(New York) All by Myself. C’est assurément le fil conducteur du documentaire I Am: Celine Dion (Je suis : Céline Dion), qui dépeint la diva de Charlemagne comme une femme seule, isolée pendant la pandémie et prisonnière d’une maladie rare, aux effets dévastateurs sur son instrument de travail.

La réalisatrice du film, Irene Taylor, que j’ai rencontrée mardi, partage la vision de cette Céline esseulée et solitaire, qui porte un lourd secret.

« Avant de révéler son diagnostic, Céline vivait une période extrêmement difficile où elle ne donnait plus de spectacles, où elle ne savait pas ce qu’elle avait et où elle prenait un cocktail de médicaments pour pouvoir marcher et parler. Je ne qualifierais pas sa solitude de pathétique, il s’agissait plutôt d’une solitude existentielle. Elle avait perdu sa connexion avec le monde qui passait par ses fans », explique Irene Taylor, qui a pénétré dans la bulle de Céline Dion entre l’automne 2021 et celui de 2022.

Où se trouvaient les amies de Céline pendant cette période noire ? Ses frères et ses sœurs ? Ses proches ? Il y a du personnel autour d’elle, bien sûr. Mais qui de sa garde rapprochée s’occupait d’elle ?

Il y a une scène terriblement triste où Céline, drapée dans une longue robe fleurie, écoute du Maria Callas, étendue sur une chaise extérieure, comme si elle s’apprêtait à rendre son dernier souffle. Seul son chien Bear, une femelle golden retriever, la réconforte.

Ce film de 1 h 42, qui sort le 25 juin sur Prime Video, montre beaucoup les jumeaux Nelson et Eddy, 13 ans, et pratiquement pas René-Charles Angélil. Le chien de Céline devient quasiment un personnage principal, toujours endormi aux pieds de sa célèbre maîtresse.

PHOTO ANDREW KELLY, REUTERS

Irene Taylor et Céline Dion lors de la première new-yorkaise du documentaire

Le chien était toujours avec elle. Je blaguais que Bear était son public d’une personne. Céline se baladait, en pantalon d’entraînement, partout dans sa maison, elle glissait d’une pièce à l’autre et Bear la suivait partout.

Irene Taylor, réalisatrice de Je suis : Céline Dion

Alerte au divulgâcheur : la belle Bear est décédée de façon prématurée après le tournage du documentaire. Le générique en fait d’ailleurs mention.

Malgré les passages sombres que vous venez de lire, Je suis : Céline Dion n’est pas une œuvre déprimante. La portion sur le syndrome de la personne raide occupe, en fin de compte, vraiment moins de temps d’écran que la rétrospective de la carrière fructueuse de l’interprète de 56 ans. Bref, c’est davantage une biographie complète que le combat d’une diva contre des spasmes incontrôlables.

On y renoue avec la Céline modeuse et rigolote quand elle ouvre les portes de son entrepôt de vêtements, rempli d’escarpins griffés et de robes de designer. Elle raconte que peu importe la taille d’un soulier à talon haut, d’une pointure 6 à un 10, elle s’organisera pour entrer dedans, quitte à se détruire les orteils.

Le documentaire recule la cassette très loin dans le temps pour rappeler les origines modestes de Céline, ses 13 frères et sœurs, ses parents musiciens Adhémar et Thérèse, les tartes aux carottes que Maman Dion cuisinait quand le frigo était vide, l’accouchement de René-Charles, l’arrivée des jumeaux Nelson et Eddy, les funérailles de René Angélil, l’enregistrement difficile des chansons pour la bande originale du film Love Again (quel navet !), des extraits de ses bouffonneries chez Jimmy Fallon, on se tape la Musicographie complète. C’est franchement moins intéressant pour le public québécois, qui a déjà vu ces images d’archives des dizaines de fois.

PHOTO ANDREW KELLY, REUTERS

Céline Dion a rencontré ses fans avant la première, lundi soir.

Le meilleur, c’est cette percée dans l’intimité de Céline Dion, qui se montre au naturel, sans aucun artifice. J’aurais pris un film complet là-dessus, sans bouts de concerts ni rien.

À propos des mégadoses de médicaments qu’elle consommait, Céline ne révèle rien de plus que ce qui a déjà été médiatisé. « Une pilule de plus, deux de plus, cinq de plus, trop de pilules, le show must go on », confie-t-elle à la caméra, résignée. Encore ici, j’aurais creusé davantage. Qui a prescrit tout ça ? Mystère.

Céline Dion parle majoritairement en anglais dans le film et les jumeaux s’adressent à elle dans les deux langues. Il y a une portion plutôt inutile – et très longue – où Céline enregistre un message vidéo rendant hommage au chanteur australien John Farnham (You’re the Voice) sans que l’on sache trop pourquoi.

Et Céline ne serait pas Céline sans quelques métaphores comico-douteuses. Cette fois-ci, c’est la pomme qui y a goûté. Voyez-vous, Céline Dion offre depuis 40 ans de belles pommes brillantes et juteuses à ses fans. Si elle n’a plus de pommes à distribuer (comprendre : si elle ne chante plus), ses admirateurs viendront-ils encore l’applaudir ?

Un fan lui a répondu que ce n’est pas tant la pomme qui l’intéresse, mais bien l’arbre qui les produit. Et Céline a pleuré en constatant que ses branches avaient encore des fruits à donner, même en plus petite quantité.

Le film se termine avec la fameuse scène de crise, où tous les muscles, tendons et nerfs de Céline se raidissent en pleine séance de physiothérapie. Sans vouloir être macabre, c’est comme regarder une personne possédée par le démon, le visage tordu par la douleur et l’impuissance. C’est traumatisant.

La réalisatrice Irene Taylor se trouvait dans la petite pièce quand Céline Dion a vécu cet épisode infernal. « J’ai enfoncé mes écouteurs sur mes oreilles, parce que je n’entendais plus Céline respirer. Cela a été le moment le plus inconfortable. Si je n’avais pas été en train de tourner, j’aurais demandé : est-ce qu’il faut composer le 911 ? Qu’est-ce que je peux faire ? Mais chacune des personnes dans la pièce avait un rôle à jouer. Il y avait le physiothérapeute, il y avait une personne qui la réconfortait et la maintenait sur la table et il y avait son imprésario au téléphone avec le médecin. Et nous n’étions pas des figurants, nous avions aussi un travail à faire », raconte Irene Taylor.

« Nous aurions rendu Maman Dion fière, poursuit Irene Taylor. Nous n’avons pas reculé. Et nous avons continué de filmer. »

Cette scène, si difficile soit-elle à visionner, vous fera tout comprendre des dernières années de la vie de la superstar. That’s the Way It Is.

Les frais de déplacement et d’hébergement pour cette chronique ont été payés par Prime Video, qui n’a eu aucun droit de regard sur son contenu.