution de cet article qui, croit-il, a fait dévier sa carrière.

À cette époque, tous les aspirants acteurs voulaient faire partie du « Brat Pack », dit-il, sauf ceux qui se sont retrouvés bien malgré eux affublés de cette étiquette. En fait, de cette génération cinématographique, ils sont nombreux à avoir eu ensuite une carrière plus modeste que les quelques rares qui sont devenus des stars, comme Demi Moore ou Tom Cruise.

Andrew McCarthy épluche son carnet de contacts pour joindre ses anciens collègues, à qui il n’a pas parlé depuis des lustres, bien souvent. Le documentaire montre la quête de McCarthy qui tente de comprendre ce qui lui est arrivé, de savoir si les autres ont aussi détesté être du « Brat Pack », car ils n’en ont jamais vraiment parlé ensemble. À commencer par Emilio Estevez, celui par qui tout ça est arrivé en accordant cette entrevue au New York Magazine. Il confie à McCarthy avoir volontairement pris ses distances avec le « Brat Pack » pour ne plus y être associé. Demi Moore et Rob Lowe ne semblent pas en avoir trop souffert, même s’ils n’ont pas apprécié. Ally Sheedy comprend davantage McCarthy. Mais on sent que le sujet est sensible en constatant le refus ou l’absence de participants qu’on aurait tellement aimé entendre, comme Molly Ringwald, Judd Nelson ou Anthony Michael Hall. Mais tous ceux et celles qui se prêtent au jeu de l’interview (on entend aussi Lea Thompson, Jon Cryer et Timothy Hutton) reconnaissent que cette attention médiatique était lourde à porter à un si jeune âge et au moment où leurs carrières décollaient.

En fait, si Andrew McCarthy n’avait fait que discuter de sa rancœur avec ses collègues, cela aurait donné un documentaire un peu malaisant, car on sent qu’il a été blessé longtemps par cette étiquette.

Heureusement, il discute aussi avec des réalisateurs, des agentes de casting et des critiques de l’époque – notamment l’écrivain Bret Easton Ellis, à jamais identifié aux années 1980 – pour décrire un moment très intéressant de la culture populaire qui a influencé toute une génération de façon un peu homogène (ces vedettes étaient aussi toutes blanches), puisque nous étions avant l’internet et les réseaux sociaux qui ont créé une autre culture adolescente beaucoup plus fragmentée.

Certes, il s’agissait de films pour adolescents, mais c’était des films de qualité plutôt irrésistibles, qui avaient des bandes sonores du tonnerre reconnaissables encore aujourd’hui, en particulier les films du regretté John Hughes (Breakfast Club, Weird Science, Pretty in Pink, Ferris Bueller’s Day Off, Some Kind of Wonderful, etc.).

Ces films ont créé les nombreux canevas de ce que l’on appelle les coming of age movies, ces histoires de passage à l’âge adulte. Bret Easton Ellis fait aussi remarquer que les parents et les adultes sont en général absents de ces films, ce qui permettait au jeune public de s’immerger totalement dans ces histoires.

Le documentaire se termine en quelque sorte sur une réconciliation, car Andrew McCarthy interroge David Blum, celui qui a lancé le « Brat Pack ».

« J’ai eu l’impression que j’avais perdu le narratif de ma carrière », lui dit-il, en ajoutant qu’il s’est senti offensé qu’on ne prenne pas son travail au sérieux. Mais le journaliste ne regrette rien, il était plutôt content de l’effet de son article à l’époque et étonné de la réaction négative de la petite bande d’acteurs qu’il trouvait sympathiques, au fond.

L’un de mes films préférés de cette époque était St. Elmo’s Fire de Joel Schumacher que je regardais avidement pendant mon adolescence, persuadée que ce qui arrivait à ces personnages n’ayant que quelques années de plus que moi était ce qui m’attendait après l’école secondaire. En voyant ces retrouvailles entre vedettes qui m’ont tellement fait rêver dans les années 1980, je me suis surprise à espérer une suite à St. Elmo’s Fire. Ce serait sûrement un succès auprès des gens de ma génération. En ce qui me concerne, je ne pourrais pas résister, comme je n’ai pas pu m’empêcher de voir ce documentaire.

Brats

Documentaire

Brats

Andrew McCarthy

Sur Disney+ le 28 juin