Yves Desautels n’aura plus à prononcer les mots heure de pointe, accrochage, remorquage, pare-chocs contre pare-chocs, bouchon, ralentissement et feux défectueux. Mais surtout, il n’aura plus à zigzaguer entre les nids-de-poule et les cônes orange qui se comptent par milliers dans les rues de Montréal – du moins pour le travail.

Au terme d’une carrière de 47 années, dont 26 comme chroniqueur à la circulation sur ICI Première, il lègue à quelqu’un d’autre le Hérisson, ce véhicule à bord duquel il circulait tous les jours. L’heure de la retraite et de la dolce vita a sonné pour lui.

Je l’ai joint vendredi alors qu’il émergeait du « tsunami d’amour » qu’il avait reçu la veille de la part de ses collègues et des auditeurs.

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Yves Desautels, chroniqueur à la circulation d’ICI Première, nouvellement retraité

On a annoncé mon départ le 6 mai. Il y a donc eu un crescendo. Mais j’avoue que la dernière journée a été très émouvante. Ça a été rough. Je ne savais pas que les gens m’aimaient autant que ça.

Yves Desautels, chroniqueur à la circulation d’ICI Première, nouvellement retraité

J’aime redire cette chose : la radio crée un lien incomparable avec le public. C’est sa grande force. Le départ d’Yves Desautels est un exemple éloquent de cette relation puissante. Authentique, spontané, gentleman, ce chroniqueur est tout cela à la fois. Et les auditeurs l’ont toujours ressenti.

Mais une autre chose explique sa crédibilité : Yves Desautels était le seul chroniqueur responsable de la circulation à se jeter tous les jours dans le feu de l’action. Les écrans qui renvoient les images des carrefours achalandés, ce n’était pas pour lui. « Quand j’ai commencé en 1998, tous les chroniqueurs à la circulation étaient dans un véhicule. J’ai été le dernier à faire ça. Ça m’a permis de vivre les mêmes problèmes que les auditeurs. Quand il y avait des choses qui n’avaient pas d’allure, je le disais. Les gens sentaient ça. »

Cette journée chargée d’émotion a commencé avec l’équipe de Tout un matin. L’hommage qui lui a été rendu s’est conclu d’une charmante façon lorsque Patrick Masbourian, aidé de ses coéquipiers, a interprété une version remaniée de la chanson La bicyclette, d’Yves Montand.

Quand il partait de bon matin
Quand il partait sur les chemins
En camionnette
[…]
Et puis y avait les cônes orange
Et les maudits changements de sens
Les rues piétonnes, les ventes-trottoirs
Et les vignettes

L’équipe de VIA Rail, Geneviève Guilbault, ministre des Transports, René Homier-Roy, Michel Désautels et Denis Niquette ont tous souligné son professionnalisme et sa bonne humeur. Mais ce qui a fait craquer celui qui avoue « pleurer souvent », ce sont les témoignages de sa conjointe, Francine, et de ses trois enfants, Anouk, Simon et Étienne.

Écoutez l’hommage à Yves Desautels à Tout un matin

En après-midi, ce furent les derniers adieux à l’émission Le 15-18. Yves Desautels espérait depuis quelques jours qu’aucun gros évènement médiatique ne vienne gâcher ce moment. Or, durant le bulletin de 17 h, le verdict de culpabilité de Donald Trump est tombé. Bang ! Il en fallait toutefois plus à Annie Desrochers et à ses collaborateurs pour taire le départ de leur collègue.

Pour son dernier passage au retour à la maison, Yves Desautels a tenu à avoir auprès de lui deux fidèles « collaborateurs routiers », Yves Laforest et Claude Milette. Ce dernier a dit que le chroniqueur était une sorte de cardiologue de la route. « Il travaille pour une boîte au grand cœur, il évolue au cœur d’une grande ville et il est un spécialiste des artères. »

Écoutez l’ouverture du 15-18 avec Yves Desautels

Le hasard fait qu’Yves Desaultels prend sa retraite au moment même où La Presse publie un numéro qui a pour titre Ralentir. S’il y en a un qui nous a souvent répété de ralentir, c’est bien lui. Mais au moment d’entamer sa retraite, a-t-il bien préparé cette étape qui permet de changer de vitesse ? « On a toujours voyagé en juin. Là, on pourra partir en septembre. »

Amateur de vélo et de tennis, il a aussi l’intention de consacrer du temps à ces passions.

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Yves Desautels a passé 26 années à commenter la circulation au micro de Radio-Canada.

Yves Desautels entend maintenant limiter ses déplacements en voiture sur le territoire montréalais. « C’est devenu infernal. La planification des travaux est un gros problème. Comment expliquer que des travaux ont lieu actuellement aux quatre coins du marché Jean-Talon alors que la saison estivale commence ? »

Le chroniqueur, que ses fameux « aïe aïe aïe ! » ont rendu célèbre, ne peut s’empêcher de décocher une flèche à l’endroit de l’administration municipale.

De plus en plus de gens quittent Montréal et ça n’a pas l’air de déranger l’administration en place. La seule décision qu’elle prend, c’est d’augmenter les taxes. Pendant ce temps, les gens s’en vont ailleurs.

Yves Desautels

À la fin de la journée de jeudi, Yves Desautels a quitté Radio-Canada avec le cône orange que ses collègues du 15-18 lui ont offert à la blague. Puis il s’est rendu à l’école FACE pour assister au spectacle de fin d’année de son petit-fils Gaël. Voilà qui en dit long sur ses priorités.

Après avoir laissé le Hérisson à Radio-Canada en fin de soirée, Yves Desautels est rentré chez lui… en autobus. Ça ne s’invente pas.